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Claude Evin | Financement de la lutte contre le sida | Politiques de santé

Entretien avec Claude Evin (4/8) : « Il n’y a aucune raison de diminuer l’action de lutte contre le sida » et il « compte s’appuyer sur le réseau associatif »

3 mai 2010 (lemegalodon.net)

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Reda : J’aimerais qu’on aborde la question de ce que certains ont appelé l’exceptionnalisme sida c’est-à-dire que pour des raisons historiques, très complexes, qu’on a un petit peu évoqué dans la première partie de la discussion, il y a toutes sortes d’exception qui ont été faites en ce qui concerne la lutte contre le VIH, les dispositifs exceptionnelles mis en place dont certains perdurent. Et on voit quand même une tendance globalement à fondre ces dispositifs spécifiques dans le droit commun ou dans une action plus généraliste, que ce soit au niveau hospitalier, au niveau de l’action de santé publique en général. Et j’aimerais aborder cette question-là à travers le financement de la lutte contre le VIH et cette fois-ci parler de votre ancêtre et des décombres de ce Groupement Régional de Santé Publique, qui a été dissout pour céder la place à l’Agence Régionale de Santé. Et l’année dernière, juste après avoir annoncé l’amputation de moitié du budget de la journée mondiale du sida, le préfet d’Ile-de-France avait publié un communiqué dans lequel il expliquait que le GRSP Ile-de-France en 2009 avait consacré près de 30% de son budget aux actions menées principalement par les associations de lutte contre le sida. Donc on peut se dire 30% pour une seule pathologie, est-ce que c’est trop ou pas assez ? Donc pour poser la question de façon un peu caricatural, est-ce qu’il y a trop ou pas assez d’argent pour lutter contre le sida en Ile-de-France ? L’argent qui est disponible, est-ce qu’il est bien dépensé ? Sachant que le contexte c’est évidemment que la moitié des séropositifs vivent en Ile-de-France, donc c’est quand même une situation unique par rapport à celle à laquelle doivent faire face les autres Agences Régionales de Santé. Et à peu près la moitié des personnes qui découvrent leur contamination en France le font en Ile-de-France. Donc par rapport à ce contexte-là, trop ou pas assez d’argent pour lutter contre le sida dans le contexte de l’Agence ?

Claude Evin : Le Groupement Régional de Santé Publique était effectivement présidé jusqu’à la fin du mois de mars par le préfet maintenant il a été dissout et c’est l’Agence Régionale de Santé qui reprend les actions. Ce Groupement Régional de Santé Publique, il ne concernait que les actions de prévention. Hors on ne peut donc pas réduire l’argent mobilisé si vous voulez pour la lutte contre le sida uniquement aux actions de prévention. Les actions de prévention sont importantes. Tout à l’heure je faisais référence au fait que la lutte contre le sida a montré justement l’efficacité de la démarche de prévention puisque là quand même on réduit un certain de nombre de risque. On a parlé tout à l’heure du risque de transmission par voie intraveineuse et c’est vrai qu’il y a une réduction importante des risques parce que les personnes concernées se sont considérablement mobilisées et ont réellement pris en charge la prévention de ce risque. Donc moi je ne sais pas s’il y a suffisamment ou pas, ou trop d’argent. La question n’est pas celle-là. La question effectivement c’est de savoir si on dépense bien l’argent. S’il y a une évaluation de l’argent qui est dépensé. Moi je souhaite mettre en place des procédures d’évaluation de l’argent en matière de prévention de l’évaluation, des dotations des subventions qui seront effectivement distribuées. Mais à partir du moment où il y a des actions qui montrent leur intérêt, il n’y a aucune raison, sous réserve naturellement des budget votés par le parlement mais il n’y a aucune raison de diminuer l’action de lutte contre le sida parce qu’on sait très bien que c’est une transmission qui peut être enrayée si effectivement on conduit les actions de prévention. On connait très bien la prévention en la matière, on sait ce qui marche. Le problème est plutôt de convaincre, d’expliquer, de changer les comportements parce que là on est vraiment sur des comportements qu’il faut changer.

