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Bruno Spire vs. Reda Sadki (5/7) : Le dépistage rapide du VIH, réservé aux homosexuels ?
26 juillet 2010 (lemegalodon.net)
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Écouter: Dialogue entre Bruno Spire et Reda Sadki : Dépistage précoce, les homos d’abord ? (MP3, 3.2 Mo)
Dépistage précoce : AIDES met en place un projet pilote pour proposer le dépistage rapide du VIH. Ce projet s’adresse qu’aux homosexuels. Pourquoi ?
Bruno Spire, président d’AIDES, et Reda Sadki, président du Comité des familles, répondent aux questions de l’émission Survivre au sida.
Tina : Alors on va parler de dépistage précoce. Donc AIDES met en place un projet pilote. Pourquoi que pour les homosexuels ?
Bruno Spire : Alors on a commencé par les homosexuels…
Reda : Comme d’habitude.
Bruno Spire : Pas comme d’habitude parce que ce sont les homosexuels chez nous, dans nos groupes communautaires qui on dit : « on veut se faire dépister le plus fréquemment possible et utiliser le dépistage comme stratégie de prévention ». Et nous, on fonctionne toujours de façon communautaire. C’est-à-dire que c’est là qu’on a identifié le besoin. Sachant qu’un certain nombre d’institutions avaient déjà mis en place des projets, étaient déjà en train de travailler sur des projets de dépistage rapide qui ciblaient les migrants. Pas de façon communautaire mais qui ciblaient les migrants. Et nous, on avait ce besoin des gays qui disaient : « nous à chaque fois qu’on va dans un centre de dépistage, on y va souvent, on a plutôt tendance à se faire engueuler » parce qu’on va lui dire : « encore vous ? Vous êtes venus il y a trois mois. Comment ça se fait que vous revenez ? Vous devriez vous protéger tout le temps ». Et donc, on a identifié ce besoin. Le premier groupe qu’on a identifié c’est le groupe gay. Donc on a monté ça. Mais depuis qu’on a commencé ce projet, on a aussi un groupe communautaire migrant au sein d’AIDES qui a identifié le besoin. Et notre deuxième étape, parce que les groupes communautaires migrants au sein d’AIDES et avec nos associations migrantes partenaires on dit : « nous, on serait tout à fait capable de pouvoir mettre un dispositif de dépistage rapide ». On est en train de travailler, c’est notre priorité pour 2009 sur un projet de dépistage rapide auprès des migrants. Mais nous, c’est toujours comme ça qu’on fait. Quand les gens demandent, qu’on travaille avec les personnes et qu’on monte l’action. Ce n’est pas de façon descendante c’est de façon ascendante.
Reda : Moi je vois cette histoire de dépistage rapide, ça fait partie de la banalisation du dépistage du VIH. Des gens qui veulent faire du dépistage comme on fait le test du cholestérol. Donc ça a évidemment des conséquences et ça mérite une réflexion importante. Pour autant moi je vois d’emblée, comment dans le travail quotidien qu’on fait nous, même si on n’est pas au Comité des Familles positionné sur le champ de la prévention. Je vois très bien, quand je vois des copines qui accompagnent des jeunes femmes au centre de dépistage pour faire un test, s’il y avait un test de dépistage rapide, vu qu’on fait le soutien, ça pourrait vraiment faciliter les choses. Une femme au foyer qui sait que son mari est infidèle et qui veut aller faire un test et qui sait que c’est compliqué pour elle. Parce que comment elle va justifier de sa visite dans un centre de dépistage ? C’est presque aussi flagrant que si elle demande à son mari de mettre le préservatif. Donc c’est autour d’enjeux comme ça, je ne comprends pas, je pense que l’enjeu aujourd’hui, la priorité de la lutte contre le sida, c’est de réduire les inégalités entre les populations. Et notamment en ce qui concerne l’accès au dépistage. Par exemple ne serait-ce que sur des trucs tout simples. Chez les adolescents, le recours au préservatif lors du premier rapport, c’est le jour et la nuit par rapport à la situation il y a 10 ou 15 ans. Beaucoup plus d’ados mettent le préservatif. Mais ceux qui ne le mettent pas lors du premier rapport, ceux qui sont plus à risque d’être contaminés c’est comme par hasard, les jeunes des populations défavorisées qui habitent dans des quartiers pauvres et ainsi de suite. Et donc, on