Claude Evin | Contamination et prévention | Dépistage du VIH | Financement de la lutte contre le sida
Entretien avec Claude Evin (7/8) : « Je souhaite qu’on travaille à cibler des messages spécifiques » de prévention du sida en Ile-de-France
3 mai 2010 (lemegalodon.net)
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Reda : Il existe 40 000 personnes dont à priori la moitié vivrait en Ile-de-France qui ne connaissent pas leur statut sérologique qui sont séropositifs. Le dépistage rapide est une piste, donc la possibilité de faire un test et d’avoir une réponse en 30 min, qui pourrait constituer une alternative à ce qui a été mis en place depuis près de 20 ans à savoir les centres de dépistage anonymes et gratuits. Il y aurait peut-être une complémentarité. Est-ce que vous avez déjà eu une réflexion ou est-ce qu’il y a une mise en chantier de la réflexion dans la foulée des rapports du Conseil National du Sida, de la Haute Autorité de Santé ? Et est-ce que dépister, faire en sorte que ces 40 000 personnes puissent faire l’objet d’actions ciblées qu’on puisse les trouver et les encourager à se faire dépister, à s’inscrire dans une prise en charge, est-ce que ça c’est une priorité dans le cadre de la lutte contre le VIH pour l’Agence Régionale de Santé ?
Claude Evin : C’est évident que tout ce qui peut faciliter le dépistage est à soutenir. Alors vous savez très bien les réticences au dépistage sont nombreuses. Ceci étant il est vrai que le fait d’aller, même un centre de dépistage anonyme et gratuit, peut provoquer une réticence chez un certain nombre de personne mais le fait d’accepter de se faire dépister, ça nécessite aussi que les personnes soient conscientes des risques qu’elles ont pris ou en tous les cas soient sensibilisées d’où la question de la pédagogie, de la formation, de l’éducation à la santé etc. Donc tout ce qui pourra effectivement faciliter les choses me semblent devoir être soutenu. Ceci étant il faut en avoir conscience et les associations ont tout à fait cette conscience d’ailleurs. Elles font un travail considérable pour cela que ça nécessite quand même de passer des messages, d’alerter la population et effectivement sur les voies de transmission je crois qu’il faut qu’on continue de faire de la prévention alors qu’on a effectivement vraisemblablement baisser la garde par rapport à cela. Alors il y a des actions qui sont menées vis-à-vis des populations, plus ciblées sans doute. Mais il y a quand même une transmission qui existe dans l’ensemble de la population notamment par voie sexuelle qui mériterait de faire davantage d’alerte.
Reda : Justement, un des freins au dépistage c’est la crainte des personnes qui sont restées finalement figées sur les images des années 80 de la maladie. Si j’apprends que je suis séropositif, ça va être une mort subite ou une mort rapide, je ne pourrai pas faire d’enfant. Mes enfants finiront orphelins. Je serai gravement malade. Tout ça c’est faux grâce au progrès de la médecine. Mais quand on entend les campagnes, ou quand on voit les campagnes de communication ou de prévention, on n’entend pas ces messages-là. Il y a une contradiction entre la prévention et la réalité du progrès de la médecine, du soin. Est-ce qu’il y a une crainte de parler de ce progrès de la médecine ? Est-ce qu’au contraire, si l’Agence Régionale de Santé par exemple avec l’INPES communiquaient sur la réalité de la vie avec le VIH, est-ce que ça ne pourrait pas contribuer directement à deux objectifs : inciter les personnes au dépistage, savoir qu’un bilan de séropositivité certes ça vaut la peine de faire un effort en terme de prévention pour changer de comportement et ne pas se retrouver avec le VIH et que si ça doit arriver un jour, ce n’est pas une mort subite et que c’est possible, il y a une vie avec le VIH. Est-ce que ça, ça pourrait faire parti des messages de prévention aujourd’hui dans le cadre de l’action menée par l’Agence avec l’INPES, avec d’autres acteurs de santé publique ?
Claude Evin : Oui il y a déjà des actions, je pense d’ailleurs que le problème est plutôt celui que j’évoquais celui dans la réponse précédente. C’est de fait, qu’il y a quand même un relâchement de l’ensemble des actions de prévention. Mais le fait que l’on soigne, qu’il y a une vie avec le sida, c’est quand même un message qui commence à passer. Insuffisamment oui mais ça c’est malheureusement le problème avec beaucoup de sujets de santé publique et que si les messages que nous souhaiterions voir connus de la population étaient vraiment diffusés, on aurait fait beaucoup de progrès et surtout s’ils avaient un impact en ce qui concerne le changement de comportement. Il faut passer ces messages. Il faut faire ces actions de prévention. Mais on sait très bien qu’on est là, sur des comportements qui changent parfois avec difficulté. Et parfois de manière trop lente au regard des enjeux, parce que c’est vrai que, aujourd’hui, on sait très bien que ne pas se faire dépister quand on a été dans une situation à risque, c’est effectivement faire courir un risque pour son partenaire. Notamment dans les relations sexuelles et donc ça c’est absurde d’autant plus absurde qu’on a, comme vous disiez vous-même dans votre question, qu’on a aujourd’hui un certain nombre de moyens pour permettre de vivre avec le sida. Ce qu’il faudrait surtout c’est qu’on développe des actions pour éviter d’être contaminé et ça les actions de prévention avec l’INPES, l’Agence Régionale de Santé Ile-de-France on a l’intention de les décliner justement, enfin là, il faut qu’on travaille avec l’INPES là-dessus, mais de les décliner de manière spécifique à l’Ile-de-France. Je crois qu’on ne parle pas du sida en Ile-de-France comme on en parle dans d’autres régions. Il y a des régions qui sont comparables à l’Ile-de-France, au niveau de certain type de population concernée et certaines cibles de population concernées plutôt mais on ne peut pas avoir un message général sur l’ensemble de la France qui soit identique. Je souhaite qu’on travaille à cibler des messages spécifiques en Ile-de-France contenu des personnes concernées en Ile-de-France.
Transcription : Sandra Jean-Pierre
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