Reda : Justement. Quand et comment ? Selon quelles modalités sera fixé le financement de la lutte contre le VIH, c’est-à-dire, la prévention certes mais aussi le soutien aux personnes atteintes ? De quelles façons les associations seront consultées ? Et une question très importante qui concerne la représentativité des associations, il y a aujourd’hui un seul champ associatif très diversifié avec d’un côté des associations historiques issues du mouvement homosexuel. En parallèle des associations beaucoup plus petites mais qui sont des associations de terrains et qui sont proches des populations précarisées, des populations africaines, des populations...on pourrait résumer ça en disant populations hétérosexuelles précaires de banlieue. Est-ce que ces associations et leurs acteurs seront associés à la consultation autour du financement, de la lutte contre le VIH par l’Agence ? Déjà est-ce qu’il y aura une consultation ?

Claude Evin : J’ai reçu il y a quelques jours maintenant le collectif interassociatif de lutte contre le VIH, qui m’a demandé d’organiser les états généraux. Moi j’ai donné un accord. Donc on va travailler ensemble avec un comité de pilotage qui vont désigner pour préparer, on verra si on appelle ça des états généraux, mais, moi je suis attaché à la démocratie sanitaire. J’ai évoqué tout à l’heure le fait que les associations jouent un rôle important. Les associations d’une manière générale aujourd’hui de représentant de patients, de malades, jouent un rôle important dans la prise en charge des problèmes de santé et les associations de lutte contre le sida ont été déterminantes en la matière. Depuis 20 ans si vous voulez, elles ont été celles qui ont pris le plus d’initiatives et moi je compte m’appuyer sur le réseau associatif. Donc oui, il y aura concertation avec les associations. Vous pointez le fait, qui est une des difficultés d’ailleurs de cette concertation, c’est qu’il y a en effet, alors moi je n’aime pas séparer, mais dans la réalité c’est quand même un peu vrai ce que vous disiez tout à l’heure, c’est-à-dire qu’il y a des associations qui sont des associations historiques et qui représentent une réalité et moi je compte m’appuyer sur eux. J’estime qu’ils avaient été déterminant dans la prise en compte des droits des malades etc. D’autre part, il y a des associations qui représentent effectivement des populations qui n’ont traditionnellement pas droit à la parole. Donc moi je souhaite qu’on puisse travailler avec tout le monde. Par ailleurs si vous voulez, on a au niveau de l’Agence Régionale la possibilité aussi de passer des conventions, des contrats y compris avec des collectivités locales, ce qu’on a appelle des contrats locaux de santé. La loi Hôpital Patients Santé Territoire, qui a été publié au mois de juillet et qui a notamment permis la création des Agences a prévu ces contrats locaux de santé. Moi je souhaite aussi travailler beaucoup avec les collectivités locales, avec les élus locaux parce que les élus locaux, les communes connaissent les problèmes que rencontrent ces populations en grande précarité. J’ai déjà commencé à les rencontrer que ce soit à travers les ateliers santé ville qui existent de manière assez dynamique sur l’Ile-de-France ou que ce soit les élus qui travaillent sur les questions de santé qui sont aussi assez bien organisés sur le plan régional et je souhaite travailler avec eux pour qu’on puisse identifier les besoins et surtout identifier les acteurs avec lesquels on peut faire du travail de terrain. Alors ce n’est pas l’Agence qui fera le travail de terrain mais l’Agence a pour rôle de pouvoir impulser ce travail, de pouvoir aider à ce que ce travail se réalise.

Reda : Les associations que vous avez reçu justement sont uniquement ces associations historiques et les nombreuses, mais beaucoup plus petites certes, mais légitimes associations qui travaillent auprès des populations africaines, qui travaillent auprès des familles vivant avec le VIH. Est-ce que vous seriez prêt à les rencontrer, à les écouter, à être aussi à l’écoute de leur besoin et faire en sorte qu’elles puissent participer aux états généraux ou quelque soit la forme définitive de cette consultation et de cette concertation avec acteurs de terrains et Agences Régionales de Santé ?

