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Hépatite C (VHC) | Sang contaminé | Yo Yo

Yoyo, 47 ans, co-infecté VIH/VHC, raconte 12 mois de traitement par l’interféron

11 février 2011 (lemegalodon.net)

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Sandra : Vous écoutez l’émission Survivre au sida, la seule émission qui donne la parole aux séropositifs et à ceux qui les aiment. Et vous, qu’en pensez-vous, réagissez sur le site survivreausida.net. Yoyo, 47 ans, de retour à l’émission Survivre au sida. Pour ceux qui ne le connaissent pas, petit flash-back rapide.

Début du son

Reda : La dernière fois qu’on t’a vu dans ce studio, c’était le 16 septembre 2008.

Yoyo : Il y a tout juste une année quoi, à un jour près.

Reda : Un anniversaire ?

Yoyo : Un anniversaire, tu parles d’un anniversaire, ce n’est pas des bougies qu’on va mettre sur le gâteau, c’est des seringues, des seringues d’interféron tu sais. Voilà donc tu fais le décompte.

Fin du son

Sandra : Zina, seringues d’interféron, qu’il dit qui va mettre sur le gâteau d’anniversaire ça te parle ou pas ?

Zina : Oui, ça me parle, dans le sens où je sais que c’est très dur comme traitement quoi. Je pense que c’est allusion à ça qu’il faisait, les seringues d’interféron. En ce qui me concerne j’ai aussi l’hépatite C depuis 1988 je crois, enfin on l’a détectée en 1988. Pour ma part, j’ai vraiment la chance, je touche du bois pour que ça continue, pour ma part j’ai la chance d’avoir une hépatite C qui dort. Qui pour l’instant ne me cause aucun problème si ce n’est de temps en temps de coups de fatigue bien que j’ai le VIH aussi et ça, c’est pareil, je ne sais pas trop. Mais oui, donc moi, pourvu que ça dure, pour l’instant je n’ai pas de soucis à ce niveau-là. Ça fait donc 20 - 23 ans, oui 23 ans.

Sandra : Yoyo a voulu parler à nouveau à l’émission pour nous parler de son traitement contre l’hépatite C. On l’a entendu tout à l’heure avec Christian Gaudry, le traitement hépatite C, c’est quelque chose de très lourd, ce n’est pas toujours une réussite. Pour ceux qui sont co-infectés VIH/VHC, ils se posent peut-être des questions. Est-ce que je vais réussir à le supporter ? Quels sont les effets indésirables ? Est-ce que je pourrais continuer à travailler ? Seuls ceux et celles qui sont déjà passés par là peuvent réellement y répondre. Alors on écoute Yoyo et ce qu’il raconte, c’est ce qu’il a bien voulu, nous raconter.

Début du son.

Yoyo : Je me nomme Yoyo, j’ai 47 ans, je suis marié, contaminé déclaré en 2001. J’étais en Algérie et puis je suis revenue en France en 2007 et puis voilà quoi. Aujourd’hui je suis en repos, je ne bosse pas. Puis on avait planifié ça depuis pas mal de temps. Donc par rapport à mon absence qui a duré assez longtemps, faut pas m’en vouloir.

Sandra : Tu bosses dans quoi ?

Yoyo : Bah ! Pour l’instant je suis chauffeur livreur. Je livre de la bouffe pour des banquets, pour des buffets, beaucoup de préfectures, beaucoup de mairies, beaucoup d’institutions donc voilà.

Sandra : Et pour Sandra...

Yoyo : Euh non. Il n’y a rien à manger pour Sandra.

Sandra : Quelle musique est-ce que tu voudrais que l’émission Survivre au sida te dédicace ?

Yoyo : Une chanson de Johnny Hallyday. Et en fin de compte ça parle un peu de tout le monde, les gens qui racontent des conneries que voilà, on m’a cru mort, on m’a enterré plus d’une fois bah non, je suis toujours vivant, je suis toujours encore là quoi. Et puis ça portera du charbon à mes détracteurs. Dieu sait si j’en ai.

Sandra : Pourquoi est-ce que tu souhaites participer à l’émission Survivre au sida ?

