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Génération sacrifiée, 20 ans après | Projet Madeleine Amarouche

Peut-on dire que la vie avec le VIH est belle ?

14 juin 2010 (papamamanbebe.net)

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Début du son

Ben : Pourquoi j’ai osé dire au Comité des Familles de s’inscrire dans le réseau « capacitation » c’est juste pour avoir une mémoire pour tous ceux qui nous ont quitté. La génération sacrifiée, la génération des cités. Parce que à force de vivre... avec le VIH, on s’est rendu compte qu’il y avait le VIH de Neuilly et le VIH de la banlieue. Et notre génération, nous, je suis un survivant de la banlieue et qui a traversé tout ce que viennent dire les discriminations. Mais aujourd’hui on peut vivre. On peut vivre mais acceptez nous.

— Bravo !

— Merci, merci beaucoup. Une dernière intervention de Mohamed ici.

Mohamed : Alors moi c’est pour conclure l’affaire pour dire franchement, c’est Ousmane tu t’appelles ?

Ousmane : Ousmane oui.

Mohamed : Franchement bon texte, belle voix et continue comme ça et j’espère que ce que tu as dit ça va servir à quelque chose.

Ousmane : Merci aussi.

Fin du son.

Reda : Mes félicitations pour notre ministre de la culture, ça se passe à Grenoble, c’était le 28, 29 mai, c’était le week-end dernier c’est ça ?

Ousmane : C’était le 28 mai.

Reda : Vous étiez plusieurs du Comité des Familles à partir. On a entendu Ben rappeler une fois de plus cette histoire de génération sacrifiée à laquelle il appartient. Vous êtes partis pour faire quoi ? C’était un week-end de... moi je reste fixé sur mon idée, c’est un week-end de vacances mais vous ne voulez pas le dire (rires).

Ousmane : Ce n’était pas ça. Loin de là quand même parce que ce n’était pas un week-end de vacances, c’était un week-end de rencontres donc avec plusieurs associations.

Reda : Ah en plus ! (rires).

Ousmane : On était en nombre donc différentes associations donc de la Belgique, et de toute la France en fait. Au moins une quinzaine d’associations. Donc elles se sont rencontrées...

Reda : Grâce au réseau « capacitation citoyenne » qui paye billet de train et hébergement pour des militants associatifs.

Ousmane : C’était plus pour...

Reda : Echanger ?

Ousmane : Echanger, qu’ils disent un peu ce qu’ils font et en parler avec les autres et éventuellement garder des contacts avec qui vous pouviez continuer.

Reda : Donc quand Mohamed on va dire Momo te félicite c’est parce que tu as chanté sur scène ?

Ousmane : Oui une chanson sur le VIH.

Reda : Malheureusement en crachant sur le micro donc on ne peut pas la partager avec les auditeurs (rires).

Ousmane : C’est une chanson qui était en live et je pense que Ben au départ a dû mettre l’enregistreur carrément au bout de l’enceinte.

Reda : Ok. Alors on va écouter un premier extrait autour du projet Madeleine où des personnes séropositives du Comité des Familles vont parler aux jeunes pour leur expliquer à quoi ressemble la vie avec le VIH.

Début du son.

Ousmane : Pour combattre, informer, lutter contre les discriminations. Prévenir de nouvelles contaminations. On a tous un rôle à jouer.

Mohamed : Le projet Madeleine est devenu... mince (rires).

— Est-ce qu’on peut reprendre là où tu reprends ? Ok, le clap s’il vous plaît.

— Silence on parle.

— Sans nous il n’y aura pas de changement, prise 4.

— Action ! Couper ! Merci, bravo,voilà. C’est votre tour.

— Vous pouvez nous expliquer ce que c’est le projet Madeleine ?

