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Trois séropositifs répondent à Claude Evin (3/4) : Trop d’argent pour lutter contre le sida, pas assez pour les séropositifs ?
7 mai 2010 (lemegalodon.net)
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Écouter: Trois séropositifs répondent à Claude Evin (3/4) : Trop d’argent pour lutter contre le sida, pas assez pour les séropositifs ? (MP3, 3.6 Mo)
Reda : Sur la question du financement de la prévention on va là aussi écouter Claude Evin.
Début du son
Reda : L’année dernière, juste après avoir annoncé l’amputation de moitié du budget de la journée mondiale du sida, le préfet d’Ile-de-France avait publié un communiqué dans lequel il expliquait que le GRSP Ile-de-France en 2009 avait consacré près de 30 % de son budget aux actions menées principalement par les associations de lutte contre le sida. Donc on peut se dire 30 % pour une seule pathologie, est-ce que c’est trop ou pas assez ?
Claude Evin : Le Groupement Régional de Santé Publique était effectivement présidé jusqu’à la fin du mois de mars par le préfet maintenant il a été dissous et c’est l’Agence Régionale de Santé qui reprend les actions. Ce Groupement Régional de Santé Publique, il ne concernait que les actions de prévention. Or, on ne peut donc pas réduire l’argent mobilisé si vous voulez pour la lutte contre le sida uniquement aux actions de prévention. Les actions de prévention sont importantes. Tout à l’heure je faisais référence au fait que la lutte contre le sida a montré justement l’efficacité de la démarche de prévention puisque là quand même on réduit un certain nombre de risques. On a parlé tout à l’heure du risque de transmission par voie intraveineuse et c’est vrai qu’il y a une réduction importante des risques parce que les personnes concernées se sont considérablement mobilisées et ont réellement pris en charge la prévention de ce risque. Donc moi je ne sais pas s’il y a suffisamment ou pas, ou trop d’argent. La question n’est pas celle-là. La question effectivement c’est de savoir si on dépense bien l’argent. S’il y a une évaluation de l’argent qui est dépensé.
Reda : Mais quand la prévention échoue et une personne est contaminée, est-ce que s’intéresser au devenir de cette personne, à la qualité de sa vie, de sa prise en charge, est-ce que ça, c’est une priorité pour l’Agence Régionale de Santé ?
Claude Evin : Oui, parce que c’est une priorité générale de l’Agence de mieux organiser la prise en charge, de mieux faire connaître — vous l’évoquez — notamment à propos des personnes qui auront besoin une fois leur séropositivité révélée, qui auront besoin effectivement d’une prise en charge. Ça, ça va être une des préoccupations de l’Agence. Pour les prises en charge du sida mais pas uniquement concernant la prise en charge du sida, de mieux informer les patients de l’organisation d’offre, de ce qui existe, de la manière dont ça marche parce qu’où est-ce qu’il faut s’adresser ? Parce que ça, c’est une des premières inégalités de santé. Ne pas savoir comment aborder le système, ne pas savoir comment et où trouver ce dont on a besoin. Et on sait très bien que quand on est dans un réseau professionnel, un réseau social on en parle, parfois avec difficulté effectivement quand c’est telle ou telle pathologie. Mais en tous les cas on a plus de chance de pouvoir effectivement savoir à qui s’adresser que quand on est étranger, ne parlant pas donc bien la langue, ne connaissant pas les institutions, ne connaissant pas les structures ayant une certaine appréhension à aborder les… même aller à l’hôpital parfois. Oui mais le problème des droits c’est que ce n’est pas uniquement et je suis encore, si je puis dire relativement pertinent en disant, puisque j’ai été législateur. Donc j’ai fait la loi. Mais je suis très conscient, et c’est d’ailleurs une des motivations qui m’a fait accepter de diriger cette Agence, c’est que je suis très conscient qu’il ne suffit pas de faire des lois, il ne suffit pas de brandir les droits des malades pour qu’ils deviennent effectifs. Et que moi, ma préoccupation, mon souci c’est que les droits soient effectivement à la disposition des personnes, que les personnes puissent effectivement vraiment faire valoir leur droit concrètement.