Yoyo : Bah j’avais déjà, j’étais intervenu concernant le traitement que je prenais par rapport à l’interféron, par rapport à la co-infection VIH/VHC. Et j’étais en pleine période, j’étais en cours de traitement. En fin de compte ça n’a pas porté ses fruits. Donc je suis toujours co-infecté et puis on espère qu’il va avoir de nouvelles molécules qui vont être mises sur le marché pour pouvoir justement permettre aux gens qui sont comme moi de se débarrasser du VHC, de la co-infection.

Sandra : Depuis combien de temps tu avais commencé le traitement ?

Yoyo : Le traitement normalement devait durer 18 mois. On s’est arrêté au bout de 12 mois parce que mon métabolisme est arrivé à fond. Le toubib a vu les résultats ils étaient plutôt négatifs et puis je n’en pouvais plus, je ne supportais plus l’interféron, ça fait péter un câble. Puis on niveau physique j’étais devenu à morphe. Je pesais 50 kilos et j’étais en train de craquer. Et puis le toubib a pris sur lui d’arrêté. Donc on n’a pas continué 18 mois. On a eu 12 mois de traitement. Des injections à faire en intra musculaire et une injection par semaine. Et puis tu as des comprimés que tu prends tous les soirs. Mais c’est chaud quoi. C’est assez chaud quoi.

Sandra : Ça t’arrivait parfois de ne pas prendre ton traitement ?

Yoyo : Non je ne me suis pas amusé à le sauter, enfin, à le négliger. J’avais quand même foi en ce traitement. Puis j’espérais me débarrasser de la co-infection. Ça aurait été le summum. Les effets secondaires, c’est des effets assez pervers on va dire. C’est mal être, c’est des angoisses, c’est des pensées bizarres. On m’avait briffé un peu sur tout ça, mais je n’y croyais pas quoi. Et puis quand j’étais pris dedans, je me suis rendu compte oui, les effets sont vachement pervers quoi. Et malgré ma petite carrure, je l’ai quand même bien encaissé et voilà quoi. Contrairement à d’autres et puis ça n’a pas marché malheureusement.

Sandra : Quand tu dis contrairement à d’autres, tu connais des gens qui sont co-infectés VIH/VHC ?

Yoyo : Bah oui. J’en connais pleins qui sont comme moi et qui ont pris le traitement pendant un certain temps et puis que ça n’a pas marché. Puis d’autres qui ont pris le traitement ne serait-ce que très peu de temps puis que ça a marché. Donc après, on n’est pas égal face à la maladie, on n’est pas égal face aux médicaments. Ca c’est commun quoi. Je viens d’avoir un petit enfant, un petit bébé qui a 41 jours, un beau petit bébé, excellent, je suis content mais à fond quoi. J’ai une deuxième fille qui a quand même 10 ans et demi. Bon là, elle commence à être un peu plus autonome quoi, ce n’est pas le boulet. Mais ça va quoi. Les enfants ne sont pas contaminés, je suis content comme tout, comme ce n’est pas permis. Et puis je souhaite à tout le monde de partager ma joie, puis d’être comme moi.

Sandra : Donc au quotidien en fait, avec les effets secondaires de ton traitement, comment ça se passait ?

Yoyo : Ce n’était pas évident, avec le traitement de l’interféron, tu pètes un câble pour un oui pour un non. Ma fille elle s’en est pris, mais vraiment plein la gueule. On va parler crûment comme on dit. Et même ma femme aussi, un moment je pense qu’il y ait eu pas mal de remise en question, puis même moi je me suis rendu compte que j’étais un peu hors norme quoi. Donc c’était complètement déphaser quoi. T’es à fleur de peau, un rien t’irrite, tu es d’humeur interchangeable, je n’avais plus envie de sortir, je n’avais plus envie de voir des gens. Tu te replies sur toi-même en fin de compte. Ce n’est pas bon, ce n’est vraiment pas bon.

Sandra : Comment est-ce que tu expliquais ça à ta femme ?

Yoyo : Bah elle, il n’y avait pas 36 solutions. C’était le médicament, c’était le traitement qui était le principal mis en cause. Puis bon elle l’a bien pris, elle m’a pas mal aidé quoi. Il y a eu une certaine forme de compréhension de sa part quoi. Par le VIH oui elle est concernée, mais pas par le VHC. Elle est aussi indétectable, charge virale indétectable. No problem. À ce niveau-là, il n’y a pas de problème.