sait par ailleurs que la population homosexuelle, c’est la population la plus dépistée, qui se dépiste le plus souvent, qui a le moins de difficulté pour accéder au dépistage. Donc pour moi je me dis c’est, je ne comprends pas. Que la demande soit venue en interne, au sein d’AIDES, est-ce que ça, ça pourrait être lié aussi à la configuration qui fait que certains, pour des raisons historiques, peuvent avoir accès et faire entendre leurs besoins et leurs revendications plus facilement que d’autres. Et à ce moment-là, est-ce que ça ne devrait pas susciter une remise en question ? D’ailleurs même Roselyne Bachelot quand elle a présenté le projet était gênée. Elle disait effectivement, il y a des besoins, cette question du dépistage rapide concerne beaucoup de monde. Il se fait que c’est autour des besoins de la population homosexuelle qu’il y a le premier projet qui est porté, qui est validé. Le planning familial, ce n’est pas le Comité des Famille, la ligne qui dit publiquement formidable qu’on met en place des outils qui vont permettre d’avoir des réponses plus rapides et dans un cadre de soutien et tout ça. Mais comment ça se fait ? Même eux, même elle, je dirais, se sont étonnés du choix des priorités. Donc là je pense qu’on ne peut plus accepter aujourd’hui dans la lutte contre le sida, qu’on fasse passer, qu’on monte un projet pour une population spécifique sans que soit monté en parallèle le projet pour répondre aux besoins d’autres populations qui sont d’autant plus précarisées, d’autant plus dans des situations d’inégalités et d’injustices sur le plan social. Je pense que c’est un non-sens et que ça revient à faire autre chose que lutter contre le sida.
Bruno Spire : Mais faut savoir que le dépistage rapide aujourd’hui est régi par la recherche. Parce qu’il n’est pas autorisé dans le cadre légal pour personne. Donc on est dans le cadre de recherche-action. Donc rien n’empêche le Comité des Familles de déposer un projet de recherche bio médical. Ce n’est pas compliqué. On peut même collaborer avec vous pour vous aider à le monter. Faut trouver un promoteur, il faut trouver un investigateur médecin qui se porte caution et ce n’est pas très compliqué dans le cadre du dépistage et de monter un dépistage rapide pour les personnes migrantes. Ce n’est vraiment pas compliqué. Et le planning familial qui regorge de médecins et de personnes qualifiées peut tout également le faire. Nous si on a voulu rentrer dans ce type de projet c’est parce qu’on s’est dit, le dépistage n’est pas aujourd’hui qu’une question de soignant. Le dépistage c’est d’abord… et l’accompagnement. Et nous ça fait des années qu’on accompagne des personnes à l’annonce du test. Parfois des gens qui reçoivent le test n’importe comment, par la poste, etc. Donc on a cette habitude. Donc dans ce protocole de dépistage rapide, on ne va pas le faire comme annoncer un test de cholestérol. Ce n’est pas du tout ça. C’est beaucoup plus. Aider les personnes à accepter le résultat, qu’il soit négatif ou qu’il soit positif, et envisager les stratégies de prévention avec ces personnes. Et on a commencé par les gays parce que ce n’est pas la même chose que le dépistage tardif. C’est une autre problématique, c’est l’accès au dépistage répété quand on prend des risques répétés. Et c’est vrai qu’il y a toute une population de gays qui n’arrive pas à se protéger, qui ont beaucoup de rapports sexuels, beaucoup de prise de risque, et quand elles font, la première chose juste de faire après des prises de risque d’aller au dépistage, et qu’elles se font engueuler, du coup, il faut trouver des solutions pour les dépister parce qu’on sait que si on les refuse, si elles n’ont pas accès au dépistage, et si elles sont affectées, elles seront en primo infection et que le risque de transmission est beaucoup plus important à ce moment-là. Et donc ce n’est pas la même dimension de dépistage tardif. Et il ne fallait pas oublier cet aspect-là qui est un dépistage répété, qui est une autre dimension, qui a été identifiée par nos groupes communautaires gays.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
L’intégralité du débat entre Bruno Spire et Reda Sadki
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