Claude Evin : Oui absolument. La difficulté d’ailleurs c’est s’ils sont organisés en collectif ou pas parce que c’est vrai que chaque association, si je peux recevoir tout le monde, c’est difficile en terme d’organisation si vous voulez quand il n’y a pas un collectif de plusieurs associations de pouvoir effectivement honorer toutes les demandes mais non non, moi je suis très attentif. Il s’avère que là aussi si vous voulez, quand j’étais ministre, je n’étais pas seulement ministre de la santé en 88 et en 91. On se souvient de moi parce que j’ai pris, j’ai fait passer un certain nombre de texte loi en matière de santé publique qui ont beaucoup marqué mais j’étais d’une manière générale ministre chargé des affaires sociales et j’avais dans mon portefeuille ministériel la question de l’immigration, puisque j’avais entre guillemet la tutelle de la direction de la population et de l’immigration, la DPM. Et donc j’ai pas mal travaillé à l’époque avec les associations d’immigrés, avec les associations de femmes notamment qui jouaient un rôle important dans les communautés notamment d’Afrique noire. Puis j’ai fait plusieurs déplacement en Afrique j’ai vraiment un attachement sur les questions auxquels sont confrontées ces populations. C’est pour moi un sujet d’intérêt tout à fait évident.

Reda : Concrètement, quelle est l’ampleur de la baisse consacrée à la lutte contre le sida en 2010-2011 ? Est-ce que vous avez déjà des éléments là-dessus ? Et en particulier, comment avez-vous réagit à la fermeture symbolique de l’association AIDES, le 7 avril 2010 dernier, pour dénoncer la diminution des crédits dont bénéficie cette association qui est la grande association implantée au niveau national y compris en Ile-de-France.

Claude Evin : Oui j’ai bien suivi effectivement ce mouvement de AIDES. Je n’ai pas les chiffres très précisément. Je pense d’ailleurs qu’il y a eu alors, ce sont les décisions qui ont été prises avant le démarrage de l’Agence, mais je pense qu’il y a eu un maintien relativement bon en Ile-de-France du soutien à AIDES, à la différence d’autres régions. Est-ce que c’est suffisant ? Non sans doute. Ce n’est jamais suffisant. Je comprends tout à fait les demandes qui peuvent s’exprimer. Bon après, la question c’est de savoir comment est-ce que l’on trouve l’argent et où-est-ce qu’on le trouve mais en Ile-de-France, dans le cadre notamment du GRSP, avant la clôture de l’exercice du GRSP, je pense que les décisions qui ont été prises étaient quand même relativement meilleures que dans bien d’autres régions.

Reda : En l’état actuel des choses, dans la mise en place de l’ARS, est-ce qu’il y a des représentants d’associations AIDES qui participent en interne dont l’expertise est sollicité en dehors cette rencontre avec le collectif interassociatif qui a eu lieu récemment ?

Claude Evin : En interne, ça dépend ce que vous appelez en interne, les associations si vous voulez ne sont pas présentes dans les services de l’Agence, elles n’étaient pas présentes dans les services de l’Etat. En revanche, nous allons donc, ce que la loi a prévu, nous allons donc mettre en place la conférence régionale de santé pour l’autonomie qui va suivre la conférence régionale de santé qui existait jusqu’à maintenant. Et dans le cadre de cette conférence régionale de santé autonomie, les associations de patient auront effectivement une place. Alors la difficulté c’est qu’il y a énormément d’acteurs dans le domaine de la santé, la conférence régionale sera composée de 100 personnes au total, et donc pour représenter l’ensemble des acteurs chacun sera représenté par une ou deux personnes seulement. Et c’est la raison pour laquelle moi je suis désireux, comme les associations d’ailleurs le demandent, qu’on ait d’autres formes de représentation du dialogue avec les associations et notamment, ces états généraux de la lutte contre le sida est un moyen à mon avis d’amplifier la démocratie sanitaire et de ne pas seulement la réduire à la conférence régionale de santé.

Reda : Sur le calendrier est-ce bien réaliste d’envisager ces états généraux au mois de juin, c’est-à-dire avant que les décisions internes au sein de l’Agence soient prises qui vont fixer un peu le cadre de tout ce qui pourra se faire par la suite ?

Claude Evin : Il n’est pas du tout prévu que ce soit au mois de juin. On commence à travailler maintenant. On a plutôt évoqué l’automne et moi je souhaite plutôt qu’on ait travaillé sur le fond et qu’on ait pris le temps de travailler. Ce n’est pas la question d’une organisation d’une manifestation qui suffira. Il faut vraiment qu’on s’engage dans un travail de long terme et on prendra le temps. L’essentiel c’est que l ’on puisse faire l’ensemble du tour du problème et que l’on puisse trouver des solutions.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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