Sandra : Et ta fille, comment est-ce que tu lui expliquais ça ?

Yoyo : Bah ma fille je pense qu’elle n’a pas compris enfin de compte, parce que, à cet âge-là on... il y a des choses qu’on ne comprend pas, parce que d’un autre côté, même moi je culpabilisais donc... après l’avoir engueulé je revenais vers elle, et puis j’essayais de l’amadouer un petit peu et essayer de me racheter. Mais ce n’est pas toujours évident.

Sandra : Elle n’est pas au courant pour ton infection ?

Yoyo : Non non, elle n’est au courant de rien du tout. Elle n’est au courant de rien du tout. Elle n’est pas en âge de... ce n’est pas un âge avec lequel on peut partager un secret comme celui-là. Elle savait que je prenais des médicaments. Mais pour quelles raisons, elle ne le savait pas quoi.

Sandra : Elle ne t’a jamais posé de question ?

Yoyo : Non jamais.

Sandra : Et pendant combien de temps tu as été dans cette situation-là ? À quel moment tu t’es dit, là c’est le traitement vraiment qui me fait des effets secondaires, il faut que j’arrête.

Yoyo : C’était surtout sur la fin quoi. C’était sur les derniers mois. Sur les deux derniers mois oui oui... Si le toubib n’avait pas arrêté le traitement de lui-même, moi j’allais de toute façon lui en parler et lui dire que je n’en peux plus. Niveau poids je pesais 50 kilos, niveau moral, j’avais le moral qui était plus qu’en dessous de zéro quoi. Donc c’était assez barbare. Et puis je sentais qu’au niveau de mon foyer, ça ne tournait plus comme il fallait quoi. Que la petite elle se prenait, pas des coups, parce que je ne suis pas le mec qui frappe, mais des engueulades pour un oui pour un rien tu vois. Ca va 5 minutes quoi. Ce n’est pas moi quoi. Je me suis rendu compte qu’en fin de compte ce n’était pas moi quoi.

Sandra : Et dans ton travail, comment est-ce que tu as pu gérer cette situation ?

Yoyo : Bah le travail, j’ai géré tant que j’ai pu. Puis à un moment, j’ai pété un câble. Puis je me suis arrêté 6 mois de travailler. Donc je me suis mis en indisponibilité. Mais gérer ce n’était pas évident. Faire son injection d’interféron à 5 heures du matin pour prendre son service à 6 heures puis pour assumer une journée pleine comme ça, avec tous les aléas du boulot. Ce n’est pas évident à gérer. C’est pour ça que je dis, même si j’ai un petit gabarit, je pense avoir un gros caractère, puis voilà quoi. C’est ce qui m’a un peu aidé quoi. Mais on n’est pas fait de béton, ni d’acier quoi. J’ai craqué quoi. Arrivé à la fin je craquais. 12 mois de traitement, c’est... ça ne parait rien comme ça, alors si ça avait été 18. Là, je n’aurais pas tenu. Pour mon travail non, ça n’a pas posé problème parce que bon, c’est une entreprise d’insertion donc le but, c’est d’aider les gens à se réinsérer et puis bon ça n’a pas posé problème au moment d’envoyer le contrat, j’ai signé le deuxième contrat et ainsi de suite on m’a gardé au sein de la société. Non ça ne m’a pas causé problème du tout.

Sandra : Et là l’échec du traitement, comment est-ce que tu le vis ?

Yoyo : Je le vis normalement, je le vis... bon c’est sûr que c’est un peu emmerdant d’avoir trinqué comme ça une année pour rien, qui n’est pas de résultat probant à côté. Mais d’un autre côté, je le vis normalement quoi. Je n’ai pas de problème, autre pathologie, même au niveau de l’hépatite, je n’ai pas... je suis encore en phase 1. C’est le début, je n’ai pas le foie qui est sclérosé, je ne suis pas addicte de l’alcool, je ne suis pas un consommateur immodéré on va dire. Je suis plutôt un consommateur modéré. Donc mon foie est en bon état.

