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Bruno Spire | Dépistage du VIH | Essais cliniques et recherche fondamentale | Homosexualité | Tim Graecen

Faire son test du VIH à domicile : ce qu’il faut savoir (avec Tim Graecen)

19 octobre 2009 (lemegalodon.net)

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Sandra : Bonjour docteur Tim Greacen ?

Tim Greacen : Oui

Sandra : Bonjour, j’espère que je n’écorche pas votre nom. Donc vous êtes psychologue et directeur de recherche à l’hôpital maison blanche de Paris.

Tim Greacen : Oui.

Sandra : Et donc vous allez nous parler des auto tests VIH via internet.

Tim Greacen : Oui.

Sandra : Donc est-ce que vous pouvez nous expliquer qu’est-ce que c’est en quelques mots s’il vous plaît ?

Tim Greacen : Ces auto tests sur internet, en fait il y a deux sortes d’auto tests internet. Dans certains pays comme les États-Unis, depuis quelques années maintenant, n’importe quel citoyen peut accéder à un test qu’il achète sur internet ou dans une pharmacie. Ensuite il le fait lui-même à la maison. Il envoie à l’adresse anonymement. Il met un numéro de téléphone uniquement. Et dans cette espèce de centre anonyme, ils font l’analyse des résultats. La personne peut appeler deux jours plus tard pour avoir les résultats. Ça, c’est la première version de l’autotest accessible aux États-Unis. Ce n’est pas le cas en France. Ce n’est pas accessible. Le deuxième autotest achetable sur internet, c’est ça qui est accessible partout dans le monde. On va sur n’importe quel site internet. On va sur Google, on tape test VIH. Une des premières choses qui va sauter à l’écran ce sont des propositions sociétés pour acheter divers produits de dépistages dont le VIH.

Sandra : D’accord. Et comment se fait l’examen ? Il s’agit d’un prélèvement de sang ou de salive ?

Tim Greacen : Dans les grandes majorités des cas, il s’agit de prélèvement de sang. Donc en fait, c’est un petit mécanisme. On pique le doigt, ça fait une goutte de sang. On met une goutte de sang sur un autre petit objet. Là-dessus on verse un petit peu de liquide et puis quelques secondes plus tard, ça change de couleur, pour si c’est séropositif et vers une autre couleur si c’est séronégatif.

Sandra : D’accord. Apparemment ces auto tests s’adressent plus aux homosexuels, un des arguments est qu’internet devient un lieu de rencontre sexuel privilégié pour les homosexuels, c’est une information publiée dans transcriptase. Qu’en pensez-vous ?

Tim Greacen : Les tests sont accessibles pour tout le monde. Ce n’est pas juste les gays. En revanche, c’est clair que les gens qui utilisent beaucoup internet, vont tomber dessus plus fréquemment. Donc vont être plus exposés à la publicité. Clairement les gens qui utilisent tout le temps l’internet, ils risquent de tomber dessus plus fréquemment ça, c’est clair.

Sandra : D’accord. Donc les auto tests s’adressent à tout le monde, rien à voir avec l’étude lancée par l’établissement public de santé de la maison blanche et l’ANRS ?

Tim Greacen : Non, celui de l’ANRS s’intéressait à une population plus particulièrement plus vulnérable en France. Toutes les études épidémiologiques montrent que chez les hétérosexuels la transmission par échange de seringue diminue alors que seuls les gays ça continue d’augmenter le taux de contamination.

Reda : Oui mais pourtant 73 % des dépistages aujourd’hui, des dépistages positifs concernent des personnes hétérosexuelles, d’où notre étonnement de voir qu’on continue à étudier, à privilégier dans les études, à traiter avant les autres, les besoins des personnes homosexuelles.

Tim Greacen : C’est que les hommes qui couchent avec les hommes, leur pourcentage augmente. Pour une raison ou une autre semble moins sensible aux messages de prévention.

Reda : Pourquoi, par exemple je pense aux couples sérodifférents, dans le cadre hétérosexuel, comment se fait-il jusqu’ici les besoins de ces couples-là, notamment par rapport aux auto tests, pourquoi aller courir dans un centre de dépistage, ça pourrait être pratique pour un couple qui est bien informé sur le VIH de pouvoir faire ces tests à la maison suite à une prise de risque ou une rupture dans le traitement ou une mauvaise nouvelle d’un test de charge virale qui aurait rebondi. On a l’impression que personne ne s’intéresse à ces couples-là, qui sont pourtant plusieurs dizaines de milliers en France.