Ousmane : Le projet Madeleine est venu d’une idée, de cette dame qui s’appelle Madeleine. Elle nous a quitté il y a deux ans. Elle est décédée en 2007. J’avais décidé en son propre nom d’aller témoigner de sa vie avec le VIH dans les lycées et collèges. Après son décès, le Comité des Familles n’a pas voulu que ce projet reste là. On a voulu en tout cas à notre façon, dans le Comité, prévenir cette jeunesse là, pour pas que ça leur arrive, la vie avec le VIH. Certes aujourd’hui la médecine a fait des avancées mais évitez que nos enfants, nos petits frères, nos parents ou les amis puissent ne pas avoir le VIH, c’est encore mieux. Voilà pourquoi le Comité a mis en place le projet Madeleine.

Fin du son

Reda : L’appel est lancé pour toutes les personnes vivant avec le VIH qui souhaiteraient contribuer à ce projet. Sofi et le reste du groupe du projet recherchent et vraiment invitent les personnes qui auraient envie d’aller parler de... expliquer à quoi ressemble leur vie aux jeunes, à prendre contact. Vous pouvez lui écrire c’est sofi@papamamanbebe.net. C’était à Grenoble, ça se passait le 28,29 mai et c’est « Silence, on parle ».

Ousmane : Et c’est la caravane de la « capacitation citoyenne ».

Reda : Et là ce qu’on entend au départ où...

Ousmane : Couper et tout ça, c’était direct, voilà vous arrivez,vous dites votre message et vous avez toutes les caméras braquées sur vous, voilà vous parlez, vous dites ce que vous avez à dire...

Reda : Et vous, vous avez lu le texte de Sofi ?

Ousmane : Voilà, on avait le texte de Sofi en main qu’on voulait présenter.

Ali : Et d’abord la chanson d’Ousmane qui a fait un carton. Ensuite les gens ils ont posé des questions et à la fin comme il restait quelques minutes, on a réussi à caler, à faire en sorte avec Sofi et d’autres que Ousmane rechante et puis là alors la place, ça bougeait dans tous les sens, ça c’est bien passé quoi.

Reda : Il y a eu un débat super intéressant sur la question du regard des autres, sur la discrimination tout ça. Ça fait 5,54. C’est un extrait et on va écouter ça pour en parler après.

Début du son.

— Alors moi ce que je me demande quand même aussi en vous entendant face à des situations aussi graves, aussi dures, je me dis, est-ce que vous avez l’impression qu’on arrive vraiment à changer les autres, est-ce que finalement à travers tout ça, ce qui est le plus important, c’est qu’on se sente soi-même plus fort pour faire face à la différence, à la diversité ?

Ali : Moi déjà je vais sortir une évidence c’est que dans l’adversité on est plus fort. On est face à une pathologie mortelle, par voie de conséquence il y a un instinct de survie, je ne sais quoi. Sinon pour répondre, je n’ai pas la prétention de changer les mentalités, loin de là. En revanche je peux partager mon vécu et si je peux ne serait-ce que voir avec une personne que au moins ça ne l’importune pas et qui est à l’écoute de ce que je lui dis, c’est une bonne chose. Et je ne désespère pas que les choses évoluent.

Ousmane : Je rajouterai à ce que Ali a dit, sur ce que tu viens de dire tout de suite, changer les mentalités, c’est trop dire quelque part. Mais je pense aussi que, tant que les personnes concernées elles-même n’osent pas s’afficher devant les gens et dire voilà, l’image qu’on t’a montré il y a 20 ans, aujourd’hui ce n’est plus cette image-là donc tu n’as plus à avoir peur de moi comme certaines personnes et en même temps c’est donner l’information. Dire qu’aujourd’hui en fait le VIH il n’est plus mortel si on le découvre plus tôt et qu’on arrive à te suivre correctement, tu vis, tu as la même, comment dire ça ? Tu as la même espérance de vie qu’une personne séronégative. C’est juste que les gens puissent savoir que ce n’est pas une fatalité. Une personne qui a le VIH, n’est pas une personne dangereuse comme on nous l’a fait savoir il y a 20 ans, il y 21 ans. Aujourd’hui c’est tout autre. Donc quelque part c’est en fait, amener les gens à voir le VIH de cette façon-là et de se poser des questions et aller vers l’information afin de pouvoir protéger ceux qui n’ont pas cette information.

