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Retrait du titre de séjour à cause d’une signature différente sur le certificat médical (avec Isabelle Mercier)
4 mars 2011 (lemegalodon.net)
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Écouter: Retrait du titre de séjour à cause d’une signature différente sur le certificat médical (avec Isabelle Mercier) (MP3, 5.1 Mo)
Sandra : Aujourd’hui Isabelle Mercier, que vous avez entendue à l’instant, assistante sociale, est avec nous à l’émission, pour nous parler de Émilie. Émilie devait venir aujourd’hui à l’émission, mais elle a eu un imprévu puisqu’elle est malade. On espère la voir avec nous à la prochaine émission. Donc en fait, Émilie s’est présentée à la préfecture pour renouveler son titre de séjour. Mais malheureusement pour elle, les personnes de la préfecture ont refusé, car il y avait un souci au niveau de la signature sur le certificat médical. C’est bien ça Isabelle Mercier ?
Isabelle Mercier : Oui, disons que les personnes de la préfecture ont évalué elles-mêmes, c’est un peu là qu’il y a un souci. Elles ont évalué elles-mêmes la véracité du certificat médical. Estimant qu’il était faux.
Sandra : Mais pourquoi cette méfiance de la part des personnes de la préfecture ? Les faux certificats médicaux c’est courant ?
Isabelle Mercier : Ce n’est pas courant. Mais il y en a. C’est un moyen d’avoir un titre de séjour. Du coup, il y a effectivement une surveillance précise. C’est tout un système pour vérifier la véracité des certificats.
Sandra : Est-ce que du coup, vous trouvez, comment dire, la décision des personnes de la préfecture, de ne pas renouveler le titre de séjour d’Émilie, est-ce que vous trouvez ça normal en fait ? Est-ce que vous comprenez qu’ils aient fait ça ?
Isabelle Mercier : À partir du moment où on juge soi-même de la véracité ou pas d’un certificat, effectivement ce n’est absolument pas normal. Il y a eu, on pourrait dire, une erreur, plusieurs erreurs, puisqu’en fait, le cas d’Émilie n’est pas le seul hélas. J’espère que, du coup le traitement pour corriger cette erreur va être exceptionnel et prioritaire. C’est-à-dire qu’Émilie ne se retrouve pas à avoir des délais d’attente trop longs à la limite. Elle a déjà deux mois d’attente. Elle a perdu son travail. Elle se retrouve dans une situation totalement précaire et extrêmement difficile. C’est insupportable, à partir du moment où elle n’est pas responsable non plus de cette erreur.
Sandra : Est-ce que la préfecture du coup a porté plainte contre elle pour usage de faux certificat médical ?
Isabelle Mercier : Oui. Quand un certificat médical est jugé faux, le procureur est saisi. Donc il y a la commission des fraudes astucieuses, c’est comme ça que ça s’appelle, qui est saisie. Et la personne va être entendue auprès d’un inspecteur.
Sandra : Et donc du coup, pour l’instant cette plainte ça en est où ? Est-ce que cette situation a été réglée ?
Isabelle Mercier : Alors je suis allée à la place d’Émilie voir l’inspecteur avec un nouveau certificat médical lui assurant qu’elle était bien suivie. Du coup, les procédures concernant Émilie et concernant d’autres personnes aussi ont été stoppées. Puisque nous avons pu prouver effectivement qu’elle était malade et qu’il s’agissait effectivement d’un vrai certificat. Après, les démarches auprès de la préfecture mettent le temps que peu mettre une institution à traiter un dossier. Même si on est derrière en essayant de faire accélérer, ça reste quand même une institution.
Sandra : Tina, tu as parlé à Émilie. Alors je ne vais pas te demander de parler à la place d’Émilie, mais comme tu as communiqué avec elle. En ce moment, moralement Émilie, comment est-ce qu’elle va ?
