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Bruno Spire | Financement de la lutte contre le sida | Homosexualité | Reda Sadki

Bruno Spire vs. Reda Sadki (3/7) : Les séropositifs hétérosexuels ont-ils leur place dans une association comme AIDES ?

20 juillet 2010 (lemegalodon.net)

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Aujourd’hui, la majorité des séropositifs sont des hétéros, et plus de la moitié vivent en couple, ont des enfants ou bien ont l’intention d’en faire (selon l’enquête VESPA de France Lert notamment). Que font AIDES et le Comité des familles face à cette réalité ?

Bruno Spire, président de AIDES, et Reda Sadki, président du Comité des familles, répondent aux questions de l’émission Survivre au sida.

Tina : Aujourd’hui la majorité des séropositifs sont des hétérosexuels et plus de la moitié vivent en couple, ont des enfants ou ont l’intention d’en faire. Alors ça c’est selon l’enquête Vespa de France Lert notamment. Que font AIDES et le Comité des Familles face à cette réalité ?

Bruno : La question est... qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce qu’on fait pour les familles ? On fait ce que les familles viennent nous demander de faire. Parce que nous, on ne fait pas pour les gens en général. Ni pour les familles, ni pour les autres. Ce n’est pas notre philosophie. On fait avec. Et c’est bien notre esprit communautaire. C’est-à-dire que notre démarche c’est les personnes qui participent à AIDES, elle viennent avec un certain nombre de demande et on essaye de voir comment on peut répondre à un certain nombre de ces demandes. On n’a pas une démarche en disant : « ah on va décider aujourd’hui qu’est-ce qui est bon pour les gens ». Et j’imagine que... moi ce qui m’intéresse dans le Comité des Familles, ce que j’ai vu dans le Comité des Familles c’est que la démarche elle est extrêmement similaire. Elle est faite avec les personnes. Ça c’est vraiment très intéressant et moi je trouve qu’il y a beaucoup plus de points communs que ce que parfois on veut nous opposer. Il y a pas mal de points communs dans la démarche entre ce que fait le Comité des Familles, qui est cette démarche communautaire, qui aujourd’hui, n’est malheureusement pas toujours bien reconnue par l’Etat. Je vous donne un exemple. On a un certain nombre de familles qui nous demandaient de faire des séjours pour les enfants. Et on a, depuis un certain nombre d’années, et on l’a augmenté en 2008, on va l’augmenter en 2009, fait des séjours estivales. C’est la délégation de Nîme qui s’en occupe, qui s’appelle la Maison du Soleil et qui est une action de AIDES qui a tendance à se développer, en tout cas à se pérenniser, à se diversifier sous différentes formes. Et ça c’est parce que aussi c’est une demande des enfants, aujourd’hui des adolescents qui ont grandit et qui ont envie de monter ce type d’action.

Reda : Alors sur l’action du Comité des Familles, évidemment le Comité a été créé par et pour des familles, des couples sérodifférents, des personnes qui avaient des enfants, qui voulaient en faire. C’est vraiment au coeur de ce qu’on fait, en tout cas c’était à l’origine de notre démarche, même si aujourd’hui la procréation... il y a d’autres besoin sur lesquels on mène des projets. En revanche on ne prétend pas parler sur les questions sur lesquelles on n’est pas en capacité de le faire. Et on ne prétend pas répondre aux besoins de tous par rapport à l’ensemble de l’épidémie. C’est peut-être une forme de modestie, faut le dire qu’on est une petite association et fier de l’être. Et pour autant, on se retrouve bien démuni justement, face à une part importante de l’épidémie. On a le sentiment que cette part importante est marginalisée plus pour des raisons politiques voir politiciennes ou idéologiques, que nos besoins, que nos préoccupations restent dans les marges. Que ce soit au sein des grandes associations. AIDES est la plus grande, donc c’est forcément eux qui prennent le coup quand il y a des critiques, des remontrances. Mais c’est un problème qui est plus large que sa dimension associative. Il ne s’agit pas de dire telle association ne fait pas assez. Je pense que sur le fond c’est vraiment... l’absence de reconnaissance d’une expérience collective, notamment quand on parle de l’arrivée des trithérapies, on dit oui les trithérapies sont arrivées, enfin les antiprotéases sont arrivées en 1995-1996, c’était la première victoire contre le virus. Mais on oublie trop souvent qu’il y en a eu une. La première vraie victoire contre le virus ce sont les mamans enceintes, dont certaines vont accepter de prendre un placebo, pour apporter la preuve que l’AZT permet de réduire avec efficacité la transmission de la mère à l’enfant. Pourquoi cette victoire, des mamans ont risqué la contamination de leur enfant, ne fait pas partie de l’histoire dominante de la lutte contre le sida ? Chacun sait, les médecins le savent, les associations le savent. Mais quand on parle de l’histoire officielle telle qu’elle est décrite, on ne parle pas ou très peu de ces mamans-là. Et on finit par se poser la question pourquoi ? Et quand j’entends le discours de Bruno Spire qui est tout à fait admirable, il suffit que les gens s’adressent à nous avec leurs préoccupations, leurs problèmes et on essaye ensuite de les prendre en compte, on monte des séjours, tout ça. Mais faut quand même rappeler, que par exemple Sol En Si qui, Tania rend hommage à Sol En Si, Sol En Si c’est Myriam Mercy qui quitte l’association AIDES parce qu’elle fait le constat qu’au sein de AIDES, la priorité des priorités ce sont les besoins des homosexuels, que parler des enfants malades, des besoins des enfants et de leurs parents, des familles n’est pas possible dans le cadre de AIDES à la fin des années 80, début des années 90. Alors justement avant l’arrivée des trithérapies, une population qui n’a pas l’habitude de se retrouver mourante à l’âge de 20, 25 ou 35 ans n’est pas prête à entendre qu’il y a peut-être d’autres personnes qui ont d’autres besoins qui ne sont pas les leurs mais qui comptent aussi. Donc qu’en 2008 AIDES organise des séjours estivales pour les familles, ça me fait sourire. Je suis partagé entre l’envie de dire il vaut mieux tard que jamais ou envie de dire mais arrêter ! Arrêter de faire croire qu’aujourd’hui vous allez rattraper 20 ans de retard...