— Moi ce que je voulais dire c’est bien ce que vous nous avez dit là mais il ne faut pas banaliser non plus. Il faut au contraire informer les jeunes pour qu’ils fassent attention. Parce que vous êtes en train de dire qu’on n’en meurt plus, qu’on vit très bien avec...

Ousmane : Je crois qu’en fait il y a... je vais lui répondre tout de suite. Vous n’avez pas entendu ce que j’ai dit, j’ai dit déjà si on témoigne dans les lycées...

— Non, non mais justement attendez, excusez-moi...

Ousmane : Quand on témoigne dans les lycées c’est justement pour leur faire comprendre comment c’est difficile de vivre avec le VIH.

— Oui, d’accord.

Ousmane : Mais en même temps, il ne faut pas qu’ils aient peur des personnes qui sont séropositives.

— Non, je ne dis pas ça.

Ousmane : Voilà.

— Ce n’est pas ce que je disais.

Ousmane : Je pense que pour une personne face à un être qui a le VIH, qui se porte apparemment bien, va se poser des questions. Comment est-ce que ça se fait que tu sois en bonne santé ? Tu vas lui donner les informations qu’il faut et je pense quand même que quelque part c’est échanger des informations et lui dire malgré ça fais très attention. On ne va pas dire la vie est belle avec le VIH. Jamais de la vie. Si on le fait c’est pour éviter qu’ils l’aient.

— Ceux qui l’ont déjà oui.

Ousmane : Voilà.

— Moi ce que je veux c’est que les gens ne l’attrapent plus.

Ousmane : D’où vraiment nous notre combat. D’où le combat d’aller dans les lycées et de témoigner vraiment.

Ali : Je vais finir ma réponse en précisant bien que moi ça fait 27 ans que je vis avec cette pathologie mais je ne prends pas de traitement, c’est simplement parce que je ne suis jamais descendu en dessous de 200 CD4.

— Parle bien dedans.

Ali : J’ai un enfant qui va avoir 19 ans le 5 juillet et la mère n’a pas été contaminé, ni l’enfant. Donc pensez bien j’ai des neveux, j’ai des nièces, qui seront amenés à avoir des petits enfants, donc pensez bien que s’il y a un message qu’on veut faire passer ce n’est pas uniquement le message du préservatif ou de la fidélité ou de ceci ou de cela. C’est simplement témoigner...

Ben : De notre vécu.

Ali : Du vécu de certains, et de manière à ce que, faute de changer les mentalités, au moins certains comportement changent et qu’il y ait moins de contaminés.

— Juste une petite chose en fait, c’est que j’ai rencontré une personne qui avait vraiment du mal pour me dire qu’elle avait le sida, elle pensait vraiment que j’allais le rejeter,qu’on est tous pareils alors que non. La personne avait vraiment du mal, elle pleurait, elle n’arrivait pas du tout à sortir les mots, je lui ai dit : « écoute aie confiance, dis moi, qu’est-ce qui te tracasse ? » C’est vraiment il était perdu, il était seul en fait, heureusement qu’il y a des personnes comme vous, le Comité des Familles, tous ceux qui militent justement pour le sida. Et quand il l’a sorti franchement déjà j’étais bouche bée, je ne savais pas du tout quoi dire. La première fois on ne sait pas quoi. Et lui, ça l’a soulagé. Ça l’a soulagé parce que je ne lui ai pas dit : « écoute ne t’approche pas de moi ou dégage, qu’est-ce que tu fais, c’est la dernière fois qu’on se voit ». Non c’est une personne normale, comme tout le monde, on est tous des être humains. La maladie ça ne se commande pas, c’est juste faut faire attention c’est tout. On sait qu’elle est là, on sait qu’elle existe, ce n’est pas nous du tout qui l’avons créée, c’est une pathologie comme toute pathologie. Elle est là, elle existe, il faut que le monde continue.