Tim Greacen : Oui. La grande question c’est l’accessibilité en terme de recherche. C’est souvent le problème d’accessibilité des populations dont il est question. Il est facile pour les chercheurs d’accéder à un grand nombre de personnes sur internet. Mais en revanche il est clair que, par exemple dans l’enquête qu’on a faite, ça ne s’adressait pas seulement aux sites de rencontre gays, ça s’adressait aussi aux sites associatifs, gays et VIH.

Reda : Pourtant l’intitulé de votre recherche vise à l’exclusion des 73 % de la population [des nouveaux dépistés].

Tim Greacen : Pas à l’exclusion. Pas à l’exclusion. Les utilisateurs des sites associatifs ont participé aussi à l’enquête.

Reda : Alors, ce qu’on va faire, on va écouter, parce qu’on a l’impression que ces nouvelles techniques de dépistages s’adresse en tout cas en France et c’est un peu une exception française, s’adresse quasi exclusivement aux personnes homosexuelles alors que les homos sont déjà les plus dépistés et ceux, pour des raisons sociales, ont accès plus facilement au dépistage. On va, si vous voulez bien écouter Bruno Spire, président de AIDES, justifier de pourquoi cet autre projet de dépistage rapide mise en place sous l’égide de l’ANRS a lui aussi choisit de privilégié, à l’exclusion des hétéros, les besoins des dépistages rapides d’une seule population. On écoute et on en parle après.

Début du son

Bruno Spire : Alors on a commencé par les homos…

Reda : Comme d’habitude.

Bruno Spire : Pas comme d’habitude, parce que c’est les homos, c’est nous, dans le groupe communautaire, on veut se faire dépister le plus fréquemment possible utiliser des dépistages comme stratégie de prévention. Nous, on fonctionne toujours de façon communautaire. C’est-à-dire que c’est là qu’on a identifié le besoin. Sachant qu’un certain nombre d’institutions étaient déjà en train de travailler sur un projet de dépistage rapide qui ciblait les migrants. Pas de façon communautaire, mais qui ciblait les migrants. Et nous, on avait ce besoin des gays qui disaient : « nous à chaque fois qu’on va au centre de dépistage, on a tendance à se faire engueuler parce qu’on nous dit encore vous, vous êtes venu il y a trois mois, comment ça se fait que vous revenez, vous devriez vous protéger tout le temps » et donc on a identifié ce besoin.

Fin du son.

Reda : Alors, ce qui m’étonne dans ce que l’on vient d’écouter c’est que Bruno Spire dit qu’il y avait plusieurs besoins, des besoins chez les homos, chez les migrants. Mais le projet de recherche ne concerne qu’une seule population. Sandra est en direct avec les auditeurs sur le site survivreausida.net. Avant de recueillir la réaction de Tim Greacen qui est psychologue et directeur de recherche à la maison blanche, je vais lui demander comment réagissent les auditeurs sur cette question des auto tests VIH.

Sandra : Alors, plusieurs questions de la part de Angel Marquise d’Aussange. Alors qui demande : « est-ce que ce test est fiable et pris en charge par la sécurité sociale ? Est-ce qu’il n’y a pas des risques à se piquer soi-même ou est-ce comme pour le traitement du diabète ? Et pourquoi dit-on que cet autotest est réservé aux gays, comme si la communauté était la seule à se connecter sur internet c’est insensé et complètement péjoratif je trouve. »

Reda : On précise bien, il ne s’agit pas de dire qu’ils sont réservés à une seule population, ça, c’était un petit peu la question de Sandra qui avait faussé le truc, mais on dit que la recherche menée par Tim Greacen pour l’ANRS visait en tout cas dans son intitulé une seule population. Tim Greacen sur les questions pratiques, ce dépistage est-il légal en France, est-ce qu’il comporte un risque quand on se pique le doigt ou est-ce que c’est aussi simple qu’un test de diabète ? Quelles sont vos réponses ?

Tim Greacen : En premier lieu le test acheté sur internet n’est absolument pas autorisé en France, mais comme plein de choses sur internet qui ne sont pas autorisées. C’est comme les médicaments, le Viagra, mais tous les antibiotiques achetés sur internet ça peut être n’importe quoi. Donc pour l’instant, on ne peut pas se fier à ce genre de test. Il y en a qui sont fiables, évidemment, qui sont des tests entre guillemet honnête. Mais il se peut bien que ce soit des tests complètement bidons. La plupart des tests semblent venir de Pékin, Hong Kong, Chine lorsqu’on les retrouve à la poste, ça vient de ce genre de pays là.

Reda : Alors, vous avez entendu Bruno Spire, président d’AIDES, expliquer pourquoi le Com’Test, donc c’était le projet de dépistage rapide. Lui aussi cible une seule population alors les besoins existent pour toutes les personnes sur le front du sida. Est-ce que tout ça ce ne serait pas l’évidence d’un biais dans la recherche pour des raisons historiques ne tient pas compte du fait comme vous savez, parmi les nouveaux dépistés, il y a plus des 2/3 des personnes qui sont hétérosexuels et qui existent et qui ont des besoins en tant que personne nouvellement contaminés ?