Fin du son
Reda : Alors ma question trop ou pas assez d’argent pour lutter contre le sida ? Il ne répond pas. En revanche là où il accroche c’est quand je lui dis est-ce que l’argent est bien ou mal dépensé ? Ça, c’est… je pense notamment l’association AIDES qui crie sur les toits qu’on leur réduit les subventions, pas en Ile-de-France certes, mais dans d’autres régions. Est-ce que l’association AIDES qui est un des plus grand promoteurs d’actions, de soutien, d’accompagnement auprès des personnes atteintes, est-ce que donner l’argent à AIDES c’est bien dépenser l’argent qu’on a pour la lutte contre le sida ? Je pense à Zina qui disait il faut plus de moyens. Est-ce que c’est plus de moyens ou est-ce que c’est mieux utiliser l’argent ? Ce n’est pas la même chose. Vos réactions par rapport à cet extrait d’interview de Claude Evin, s’il y en a.
Ali : Oui en fait l’histoire de la gestion de l’argent de ce que j’en sais depuis que le Sidaction existe, au-delà de ça les subventions des gouvernements et autres qui vont essentiellement aux grosses écuries comme on dit, AIDES, Act-Up et compagnie. Encore une fois c’est l’argent, la question est bien pertinente, est-ce que l’argent est bien dépensé ? Moi j’ai le sentiment depuis l’existence, depuis le début de l’épidémie qu’ils ont prêché pour leurs paroisses et, c’est un peu dur de dire ça, et qu’il y a une partie de la population vivant avec le VIH…
Reda : Mais quand on dit ça la réponse en face c’est de dire oui mais là, vous divisez les communautés ou les populations. Il faudrait qu’on se mette tous ensemble pour lutter contre le VIH. Qu’est-ce que tu réponds à ça ? Est-ce que tu es en train diviser…
Ali : Non…
Reda : Pourquoi est-ce que tu ne peux pas prendre ton frère homosexuel séropositif main dans la main et lutter avec lui ?
Ali : Pour la simple et bonne raison c’est que, pour avoir côtoyé ces associations, j’ai réalisé que la plupart du temps c’était, ils prêchaient pour leurs paroisses. C’est-à-dire que moi je n’ai jamais entendu dans les locaux d’AIDES ou de Act-Up parler des enfants, pour ne parler que d’eux, vivant avec le VIH.
Reda : Alors qu’est-ce que tu dirais à Claude Evin s’il était en face de toi ?
Ali : Je lui dirais qu’il y a des hommes, des femmes, des enfants qui vivent avec le VIH, qu’ont les mêmes problèmes voir plus que les homosexuels contaminés par le VIH et qu’il n’y a pas de raison qu’une certaine catégorie de la population, quand bien même, ils sont plus instruits, ils sont plus informés sur le sujet, il n’y a pas de raison…
Reda : Qu’ils passent avant les autres.
Ali : Voilà. Point barre.
Reda : Alors dernier… oui Tina ?
Tina : Moi ma réaction c’est que je trouve qu’il, quelque part, se contredit, parce que d’un côté il dit qu’il veut lutter contre l’inégalité, l’autre côté il dit que l’argent est bien utilisé. Donc ça veut dire qu’il, c’est ça cette distance du terrain, ça veut dire qu’il ne se penche pas vraiment pour voir qui rament, qui n’ont rien, qui se plaignent de ce monde. Il y en a qui ont des supers locaux, tout ce qu’il faut pour faire des actions et puis d’autre part moi je ne peux pas dire que la prévention c’est un succès. Je veux bien pour ce qui concerne la toxicomanie, qu’il y a eu une forte réduction. Sinon on voit qu’il y a eu énormément de contamination, donc là aussi l’argent n’est pas bien utilisé. Puis après, s’il se penchait un peu plus sur les dépenses des associations qu’il soutient, il verrait quand même que l’argent part dans des gros salaires et ainsi de suite. Que ça sert aux séropositifs ? Je ne suis pas sûre.
Transcription : Sandra Jean-Pierre