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Trois séropositifs répondent à Claude Evin (2/4) : Comment répondre aux besoins des femmes qui apprennent leur séropositivité en cours de grossesse ?

7 mai 2010 (lemegalodon.net)

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Reda : Je vous propose d’écouter le deuxième extrait de Claude Evin qui porte sur un autre sujet sensible.

Début du son

Claude Evin : Je suis attaché à la démocratie sanitaire. J’ai évoqué tout à l’heure le fait que les associations jouent un rôle important. Les associations d’une manière générale aujourd’hui de représentant de patients, de malades, jouent un rôle important dans la prise en charge des problèmes de santé et les associations de lutte contre le sida ont été déterminantes en la matière. Depuis 20 ans si vous voulez, elles ont été celles qui ont pris le plus d’initiatives et moi je compte m’appuyer sur le réseau associatif. Donc oui, il y aura concertation avec les associations. Vous pointez le fait, qui est une des difficultés d’ailleurs de cette concertation, c’est qu’il y a en effet, alors moi je n’aime pas séparer, mais dans la réalité c’est quand même un peu vrai ce que vous disiez tout à l’heure, c’est-à-dire qu’il y a des associations qui sont des associations historiques et qui représentent une réalité et moi je compte m’appuyer sur eux. J’estime qu’ils avaient été déterminants dans la prise en compte des droits des malades etc. D’autre part, il y a des associations qui représentent effectivement des populations qui n’ont traditionnellement pas droit à la parole. Donc moi je souhaite qu’on puisse travailler avec tout le monde.

Reda : Est-ce que l’Agence Régionale de Santé, une structure de taille assez importante, aura la sensibilité, l’écoute, les moyens de soutenir des actions qui s’adressent à des petits nombres de personnes mais dont l’extrême urgence de la situation devrait justifier pleinement une action de soutien, d’accompagnement en plus de ce qui est fait par les médecins ?

Claude Evin : Oui et en vous disant oui, j’ai tout à fait conscience que naturellement ces personnes elles sont très éclatées. Je veux dire, il n’est pas simple de les toucher directement. Si ça avait été simple de les toucher directement, ça ferait longtemps qu’on aurait trouvé des solutions et ce travail en effet il est important parce qu’il n’y a pas de petits et gros problèmes de prévention. On sait très bien que, d’abord c’est un drame, vous l’évoquez et enfin toute situation humaine même pour une seule personne est toujours un drame dans ce genre de situation. Et donc elle doit nécessiter notre attention. Alors après comment toucher ces personnes ? Vous évoquez la transmission de la mère à l’enfant et donc la connaissance de la contamination au moment de la grossesse, ceci étant il y a encore beaucoup de personnes qui ne connaissent pas leur séropositivité et de ce point de vue en effet dans votre question vous ayez fait une allusion. Il faut que l’on reste dans une démarche de proposition de dépistage. Il faut bien que l’on reste dans une démarche de prévention. Il faut bien que l’on reste dans une démarche où on doit faire de la pédagogie, de l’éducation et il est hors de question naturellement d’aller, même si aujourd’hui le débat je pense a quand même été clarifié et on n’entend plus beaucoup de revendication d’un dépistage systématique. En revanche que ce soit systématiquement proposé dans un certain nombre de situations moi je suis tout à fait d’accord. Ce qui d’ailleurs nécessite plutôt une sensibilisation aussi des professionnels de santé. Mais pour qu’il y ait une sensibilisation des professionnels de santé encore faut-il par exemple qu’il y ait des professionnels de santé qui soient je dirais de manière permanente, à la disposition de la population.