Sandra : Ça, c’est sur le plan physique et sur le plan moral ?

Yoyo : Je le prends un peu mal. On m’avait briffé de toute façon, on m’en avait parlé, il y a pleins de gens qui m’avait dit il y a une chance sur 2 où ça réussit et puis même les toubibs, ils ont été vachement ouverts. Moi à l’époque j’étais suivi au Kremlin-Bicêtre. Puis j’avais un bon docteur là-bas, il y avait une bonne relation entre nous. Et ce n’était pas une relation de patient à docteur, c’était plutôt, comme si c’était un ami. Et lui il m’a bien briffé, puis il m’a bien soutenu, il a été à mon écoute. Quand il a vu que je pétais un câble, que je ne pouvais plus supporter, bah lui il a décidé qu’on arrêtait le traitement. Il y a parait-il de nouvelles molécules qui vont être mises prochainement et on espère faire parti du lot. Et je ne me suis pas tenu au courant s’il y a eu des essais au niveau cliniques ou quoique ce soit, s’ils sont probants ou s’ils ne sont pas probants, je ne sais pas. Mais l’espoir est encore là, j’attends que mon toubib reparle de ce nouveau protocole pour pouvoir y accéder.

Sandra : Donc voilà, si on te propose un nouveau traitement tu y vas ?

Yoyo : Oui nouveau traitement oui. Mais si c’est encore une année d’interféron, je dirai non dès le début.

Sandra : Est-ce que tu en as parlé à ta femme ? Et est-ce que, au vu des effets déjà que tu as eu, est-ce qu’elle est d’accord ou pas ?

Yoyo : Bah oui, je pense qu’elle est d’accord. À ce niveau-là si l’opportunité est de me débarrasser d’une saloperie comme ça oui oui tout à fait.

Sandra : Tu as pris ton traitement pour ton hépatite C, mais est-ce que pour ton infection VIH, est-ce que tu prends déjà un traitement ?

Yoyo : Oui, je prends déjà un traitement depuis pas mal de temps. Et là, le traitement semble me convenir. Il n’y a pas de problème. Je prends trois comprimés le soir, ce n’est pas non plus la mer à boire quoi. C’est excellent, ça se passe bien, je suis non contaminant. Mes CD4, je dois avoir à peu près 600 ou 500 CD4. Charge virale indétectable. On ne peut pas rêver mieux quoi.

Sandra : Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un qui vient d’apprendre qu’il est co-infecté VIH/VHC ?

Yoyo : En connaissance de cause, je lui dirais, s’il a une chance que ça aboutisse, c’est tout bénef. Après c’est sûr qu’il y a 50/50. C’est comme au jeu du black jack. Soit tu perds, soit tu gagnes. Moi j’ai joué, j’ai perdu. Faut être bon joueur quoi. Tout le monde n’a pas perdu. Il y en a maintenant qui sont débarrassées de cette co-infection tant mieux pour eux. D’autres qui ont trinqué pour rien, puis qui ont toujours cette co-infection. Tant pis pour eux aussi. Donc moi je leur dirais bon courage et accrochez-vous bien. Quand j’ai appris ma co-infection VIH/VHC, quand on m’avait parlé niveau traitement j’ai eu juste des échos à gauche à droite, en me disant oui fait gaffe, c’est un traitement qui est vachement lourd. Voilà il y a les effets pervers, il y a ceci, il y a cela. Au début, c’est juste une mise en garde verbale. Tu ne peux pas savoir à quoi tu vas t’attendre. En fin de compte c’est quand tu commences à prendre le traitement que là, tu te rends compte qu’en fin de compte de la dimension que ça prend c’est autre chose quoi. On a beau t’en parler. Ce qu’il faut c’est que toi-même tu fasses l’expérience. Faut être devant le fait accompli, en cours de traitement pour connaitre tous les effets néfastes de ce produit. Mais on m’avait briffé donc je n’ai rien à dire d’autre. C’est clair.

Diffusion de la chanson « Ce qui nous tue pas, nous rend plus fort » de Johnny Hallyday pendant l’entretien.

Fin du son.

Transcription : Sandra Jean-Pierre