Tina : Bien sûr, cette situation l’a vraiment beaucoup perturbée parce qu’elle a trois enfants en charge. Le plus petit a 5 mois et le plus grand a je crois, 5 ou 7 ans je ne sais plus exactement. Donc le seul moyen pour donner à manger à ses enfants actuellement c’est les restos du coeur. Alors ce qu’ils veulent bien lui donner ça ne suffit pas. Elle dit qu’elle n’a souvent pas assez à manger pour ses enfants. Quand elle raconte la situation, moi ça me fait vraiment des frissons. Elle dit, depuis qu’il y a ce problème, elle est tout le temps énervée, elle frappe tout le temps le grand parce que tellement elle a besoin de se défouler parce que voilà, la situation la dépasse. Et les enfants ils ne comprennent pas. C’est une situation hyperdifficile. Et en plus, elle m’a dit l’année prochaine ce sera la même chose. Qui me dit que ça ne va pas se reproduire ? Donc elle perd vraiment totalement confiance espoir alors qu’elle avait réussit à construire quelque chose ici en France avec le titre de séjour. Elle a trouvé du travail, elle s’assumait à 100 %, elle a un logement, un travail. Aujourd’hui, elle est vraiment dans une situation hyperprécaire quoi. En plus, le temps passe et elle ne peut rien faire. Donc elle arrive au Comité de temps en temps pour vraiment montrer son désespoir et puis voilà, qu’est-ce qu’on peut faire pour elle ? Elle a un grand souci financier quoi. Donc qui va l’aider ? Nous au Comité, on n’a pas la possibilité de la dépanner financièrement. Il n’y a aucune structure qui est prévue. Elle est laissée à elle-même et à survivre avec les paquets du resto du coeur le temps que ça passe quoi. Donc, c’est difficile pour elle.
Sandra : Et concernant son suivi médical Isabelle Mercier, est-ce que vous savez comment est-ce qu’elle fait pour payer ses médicaments si elle doit prendre un traitement ? Elle reçoit une aide pour ça ou du coup comme elle est en situation irrégulière maintenant, est-ce que même ça c’est compliqué maintenant ?
Isabelle Mercier : Non. Il n’y a aucun souci là-dessus puisqu’une personne qui serait en situation irrégulière pourrait déposer une aide médicale, qui est passée à 30 euros aujourd’hui même. Donc chaque personne doit amener 30 euros et des photos d’identité. Émilie avait une couverture sociale classique, avec une CMU qui était valable un an. Donc là, on était dans cette durée d’un an. Donc elle n’a aucun souci pour avoir ses traitements.
Sandra : Donc en fait, là, la préfecture elle avait complètement le droit de ne pas renouveler son titre de séjour ? Est-ce qu’il y a une loi pour protéger les personnes ? Parce que là, c’est du jour au lendemain qu’elle s’est retrouvée quand même dans une situation incroyable. Donc est-ce que vous pouvez répondre là-dessus Isabelle Mercier ?
Isabelle Mercier : Il y a une loi qui dit qu’une personne qui a un problème de santé, qui la met en danger et qui n’a pas de traitement dans son pays, pas de traitement accessible, peut avoir un titre de séjour pour soin. Alors justement le danger c’est que, cette loi est en train d’être remis en cause. Ça a été présenté au niveau des législateurs qui ont rejeté le projet de loi qui tendrait à modifier, au lieu de dire que la personne n’a pas accès aux soins, si le soin n’est pas disponible dans son pays. Ça veut dire que, pour Émilie, s’il y a une ONG dans son pays ou s’il y a des soins qui sont extrêmement chers. Ils sont quand même disponibles. Du coup, si les députés votent cette loi, on pourrait absolument arrêter de donner un titre de séjour pour soin et en plus expulser Émilie au motif que, 20 personnes peuvent avoir ces traitements dans leur pays. Là, il y a une remise en cause totale du droit de se soigner en France, à travers un titre de séjour pour soin et une situation régulière.