Ali : Il ne faut pas la banaliser. On n’en parle plus aujourd’hui comme on en parlait il y a 20 ans ou 25 ans mais malgré tout ça reste présent.

— Voilà, faut les respecter. Faut les aider et puis il faut que ça évolue. Je vous félicite.

Fin du son.

Reda : Voilà donc « Silence on parle ». Ça se passe à Grenoble le 28,29 mai. Il y avait Zina, il y avait Ousmane, il y avait Ali, on vous a entendu tous les deux. Il y avait Ben de Valenciennes. Moi ce qui m’a choqué quand j’ai écouté ce truc ce matin. J’ai l’impression que ça arrive chaque fois que les personnes qui vivent avec le VIH, du Comité des Familles, qui parlent, qui disent qu’ils vont plutôt bien, qu’ils ont des enfants, qu’ils savent qu’ils peuvent en faire, il y a des gens que ça gêne et qui se disent finalement qu’est-ce que c’est que ça. Vous n’êtes plus suffisamment malades, vous n’êtes plus suffisamment décharnés, vous n’avez pas de bouton, pas de sarcome de kaposi sur le visage, qu’est-ce que c’est que ça, comment voulez-vous qu’on fasse la prévention puisque vous allez si bien. Est-ce que vous ne pourriez pas être un petit plus malade. Et en même temps de l’autre côté je vous ai senti sur la défensive. Ousmane qui dit : « On ne dira jamais que la vie est belle avec le VIH ». Mais il y a deux choses différentes. Il y a dire j’ai le VIH, la vie elle est belle quand même et il y a dire, grâce au VIH la vie est belle. Ce n’est pas la même chose. Et j’ai l’impression que c’est la confusion entre ces deux choses-là qui fait que ça semblait bizarre. Donc expliquer moi ce qu’il s’est passé.

Ousmane : Ce que moi j’ai voulu faire passer en disant ça c’était que chacun vit sa maladie comme il l’entend. C’est-à-dire qu’une personne qui vit bien sa maladie à la liberté de le dire.

Reda : Oui mais elle, elle dit non, elle n’est pas libre de le dire parce que si la maladie ne fait plus peur les jeunes vont faire n’importe quoi et arrêter de se protéger. Comme si qu’il y avait que les jeunes qui avaient des rapports sexuels, qui prenaient des risques.

Ousmane : Effectivement. Maintenant moi j’ai dit, on ne dira jamais la vie est belle. Bon...

Reda : Mais moi j’entends tout le temps des gens qui disent la vie est belle.

Ousmane : Je suis parfaitement d’accord mais ce que j’ai voulu dire la vie est belle, je ne dirai jamais ça. Ça me concerne moins directement parce que moi je ne le suis pas, je suis séronégatif, mais dire que la vie est belle avec le VIH à la place d’une personne qui l’a, je pense que ce n’est pas du tout mon rôle. Donc du coup moi je ne me vois pas...

Reda : Mais ce n’était pas la question posée...

Ousmane : Ce n’était pas la question posée mais bon en même temps je ne peux pas dire non plus la vie est belle à la place d’une personne directement concernée. Donc fallait aussi que je fasse la part des choses.

Ali : Moi je suis extrêmement étonné de la question de cette personne pour la simple et bonne raison c’est que je la connaissais, j’avais déjà discuté précédemment la première fois à Grenoble avec elle et même jusqu’ici à Paris puisqu’on était rentré ensemble et voilà. Et donc on tenait à être clair là-dessus mais partout on rencontre les mêmes dès qu’on parle du sujet, on rencontre le problème. C’est-à-dire on ne peut pas enjoliver les choses. On ne peut pas dire voilà il y a des super traitements...

Reda : Tout est rose.