Fin du son

Reda : Deuxième extrait de l’entretien avec Claude Evin. En fait il y a deux questions que j’avais posées qui ont été un peu mixées dans cet extrait. La première c’était, au départ il m’avait dit « j’ai déjà rencontré les associations de lutte contre le sida » et en fin de compte il voulait dire qu’il avait rencontré AIDES, Act-Up et Sidaction. Et du coup dans la discussion il a compris qu’il y avait peut-être d’autres acteurs dans le champ associatif qui étaient aussi mobilisés, qui en revanche n’avaient pas le droit à la parole. Donc c’est intéressant quand il dit que, quand même c’est important, quand il dit que lui, il est prêt à écouter tout le monde, y compris des gens qui habituellement n’ont pas les moyens de se faire entendre donc ce qui nécessiterait, ce qui impliquerait qu’il allait faire un effort particulier pour ne pas rencontrer que AIDES, Act-Up et Sidaction. On verra si c’est vrai. Et deuxième volet de la question, c’était moins clair en fait. Je ne voulais pas parler spécifiquement du projet « grandes sœurs ». Je n’étais pas là pour vanter tout ce que fait le Comité des Familles, et je lui avais parlé donc de ces 150 femmes chaque année en Ile-de-France, qui apprennent leur séropositivité en cours de grossesse. Et 150 femmes en santé publique ce n’est pas grand-chose. 150 personnes, on ne monte pas un projet de santé publique pour 150 personnes. On parle de dizaine de milliers de personnes, on regarde l’impact, on veut faire des trucs qui rapportent gros, on veut taper dans le mille, donc on va là où il y a des problèmes, je ne sais pas, les accidents de la route qui concernent des milliers de personnes. Et pour autant, est-ce qu’on peut laisser de côté ces 150 femmes qui vont avoir le ciel qui vont leur tomber sur la tête ? Est-ce que c’est suffisant que le médecin fasse l’annonce et puis après se débrouillent par elles-mêmes ? Et là quand même il répond, vous avez entendu sa réponse, sur là aussi, une sensibilité quand même par rapport à tout ça. Donc je suis curieux d’entendre vos réactions. D’abord sur les associations et le fait qu’en tant que directeur de l’Agence Régionale de Santé, il ne connaissait pas autre chose que AIDES, Act-Up et Sidaction.

Tina : Oui moi je trouve qu’on sent qu’il est assez distant de la réalité quand même. Aussi concernant les femmes enceintes qui apprennent leur séropositivité, on ne sent pas qu’il est proche du terrain, qu’il peut imaginer que ces femmes auraient besoin d’un soutien d’une paire c’est-à-dire d’une femme qui est passée par là. Il voit ça assez théorique et distant je trouve.

Reda : Moi ce que j’ai entendu c’est aussi il est resté sur les années quatre-vingt parce qu’un truc où il a réagi tout de suite, quand j’ai parlé du dépistage proposé aux femmes enceintes, il a tout de suite dit « attention pas de dépistage obligatoire », parce que, et ça, je pense qu’il y a une part de sincérité, aux années quatre-vingt il avait vraiment des gens y compris pas mal de médecins qui étaient prêts à faire un dépistage obligatoire c’est-à-dire forcer, que tu veuilles ou pas, tu seras testé, tu seras dépisté. Et il fait parti des gens qui sont opposés à ça même si le débat depuis… on est passé à autre chose.

Tina : Oui, ce n’est plus d’actualité. Aujourd’hui les préoccupations sont autres.

Ali : Et apparemment, ce qui transparaît, c’est qu’il semble découvrir qu’il n’y a pas, encore une fois, que la communauté homosexuelle ou les ex-toxicomanes encore en vie qui vivent avec le VIH. Donc après, encore une fois, c’est une question de représentativité, les femmes, des hommes, des enfants. Certes les associations qui représentent ces gens-là ont moins d’impact, elles n’ont quasiment pas eu d’impact jusqu’à présent. Bon maintenant il y en a un peu plus justement, c’est un peu plus ouvert mais il y a encore du boulot.

