Accès aux médicaments | David Zucman | Malades étrangers
Pourquoi les traitements VIH en Afrique ne sont-ils pas les mêmes que dans les pays riches ? (avec David Zucman)
3 juin 2011 (lemegalodon.net)
-
Écouter: Pourquoi les traitements VIH en Afrique ne sont-ils pas les mêmes que dans les pays riches ? (avec David Zucman) (MP3, 1.7 Mo)
Ousmane : Tout à l’heure, quand il parlait de molécules qui ne sont plus aujourd’hui autorisées, qui ne sont plus du tout sur le marché en Europe, est-ce que c’est uniquement en Europe ou c’est partout dans le monde ? Parce que je constate que ceux qui viennent d’Afrique, notamment d’Afrique subsaharienne et du Maghreb disent qu’effectivement, il y a des traitements, des antirétroviraux qu’on ne permet plus la circulation ici en France et qui en revanche sont ordonnés en Afrique. Comment est-ce qu’on explique ça ? Pourtant en Afrique on ne parle pas de beaucoup de cancers.
David Zucman : C’est l’argent qui explique cela. L’antiviral le plus répandu en Afrique c’est triomune. Triomune effectivement ce sont des molécules anciennes, avec notamment le zérit qui est à l’intérieur. Donc c’est malheureusement une trithérapie efficace, contre le virus ça va être très efficace, mais la tolérance à long terme de la triomune est quand même beaucoup moins bonne que la tolérance, par exemple dans les pays développés, on va trouver atripla. Atripla c’est un peu la même chose que triomune, mais c’est fait avec molécules plus récentes et ça a une bien meilleure tolérance du point de vue du métabolisme, au point de vue du tissu graisseux. Donc oui, c’est sûr que malheureusement, il y a un monde à deux vitesses et des antirétroviraux très bon marché qu’on trouve en Afrique, mais qui sont malheureusement des trithérapies avec une certaine toxicité.
Ousmane : Mais que pourriez-vous nous dire justement par rapport à ça ? Justement, il y a deux mondes à deux vitesses. Déjà, on nous dit que le traitement en Afrique ça existe, donc pour celui qui vient ici pour cause de soin, va être rejeté dans son pays tout en sachant que justement, ces traitements-là, vont amener cette personne à la tombe. Vous en tant que médecin, qu’est-ce que vous pouvez quand même dire par rapport à ça ? Est-ce qu’il y a une défense ? Est-ce que les médecins en parlent pour donner des preuves comme quoi en Afrique les traitements qui sont donnés sont quand même des traitements qui peuvent plus ou moins pousser les gens à aller vers la tombe, le plus vite possible ?
David Zucman : Alors, je ne dirais quand même pas que la triomune pousse vers la tombe le plus vite possible. La triomune elle existe. Elle est très répandue et son coût est pratiquement de zéro, parce que c’est des molécules génériques et donc c’est fabriqué par des laboratoires indiens qui ont un coût pratiquement de zéro. Au point de vue viral, au point de vue de la capacité à bloquer le VIH, c’est quand même quelque chose qui marche bien. Donc les personnes infectées par le VIH en Afrique, surtout si elles ont un taux de T4 assez bas, leur survie va dépendre de ce triomunue qui est présent partout parce que c’est gratuit et qui va pouvoir bloquer le VIH. Il ne faut surtout pas qu’elles arrêtent ce traitement. Il faut qu’elles prennent ce traitement. Alors après, est-ce qu’on pourrait avoir accès à des meilleurs médicaments en Afrique ? Oui, mais c’est malheureusement beaucoup plus chers. Malheureusement, ça ne dépend pas de moi de faire baisser les prix. Mais bien sûr, j’aimerai que les meilleurs traitements puissent aussi être disponible en Afrique et progressivement, ça se fait, mais le médicament de base, reste pour l’instant cette triomune, parce qu’elle est là, gratuite. On n’a pas encore trouvé d’autres génériques avec des molécules meilleures pour pouvoir remplacer triomune. Mais ça va se faire, ça se fait progressivement. Et bien sûr, j’aimerai qu’on puisse trouver en Afrique les mêmes molécules que celle qu’on utilise ici dans les pays riches.
Transcription : Sandra Jean-Pierre