Ali : Voilà et noircir le tableau, dire que la vie est un enfer. C’est pareil pour certains, ils se disent mais attends je vis très bien, ce n’est pas parce que toi tu... donc c’est différent pour chacune et il est là le problème. Que ce soit dans une conférence de presse ou là c’est de dire nous si on parle de notre vécu et de la manière dont on vit les choses, en particulier c’est pour les générations à venir, dire comment nous on ressent les choses et de préférence que les générations futures n’aient pas à rencontrer les mêmes problématiques, prennent les précautions contre ça.

Reda : Alors la plus jeune autour de cette table s’appelle Laura, elle a 18 ans. On a parlé avec elle en première partie d’émission. Son papa vit avec le VIH depuis 24 ans. Quand tu écoutes cette dame qui s’offusque presque d’avoir devant elle des séropositifs qui vont bien et puis qui le disent. Qu’est-ce que tu en penses ? Est-ce que pour toi, c’est quand même vivre avec le VIH, toute la stigmatisation que ça implique quelque soit le progrès de la médecine. Est-ce que savoir que les séropositifs vont bien en tant que jeune ça te donne envie de prendre des risques ?

Laura : Non.

Reda : De te retrouver toi aussi avec ce virus ?

Laura : Ah non pas du tout.

Reda : On retourne l’absurdité de la question.

Laura : Moi je trouve que la dame n’était pas stupide dans ce qu’elle disait. Elle voulait juste répondre à Ousmane en disant qu’il ne fallait pas banaliser la chose. Et je suis tout à fait d’accord avec elle. Parce que comment il s’est exprimé, je comprends, j’aurais réagi pareil que cette dame. Il s’est exprimé à dire oui il ne faut pas avoir peur des personnes qui ont le VIH, on peut s’en approcher, ce n’est pas contagieux, et je suis d’accord avec lui. Mais comment il s’est exprimé, c’était comme s’il disait oui les personnes qui ont le VIH maintenant ils vivent très bien, il n’y a pas de problème à avoir et tout ça. Et donc je suis d’accord avec la dame dans le sens où elle disait ok je suis d’accord avec vous mais il ne faut pas banaliser la chose, ça reste une maladie grave, on n’en meurt, il y a des phases terminales qui se terminent vraiment très très mal dans la souffrance et il ne faut pas non plus banaliser la maladie. C’est pour ça que je suis à moitié d’accord.

Reda : Ce n’est pas anodin oui.

Laura : Mais après je sais très bien que ce n’est pas ce que voulait dire Ousmane. C’était juste la manière dont il s’est exprimé, je sais très bien que ce n’est pas ce qu’il pense. Il voulait juste dire que les gens qui ont le VIH on peut s’en approcher, qu’il n’y avait pas de problème avec ça et qu’on arrive à vivre des années, mon père ça fait 24 ans qu’il a le VIH, il vit très bien avec.

Reda : Mais oui et le fait de dire ça c’est... déjà dans la mesure où c’est vrai, il n’y a pas de raison de le cacher.

Laura : Oui.

Reda : Ce n’est pas ça qui va donner envie à quelqu’un de se retrouver avec ou de prendre des risques.

Laura : Ah non vraiment pas.

Ousmane : Non je ne pense pas.

Laura : Pour rien au monde je voudrais...

Ousmane : Le VIH même qu’ils disent que je vais bien, je vis bien avec, je ne pense pas que ça donnera envie

Laura : Non c’est clair.

Ousmane : C’est clair.

Laura : C’est juste pour ne pas banaliser la chose c’est tout.

Reda : Tina sur cette question, sur ce débat ? Avec le projet Madeleine on l’a vu, à chaque fois qu’il y a une intervention du projet Madeleine, une discussion, surtout les professionnels santé, les gens qui pratiquent des formes plus classiques de prévention, faire la morale aux jeunes, pour mettre le préservatif par exemple, ils flippent quand ils entendent des séropositifs qui parlent de leur vie.

