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Homosexuels, hétérosexuels : Libres de choisir comment se protéger ? Le libre arbitre à l’épreuve des inégalités entre populations face au sida

27 mai 2009 (papamamanbebe.net)

3 Messages de forum | | Votez pour cet article

Le débat : Homosexuels, hétérosexuels : Libres de choisir comment se protéger ?

- Première partie : Le médecin de Sylvie, séropositive depuis 12 ans, lui avait déjà dit qu’avec moins de 40 copies de charge virale, elle ne pourrait pas transmettre le virus
- Deuxième partie : Homophobie et sida : Doit-on taire l’« avis suisse » parce qu’il ne concerne pas forcément les homosexuels ?
- Troisième partie : Homosexuels, hétérosexuels : Libres de choisir comment se protéger ? Le libre arbitre à l’épreuve des inégalités entre populations face au sida

Reda : Je vous propose d’écouter Willy Rozenbaum, président du CNS (Conseil National du Sida) qui va répondre à un certain nombre de questions : Faut-il taire le fait qu’un traitement bien pris réduit les risques de transmission du VIH ? Faut-il condamner ou juger un couple qui se protège avec les médicaments, c’est-à-dire en clair, sans préservatif ? Comment mesurer et comparer les risques entre le préservatif, le traitement, ou les deux ? Le conseil aurait-il publié un avis dans lequel il s’est prononcé sur de telles questions, si ce n’est pour le courage de quelques médecins suisses de la Commission Fédérale Suisse sur les problèmes liés au sida en janvier 2008 ? Qu’en est-il des crispations qu’a provoqué cet Avis suisse pour certains acteurs de la lutte contre le VIH ?

Questions/réponses avec Willy Rozenbaum, réalisés avec Marjorie et Hélène qui sont avec nous en studio. On écoute et on en parle après.

Marjorie : Faut-il taire le fait qu’un traitement bien pris réduit les risques de transmissions du VIH ?

Rozenbaum : Non sûrement pas ! Justement, on communique là-dessus, et l’on considère que c’est une information à partager.

Marjorie : Un couple sérodifférent avec une charge virale indétectable depuis 5 ans, fidèle au préservatif depuis 10 ans, veut faire un enfant. La femme a déjà 35 ans donc ils décident d’avoir un rapport une fois par mois sans préservatif comme le décrit le rapport Yéni, mais leur médecin refuse de les conseiller et les renvoie vers l’AMP. Quel regard portez-vous sur le comportement de certains infectiologues ?

Rozenbaum : Vous savez, moi je suis très modeste, et j’ai plutôt envie d’écouter ce que les gens ont à dire. Notre devoir en tant que médecins, c’est de donner l’information la plus complète possible, et puis c’est aux gens d’exercer leur liberté. Les médecins n’ont pas tout pouvoir, les médecins ont juste le devoir d’informer et de conseiller. Moi j’évite. On peut leur donner la possibilité de choisir.

Reda : Là, il y a l’enjeu de la fertilité de la femme qui décline rapidement à partir de 35 ans, donc avec les délais d’attentes en AMP…

Rozenbaum : Dans la majorité des cas, la réalité c’est quand même ça : les gens écoutent ce qu’on a à dire, et puis ils font ce qu’ils veulent. Moi j’ai eu plus de patients, de couples, qui ont recouru à des méthodes naturelles de contraception. Ils n’ont pas attendu que je leur dise de faire ça ou ça. Depuis très longtemps, j’évite de dire ce qu’il faut faire. Je donne l’information pour que les gens choisissent entre différentes possibilités.

Reda : Un couple qui fait ce choix là, doit-on le juger ou le condamner ?

Rozenbam : Quelle horreur ! Il n’en est pas question, bien entendu !

Reda : Donc quel regard portez-vous sur les infectiologues qui jugent et qui disent, « ne faites pas ça » ?

Rozenbaum : Je ne sais pas si certains le font. Si vous avez des témoignages, c’est qu’il faut se poser la question. Je pense que le rôle d’un médecin, c’est d’informer. Ceux qui font autrement, c’est leur responsabilité, mais je ne pense pas qu’ils soient dans leur rôle. Leur rôle, c’est de donner l’information la plus complète possible, et éventuellement de dire : telle pratique vaut zéro risque, celle-là peut représenter des risques… Après, les gens savent très bien se déterminer.

Reda : C’était Willy Rozenbaum au micro de Survivre au Sida à l’occasion d’une conférence de presse le 30 avril dernier à l’Assemblée Nationale donnée par le Conseil National du Sida (CNS). Georges Sidéris, votre association Warning s’est félicitée de cet avis qui reconnaît quelque part le libre arbitre des gens à décider de faire leur propre choix en matière de prévention et de procréation. Une ou deux questions : cette question de la procréation nous préoccupe beaucoup au Comité des familles. Quel est votre regard sur les besoins des couples hétéros pour accéder à l’information technique, pour arriver à faire un bébé dans de bonnes conditions, quel est le regard que porte votre association là-dessus par rapport à ces besoins là et aux clivages sur cette question de la procréation et autour de l’enjeu de la prévention ?