Tim Greacen : J’entends bien votre remarque et vous insistez là-dessus en disant qu’il y a discrimination contre les hétérosexuels c’est ça que vous indiquez. Traditionnellement, historiquement c’est le contraire. C’est-à-dire que par exemple tous les discours de prévention, jusqu’à récemment, et c’est ridicule, s’adressaient aux hétérosexuels. Tous les discours pendant des années, bien pensant sur la prévention du VIH, c’était un jeune homme et une jeune femme sur une affiche. Ce genre de discrimination, alors qu’au début de l’épidémie c’était clairement les gays qui étaient contaminés, c’est honteux, le discours public là-dessus. Ici ça va clairement dans l’autre sens. C’est-à-dire qu’on a tendance comme disait Bruno Spire à s’adresser aux groupes en question et de travailler avec eux. Donc de travailler avec les migrants…

Reda : Mais pourtant il n’y a pas de projet de dépistage rapide monté à l’ANRS qui s’adresse aux populations issues de l’immigration.

Tim Greacen : Oh bah ça va être sûrement la prochaine chose, c’est-à-dire que les tests rapides qui sont en train d’être testés sont dans les hôpitaux à Paris, sont en train d’être testés…

Reda : Alors il y a une réaction sur le site survivreausida.net et puis ensuite un tour de table, il y a du monde en studio. Nabila, Joël, Hadja et Tina qui vont réagir à cette discussion. D’abord Sandra avec le retour des auditeurs sur le live.

Sandra : Oui alors, il y a Ben qui dit que c’est dangereux, où est la relation humaine. Demain j’irai à Auchan m’acheter un test d’où ma question, est-ce que ce n’est pas préférable de consulter un médecin pour se faire dépister, surtout pour la prise en charge et si le test se révèle positif ?

Tim Greacen : C’est un vrai débat. En revanche, la jeune femme enceinte lorsqu’elle a pris un risque. La capote a pété et elle veut savoir si elle est enceinte, elle va chez la pharmacie et elle s’achète un test de grossesse. Il y a plein de maladie où on achète un test divers et varié pour savoir, comme le diabète etc. Mais surtout je pense au test de grossesse parce que c’est aussi un drame. Ca peut être un drame humain pour une adolescente, mais elle a cette liberté d’acheter le test. Donc c’est complètement en dehors de tout avis médical. La question qu’on pose c’est : est-ce qu’elle va se suicider lorsqu’elle découvre toute seule sa séropositivité. C’est la même question chez la femme enceinte et il y a des études qui montrent, depuis 2 ou 3 ans, les gens ne se suicident pas plus parce qu’ils ont découvert qu’ils sont séropositifs.

Reda : Alors tour de table de l’équipe de l’émission. Nabila qu’elle est ta réaction à ce débat ?

Nabila : Ma première réaction c’est de dire merci au docteur Greacen que les autres populations seraient la prochaine cible des recherches. On aurait aimé être au même piedestale quand même.

Reda : C’est-à-dire pourquoi cet ordre de préséance quoi.

Nabila : Tout à fait parce que je pense que quand le sida il attaque, il n’a pas de sexe et il touche des personnes, il ne touche pas des communautés. C’est vrai qu’il y a des communautés beaucoup plus précaires. Mais si on devait se mettre dans l’ordre, pourquoi ne pas dire que la communauté issue de l’immigration est la plus précaire et elle devrait être au premier échelon.

Reda : C’est la question de qui accède au dépistage. Il me semble que si on s’intéressait à la vulnérabilité des personnes, on commencerait par la population qui a le moindre accès au dépistage.

Tim Greacen : C’est-à-dire que si par exemple vous allez aux urgences de Bichat aujourd’hui à Paris, il y a un programme essayant de faciliter l’accès aux différentes formes de dépistages. Pas seulement VIH, mais aussi VIH et spécifiquement avec le test rapide pour les personnes issues de l’immigration issu à Bichat et cela avec les associations des migrants. C’est faux de dire que ça n’existe pas auprès de groupes de migrants. En revanche, vous avez parfaitement raison de dire, il y a énormément d’enquêtes qui ont été faites depuis le début du sida mais aussi les paramètres santé par exemple. Les données sur le dépistage sont rarement évaluées. En fait on a vraiment besoin de plus de chercheur. On a collecté les données, mais on ne les a pas analysées.

Reda : Alors tour de table avec le point de vue de Joël.