Tina : Moi je pense qu’il n’y a rien de plus vrai que la réalité d’un témoignage. On ne peut rien changer dans un témoignage pour... en disant sinon c’est banalisé. Non un témoignage c’est le vécu d’une personne. Si elle vit bien, si elle n’a pas de séquelle physique, si elle prend bien son traitement, elle est en parfaite santé, qu’elle le dise, tant mieux si c’est le cas, tant mieux si les jeunes le savent. Après il ne faut pas qu’elle oublie de dire que c’est difficile dans la société d’aujourd’hui parce qu’il faut se cacher, la société...

Reda : Mais est-ce que ce n’est pas là qu’il y a deux trucs. Tu vois le progrès de la médecine, c’est ça qui permet de dire, le soleil brille pour tous et la vie est belle. Et puis de l’autre côté, la société, là rien ne change.

Tina : Voilà.

Reda : Comme si c’était immuable, la discrimination, la stigmatisation elle est entière quoi.

Tina : Et de faire comprendre aux gens qui entendent ce témoignage que quelque part ce sont eux qui peuvent rendre la vie plus belle aux personnes séropositives parce que ce sont eux qui les stigmatisent.

Reda : C’est-à-dire les médecins ont fait leur part, maintenant c’est à la société de suivre.

Tina : Et pourquoi pas que si une personne séropositive du côté physique va bien dans quelques années du côté psychologique, vit bien en société, tant mieux. Pourquoi cacher cette...

Reda : Par crainte que ça va banaliser comme disait, comme reprenait Laura. Mais il y aura peut-être un jour où effectivement le VIH, quand bien même on sait qu’il n’y a pas de vaccin à l’horizon, peut-être que le VIH suivra, ça se traitera avec des traitements beaucoup plus légers, beaucoup plus faciles et finalement ce sera beaucoup plus banal que ça l’est aujourd’hui. On n’y est pas encore.

Tina : Je pense que dire la réalité aux jeunes ou aux moins jeunes, ou pas jeunes du tout, tout le monde, en tout cas c’est ce qu’on peut faire de mieux. Parce que de donner des faux messages de dire, attention vous allez mourir si vous avez le VIH. Personne ne veut se faire dépister, on reste... on sait que ça ne marche pas. Les messages qui sont donnés, ça ne donne pas aux jeunes l’envie ni de se protéger, ni de se faire dépister. Donc de dire la réalité, je pense qu’il faut oser, et faire confiance aux gens, ils peuvent comprendre la réalité, et qu’à partir de là peut-être que plus de personnes vont se faire dépister et on sait très bien que ceux qui sont les contaminateurs d’aujourd’hui sont ceux qui sont séropositifs sans le savoir.

Reda : Qui ne le savent pas. Ali un dernier mot ?

Ali : Avec le recul je me suis demandé, il n’y a personne qui a posé la question directement de savoir qui étaient séropositifs, qui ne l’étaient pas et en revanche, hors contexte du truc, plusieurs personnes sont venues me trouver pour me poser la question sur d’autres personnes...

Reda : Ah bon pour savoir qui l’avait, qui ne l’avait pas ?

Ali : Voilà en définitif les gens comme ils ne savaient pas, ils se disaient est-ce qu’ils ne sont pas en train de répandre un message qu’ils ont appris... et après ils venaient, ils posaient la question.

Reda : Un mot de Sembadou notre artiste.

Sembadou : Bien sûr. Je voulais soulever un point. Parce que moi j’ai un pote, on est ensemble tous les jours, on bosse dans le même milieu, on se voit tous les jours, on mange ensemble, on boit ensemble, on fait tout ensemble. En revanche quand on était en Afrique, il n’avait pas la peau...ça jouait beaucoup sur lui. Mais une fois qu’il est arrivé ici, il s’est tellement bien senti qu’il a grossi deux fois plus que moi. C’est-à-dire qu’il est en pleine forme, ça va. En fait il vit avec la maladie, c’est-à-dire il se sent mal mais ce mal-là, à mon avis il a enterré ce mal en fait. Il a remplacé, c’est un échange quoi. Il a été fort, très très fort.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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