Georges Sidéris : Nous nous ne sommes pas là-dessus puisque nous sommes une association de prévention homosexuelle. Très concrètement ce genre de question ne nous a jamais été posé.

Reda : En écoutant, que ce soit le récit de Sylvie ou cette situation exposée par Marjorie sur un couple, qu’est-ce que vous ressentez par rapport à ces situations ? Il y a de véritables drames qui sont vécus par les couples qui doivent renoncer à l’espoir de faire un enfant. Je n’imagine pas que parce qu’on est soi-même homosexuel on peut rester insensible face à ses situations.

Georges Sidéris : Ce n’est pas une question d’insensibilité, loin de là ! Ma démarche est quand même de faire confiance aux gens. Là-dessus c’est la démarche fondamentale de notre association. Nous on ne donne pas de conseils, on donne de l’information. Pourquoi on ne donne pas de conseils ? Parce que pour nous ce qui est important c’est la liberté des gens. Elle est centrale, c’est aux gens de décider. Et donc les gens ont droit à avoir l’information la plus fiable possible. Ce qui compte pour moi vis-à-vis des couples hétérosexuels, je parle pour quelqu’un qui milite dans la lutte contre le sida, c’est qu’ils puissent disposer de l’information la plus fiable, qu’on leur donne tous les moyens. Les campagnes publiques doivent financer cette information. Après c’est à eux de décider avec ces informations fiables. Ils peuvent aller voir leur médecins, discuter entre eux.

Reda : Quand même ça m’interpelle cette façon de dire ‘chacun est libre’ car ça suppose que les conditions de départ de chacun sont égales. Hors dans la lutte contre le sida, il y a une disproportion en terme de moyen, en terme d’accès à la connaissance, d’accès à l’information, d’accès à la visibilité publique, aux médias. Il y a une inégalité forte entre homos et hétéros, ou paradoxalement peut-être à l’inverse de ce qui est vrai au niveau de la société en générale, dans la lutte contre le VIH, ce sont des associations issues des mouvements homosexuels dont la première des préoccupations reste les besoins des homos, qui ont pignon sur rues. Du coup, en disant ‘chacun est libre’, on renvoi chacun à sa propre situation personnelle, c’est une approche libérale ou presque néo-libérale de la santé. A chacun sa merde quelque part. Donc aux couples hétéros qui ont peu d’informations, pas d’accès aux relais qu’il faut, de se débrouiller tant bien que mal et aux couples homos qui ont une pléthores de publications, d’informations, de sites internet, de moyens de s’informer, d’accès à la connaissance etc… Est-ce qu’il n’y a pas un danger là ?

Nabila : De toute façon, pour rebondir sur ce que disait Georges, je suis tout à fait d’accord qu’il faut emmener les choses aux responsabilités des uns et des autres, encore faut-il qu’il y ait comme tu viens de le dire égalité sur le plan information. Sur ce plan là je contredit complètement le professeur Rozenbaum qui dit que tous les médecins donnent cette information. C’est faux ! Tous les malades n’ont pas accès à cette information ! Sinon pourquoi attendre presque deux ans pour que l’Avis suisse soit suivi par le CNS ? Ça c’est une preuve que l’information n’est pas équitable. On devrait être une seule communauté, la communauté des séropositifs, et pas la communauté des gays ou je ne sais pas quoi... On est tous concernés par cette maladie, par contre devant l’information, oui, il y a une inégalité. Les familles du Maghreb et de l’Afrique qui n’ont pas accès à des études et même pour certains ne savent par lire et écrire. Ils n’ont pas cette information et ils sont mis sur le bas-côté de la société. La réalité elle est là, tout en sachant que 80% des personnes séropositives viennent de là.

Reda : Nous on a vu des couples sérodifférents se contaminer par manque d’information, c’est-à-dire qu’ils prenaient des risques mais la personne ne prenait pas de traitement, ne savait pas que le traitement pouvait faire la différence. Alors que quand on vit – du moins c’est l’image qu’on a, peut-être à tort ou à raison, peut-être Georges Sidéris va rectifier - mais quand on vit avec le sida du Marais et qu’on a "Tétu", "Act Up", "Warning"… L’étude Vespa l’a montré quand chez les séropositifs homos, 60% sont professions intermédiaires ou cadres. Côté hétéros au niveau statut social ce n’est pas ça. Et en fait il s’agit peut-être de ça, plus du statut social que des pratiques de chacun. Malheureusement la communauté des séropositifs est minée par des clivages internes assez lourds.

Georges Sidéris : Je trouve que tu es très loin, très loin des réalités des personnes homosexuelles. Par exemple si tu prends notre association (ndrl : Warning), à l’origine quand on s’est fondé, la grande majorité des membres étaient des personnes très précaires, sans emploi etc. Il y avait un vrai besoin ! beaucoup d’homosexuels vivent dans des situations qu’on n’imagine même pas.