Sandra : Merci pour ces explications. Donc je pense qu’on reviendra sur l’histoire d’Émilie prochainement à l’émission. Isabelle Mercier, est-ce que vous avez peut-être quelque chose à rajouter ? Je vous laisse la parole.
Isabelle Mercier : Oui. Nous on a fait un peu des secours pour Émilie, mais je regrette quand même que, beaucoup de services sociaux de centres d’actions sociales ne reçoivent plus les gens quand ils sont sans papier. Émilie du coup n’a pas pu avoir de secours au niveau de sa mairie parce que sans papier voilà, pas de bras, pas de chocolat comme on dit. Ce qui veut dire en fait que, une personne, aurait des aides en fonction de la régularité de sa situation et plus en fonction de la précarité de sa situation et ça, je trouve ça un peu dommage, même carrément dangereux. Ça n’existait pas il y a quelques années.
Sandra : Est-ce que vous pensez qu’elle pourra se sortir de cette situation ? Combien de temps ça va prendre ? Selon vous, quand est-ce qu’elle pourra à nouveau vivre correctement ?
Isabelle Mercier : Alors je suis en contact avec les services de la préfecture que j’appelle à peu près toutes les semaines. Après, je ne peux pas être à l’intérieur de la préfecture. Le certificat est passé de bureau en bureau. Je pense que, maximum un mois, ça devrait encore durer. Mais j’espère, c’est ce que j’imagine le pire un mois. Maintenant, on sait qu’il y a un accord du médecin qui a été donné. On est juste dans les derniers délais de procédure administrative. J’ai demandé à ce qu’on reçoive le certificat le plus rapidement possible. Mais je ne peux pas être à la place des gens dans leur bureau. Donc on essaye de faire accélérer les démarches administratives, mais... voilà.
Sandra : Tina tu souhaites ajouter quelque chose.
Tina : Oui, comme on en a un peu parlé ensemble, j’aimerai vous demander, comment vous pouvez penser qu’une personne peut commettre cette erreur, donc une personne qui travaille à la préfecture, qui traite une centaine de dossier, je ne sais pas, par mois, dans quels délais, mais en tout cas, c’est son travail de tous les jours et qui peut commettre cette erreur, qui est simplement de dire voilà, la signature du médecin ne ressemble pas à celle d’un autre certificat ? Comment, sachant toutes les conséquences qui découlent de sa décision, comment ça peut se produire et comment faire justement en sorte que, dire à Émilie, ça ne se reproduira plus et à toutes les personnes qui ont ce besoin d’avoir un certificat médical validé par la préfecture, qu’une personne ne pourra faire cette erreur-là ?
Isabelle Mercier : Alors, je ne pourrai pas dire qu’une personne ne pourra plus faire cette erreur-là parce que je crois que le fonctionnement même est lié à une charge de travail. Là où, il y a 6 mois, il y avait 300 dossiers à traiter et il y en a aujourd’hui beaucoup plus puisqu’il y a tout ce système de vérification de faux certificats. On ne peut pas dire à Émilie que cette erreur ne pas va se reproduire. Tout simplement parce qu’aujourd’hui on est dans un système où le gouvernement décide de supprimer un fonctionnaire sur deux et qu’à la préfecture ce sont des fonctionnaires. Que quand une personne part à la retraite, on ne peut pas dire qu’elle était en train de jouer aux cartes, elle avait forcément une fonction. Et donc, la personne qui reste, elle, elle a la double charge de travail. Et on sait bien que, n’importe qui quand il fait double charge de travail finit par faire des erreurs. J’ose espérer qu’il s’agit que d’erreur et peut-être un désir d’accélérer, de diminuer la pile de dossiers qui s’entassent. Il n’y a aucune raison vu comment est pris en compte les charges de travail, il n’y a aucune raison, hélas que, ça ne se reproduise pas.
Transcription : Sandra Jean-Pierre