Joël : Donc bonjour docteur. Moi je suis séropositif et homosexuel et c’est vrai que par rapport à cette recherche dont j’avais entendu parler. Bon moi je suis en couple sérodifférent et c’est vrai que j’ai des personnes dans mon proche entourage qui ont été un peu supris de cette, là je vais peut-être soulever des questions, mais en fin de compte, des ciblages de population par rapport au dépistage généralisé.

Tim Greacen : Le ciblage de population ?

Reda : Qui peut être ressenti comme une stigmatisation.

Joël : Voilà qui peut être ressenti comme une stigmatisation par rapport aux homos que j’ai pu connaître dernièrement et avec qui j’ai pu parler en tant qu’animateur. C’est comme si on re-ciblait une seconde fois, ce que vous disiez tout à l’heure, par rapport à la stigmatisation des homos.

Reda : Alors avant d’avoir une réponse, on va continuer avec Hadja et Tina.

Hadja : Ma question c’est par rapport à l’autotest. Donc moi vraiment ça m’inquiète beaucoup parce que déjà vu les dispositions qui sont prises dans les hôpitaux pour faire le test du VIH, il y a des gens qui ont dû mal à accepter. S’il faut rester à la maison pour faire avec internet, je me dis là c’est grave. Est-ce qu’ils n’ont pas pensé aux conséquences de ceux qui se suicident parce que parfois on se lève un matin, telle personne s’est suicidée, qu’est-ce qui s’est passé ? Personne ne sait. Donc je veux vraiment qu’ils étudient encore ce problème-là parce que ce n’est pas facile.

Reda : Alors Tina ?

Tina : Ca va un peu dans le même sens. J’ai été un peu choquée quand vous avez comparé le test du VIH avec le test de grossesse. Je ne vois pas comment on peut comparer le résultat d’une séropositivité avec le résultat d’une grossesse. C’est vraiment pour moi, j’ai eu la chair de poule quand j’ai entendu cette comparaison. La grossesse ce n’est pas une maladie, c’est la vie. Déjà, il y a la possibilité d’avortement si la grossesse est découverte suffisamment tôt. Puis je ne pense pas que de mettre un enfant au monde c’est comparable avec avoir le VIH, une maladie à vie, un virus à vie.

Tim Greacen : Le seul élément de comparaison, c’était que c’était un débat. Il ne faut pas donner aux jeunes femmes la possibilité d’avoir accès à ça. Elles vont se suicider, si elles ont découché, si elles sont adolescentes, elles vont vraiment se suicider, si elles découvrent ça toute seule. C’était ce même discours-là il y a 20 ans lorsqu’on a donné accès et c’était les féministes, donc les femmes qui défendent les femmes qui luttaient pour avoir accès en disait que c’était à la femme de déterminer ce qu’ils se passent avec son corps par rapport à cet enfant etc. C’était ce même choc, ne faut-il pas, il y a tout un mouvement qui dit qu’il faut passer par le corps médical.

Reda : Ce qui ressort en conclusion, c’est que les questions posées par les auditeurs portent surtout sur les aspects pratiques et pas du tout sur un débat sur qui est-ce qui aurait accès en premier. C’est quand même intéressant à relever. Une dernière remarque, quelle perspective, que faut-il Tim Greacen pour que ces auto tests soient accessibles en France. Est-ce que vous militez en fait pour ça, en dehors des recherches que vous avez menées ?

Tim Greacen : Je ne milite pas pour ça pour l’instant. J’essaye de savoir ce que veulent les gens. Est-ce qu’il y a une population de gens à qui ça rendrait la vie beaucoup plus facile s’il pouvait avoir un accès plus facile aux tests. Ca c’est une question importante. Il faut absolument avant de se quitter parler aussi de la fiabilité de ces trucs. Il y a quand même beaucoup de gens qui se trompent dans l’utilisation, beaucoup plus de faux positifs que lorsqu’on va au CDAG. Évidement il y a une question encore plus difficile des gens se sont contaminés par le VIH, qui n’ont pas les anticorps pour l’instant et que le test signale qu’ils sont séronégatifs alors qu’ils sont déjà contaminés, quelques semaines plus tard ils vont être séropositif. Donc c’est toutes ces questions qui doivent être débattues dans la société. Mais il est clair que si ça peut faciliter et je pense aux gens qui sont dans une situation où c’est très difficile pour eux d’aller chez un médecin et parler de sexualité, ou parler de leur vie sexuelle, un blocage total, c’est peut-être la solution. Mais pour l’instant je n’encourage personne à acheter le test sur internet. Vous ne savez pas ce que vous achetez.

Reda : Le débat continue sur survivreausida.net. Merci à Tim Greacen pour son intervention.

Tim Greacen : Merci à vous.

Reda : À bientôt.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

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