Bruno Spire : Ça fait 15 ans...

Reda : 20 ans de déni...

Bruno Spire : Ça fait 15 ans qu’on fait cette action de la Maison du Soleil. Donc ce n’est pas une action nouvelle. C’est action qu’on va développer, qu’on va amplifier, c’est une action ancienne et je tiens à dire que Sol En Si a été créée par Alain Danand, pas par Myriam Mercy. Alain Danand, volontaire de AIDES et qui s’est dit, on va créer une association spécifique sur le besoin des enfants et donc d’une certaine façon Sol En Si s’est créée aussi à travers le mouvement homosexuel. Ce n’est pas pour autant que ça l’est resté. Ce n’est pas parce que la personne l’a créé que ça reste une association homosexuelle bien évidemment. Mais on ne peut pas à la fois reprocher qu’il y a des associations créées par le mouvement homosexuel et d’autres, quand elles sont créées on dit : « ah non vous regardez comme c’est remarquable ». Donc c’est juste pour dire que ça n’a pas d’importance qui a créé l’association et quelle est l’origine d’une association qu’elle soit issue du mouvement homosexuel ou pas, je pense que ce n’est pas ça l’essentiel.

Reda : L’histoire de Sol En Si c’est quand même très largement connu. Tu veux dire que tu nies que à l’époque il y avait vraiment un clivage, un conflit, autour de quelle place justement accorder aux enfants malades dont témoigne aussi cette intervention...

Bruno Spire : C’est justement parce qu’il y a eu... ce n’est pas parce que il y a un clivage. C’est parce que les préoccupations à l’époque, il y avait une telle force dans l’opinion publique d’opposer les enfants aux autres. On oubliait d’ailleurs les mamans. Personne n’en parlait. Ce qui est peut-être le pire. Il y avait une telle force dans le grand public de dire les innocents ce sont les enfants et les autres ce sont les coupables. Il a fallu cette séparation pour évoluer et jamais contre l’autre. On a jamais eu de conflits entre les grandes associations et Sol En Si. Jamais. D’ailleurs on s’est retrouvé dans des collectifs... Mais simplement on s’est dit c’est compliqué de militer avec les mêmes gens ensemble. C’est peut-être dommage aujourd’hui. On s’en rend compte mais l’histoire a fait que, la pression est tellement forte, d’opposer les enfants au reste, que les gens qui s’occupaient des enfants se sont dit et même au départ, même s’ils étaient issus de la communauté homosexuelle, qui fallait pour que ce soit efficace, pour sécuriser aussi les financements, pour avoir des dons qui étaient pour les enfants, qui étaient à l’époque, faut le dire, beaucoup plus facile d’en obtenir. Ce qui n’a pas été le cas après dans la durée. Mais il a fallu pour ces raisons-là, créer une association qui était indépendante. Et c’était leur choix et on l’a accepté. Parce qu’on ne peut pas être non plus hégémonique et dire qu’il faut qu’une seule association. Quand il y a des gens qui veulent créer une association différente, il faut laisser l’association se faire.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

L’intégralité du débat entre Bruno Spire et Reda Sadki

- Bruno Spire vs. Reda Sadki (1/7) : « Ras le bol qu’on oublie nos enfants ! » déclare une maman séropositive
- Bruno Spire vs. Reda Sadki (2/7) : Les associations sont-elles réellement à l’écoute de tous les séropositifs ?
- Bruno Spire vs. Reda Sadki (3/7) : Les séropositifs hétérosexuels ont-ils leur place dans une association comme AIDES ?
- Bruno Spire vs. Reda Sadki (4/7) : Est-ce que toutes les populations sont ciblées ?
- Bruno Spire vs. Reda Sadki (5/7) : Le dépistage rapide du VIH, réservé aux homosexuels ?
- Bruno Spire vs. Reda Sadki (6/7) : Comment comprendre l’évolution de l’épidémie du VIH ?
- Bruno Spire vs. Reda Sadki (7/7) : Les associations issues du mouvement homosexuel méprisent-elles les problèmes des séropositifs hétérosexuels ?