Reda : Et Zina toi, sur le dernier extrait tu ne savais pas quoi dire en fait. Est-ce que tout ça, ça te semble en fin de compte, son discours, tu trouves ça langue de bois ? Est-ce que tu arrives à voir le lien entre ce que raconte Claude Evin et puis ta propre vie et puis aussi le combat auquel tu participes au Comité des Familles ? Est-ce que pour toi il est crédible Claude Evin quand il dit qu’il veut faire des choses pour les mamans séropositives ?

Zina : Non pour moi il n’est pas crédible. De toute façon pour moi aucun homme politique n’est crédible de toute façon.

Reda : Par définition ?

Zina : Par définition oui. Je veux dire, on sait très bien qu’ils s’en foutent de nous, de notre situation. Comme on le disait tout à l’heure, elle est de mal en pire. Je doute que les choses changent vraiment. Je doute que Claude Evin s’inquiète des personnes séropositives, s’inquiètent de nous en tant qu’individus.

Reda : Donc si tu l’avais en face de toi, tu lui dirais quoi après avoir entendu tout ce discours sur la réduction des inégalités, sur la prévention ciblée ?

Zina : C’est bien beau tous ces blablas mais bon on veut des actes. Moins de blablas et plus d’actes.

Reda : Et des actes ce serait quoi concrètement ? Tu vois c’est une chose, c’est bien beau de critiquer, de dire on veut des actes mais quoi ? Qu’est-ce qu’il pourrait faire qui le rendrait crédible à tes yeux ?

Zina : Déjà plus de moyens pour les personnes séropositives dans des situations précaires. Arrêter de regrouper comme on disait tout à l’heure, à l’hôpital Saint-Joseph où on les envoie après à Necker. Que les services infectieux aujourd’hui ne soient pas amenés à disparaître, à être réduit surtout que ce n’est pas évident pour un séropositif de, au départ quand on l’apprend, après on se fait suivre, il faut se familiariser avec le lieu, l’hôpital, avec le médecin, avec le personnel soignant et là, être trimbalé de tel endroit à tel endroit, faut encore changer, il y a toute une confiance qui s’instaure, une complicité qui s’instaure avec notre médecin. Donc si on est trimbalé de droite à gauche et en plus il y aura toutes les pathologies mélangées, ce ne sera pas ciblé, telle ou telle pathologie…

Reda : Ce n’est pas clair encore exactement, comment ça va fonctionner, mais c’est une tendance lourde.

Zina : Mais apparemment c’est ce que…

Reda : Oui.

Zina : Donc qu’on arrête ce processus et oui, plus de moyens pour les personnes séropositives précaires. Je l’ai dit tout à l’heure. Là aussi l’autre fois pareille, il y a un monsieur qui est venu et qui touche l’allocation adulte handicapée, 800 euros. On lui répond qu’il ne peut pas bénéficier d’une aide à domicile parce qu’il dépasse le plafond. Il y a pleins de choses comme ça qui doivent être changées. Faut arrêter de se foutre de nous, de nous faire croire pleins de choses et qu’en fait, les choses oui changent, mais dans le sens inverse. C’est de pire en pire donc, voilà ce que j’ai à dire.

Tina : Moi je dirais que l’essentiel c’est vraiment aussi qu’il… Je pense qu’il s’est beaucoup intéressé aux associations qui ont les populations les plus aisées, qu’il s’intéresse plus aussi maintenant aux associations ou aux personnes qui sont dans la précarité et souhaite les soutenir, les défendre. Je ne sens pas dans ce qu’il dit qu’il a vraiment beaucoup d’idées de ce que vivent ces populations en fait.

Ali : Oui en fait ce qu’il se profile c’est, encore une fois c’est, sans stigmatiser, c’est la population homosexuelle plus ou moins bien organisée, qui arrive à bien mener sa barre. Et d’un autre côté, des cas divers d’hommes, femmes et enfants qui vivent des situations assez délicates et qui ne savent pas à qui s’adresser pour faire face à leur problématique.

Transcription : Sandra Jean-Pierre