Est-ce qu’on réalise par exemple qu’un jeune homosexuel a 10 fois plus de risque de faire une tentative de suicide qu’un jeune hétérosexuel ? Tant mieux que pour les jeunes hétérosexuels il y ait moins de risque, mais c’est ça aujourd’hui la réalité. Est-ce qu’on se rend compte quand même le nombre de jeunes personnes à qui, à 15 ans, leur propre mère dit : "ah oui tu es homosexuel, et bien tu n’es plus mon fils, et de toutes façons je n’aurais pas dû te mettre au monde." Il y a certainement des homosexuels qui ont une situation très confortable, et cetera. On le voit sur les enquêtes, mais le problème de base avec ces enquêtes c’est que beaucoup de gens ne disent pas qu’ils sont homosexuels, parce que l’homophobie c’est une réalité. Et quand vous êtes homosexuel et séropositif, vous imaginez un peu sur votre lieu de travail ? Vous imaginez les discriminations ? Vous subissez les petites rumeurs, c’est par derrière, c’est par ceci, par cela, et puis combien d’homosexuels ne montent pas dans la hiérarchie ? Il y a toujours une bonne raison, comme par hasard... quand il y a un homosexuel il n’est pas promu.

Reda : Mais ça, c’est dans la société en général, mais dans le champs de la lutte contre le sida, les responsables d’associations au niveau des priorités données, c’est difficile de nier l’évidence que les besoins d’une population passe encore aujourd’hui avant les autres.

Georges Sidéris : mais ce n’est pas vrai ! Parce que d’abord des associations qui sont vraiment homosexuelles il y en a très peu, par exemple, AIDES est une association généraliste depuis sa fondation.

Reda : Mais quand on regarde les conseils d’administration de AIDES ou de Act Up, on remarque que les priorités, là ou il y a le plus de moyens, le plus d’actions, là où les déclarations publiques sont les plus fortes, on reste, et ça ne sert a rien de le nier, c’est tout à l’honneur de l’histoire du rôle des homos dans l’épidémie, mais on vit avec les conséquences de ça quand même.

Georges Sidéris : Mais je pense que le problème principal, c’est les subventions de l’Etat, on ne peut quand même pas nier que ça fait plusieurs années, que l’Etat a diminué ses subventions, il y a plusieurs associations qui ont été littéralement asphyxiées. Chez Warning, nous sommes une association entièrement de bénévoles, pourtant on est une association homosexuelle et fière de l’être, on a pas de salarié, et c’est important.

Reda : Pour en revenir à la question de l’Avis suisse et de l’intérêt préventif du traitement, vous dîtes et on l’a dit aussi, l’important c’est de reconnaître le libre arbitre de chacun, de faire confiance à la capacité de chacun ; mais quelque part est-ce que ce n’est pas là une facilité qui nie le fait qu’il y a des inégalités, y compris entre les séropositifs ?

Georges Sidéris : Mais je n’ai jamais dit ça. Evidemment je suis favorable à ce qu’il y ait des associations qui aident les gens, ça fait des années que je me bats pour ça. Si ça ne tenait qu’à moi, ces associations auraient de l’argent, évidemment, et je ne regarderais pas si les personnes sont homosexuelles ou hétérosexuelles. Je me sens frère de tout le monde, et quand je suis avec des amis, ils ne sont pas homosexuels ou hétérosexuels, je m’en fiche, je suis avec des personnes séropositives. Je me sens humainement solidaire des personnes séropositives. Mais maintenant il y a des politiques d’Etat, et je crois que le problème principal c’est que l’Etat ne donne pas assez d’argent et de subventions à un certain nombres d’associations, et ça, ça ne va pas, et il faudrait commencer à le dire.

Réda : Je voudrais maintenant demander à Tina de réagir à la discution, avec Georges Sidéris de Warning, sur en principe l’Avis suisse, mais on dérive vite sur des questions de relations entre communautés, de priorités, d’inégalités entre populations sur le front du sida. Tina quel est ton regard ?

Tina : En fait au début de la discussion il y a quelque chose qui m’a vraiment surprise, c’est que Georges dit que c’est de l’homophobie alors que moi être contre l’Avis suisse ou dire que c’est à cause des homos que l’Avis suisse n’est pas publié, alors que lorsque je parle avec des représentants d’associations qui représentent majoritairement des homosexuels, c’est vraiment eux qui me disent à chaque fois "mais non, on ne peux pas publier ça, ça va augmenter la contamination dans le milieu homosexuel"...

Réda : Donc se serait de l’homophobie de mettre ça sur la place publique, de publier l’Avis suisse en quelques sorte ?

Tina : Voila je ne comprends pas pourquoi, c’est quand même des représentants d’associations homosexuelles qui sont contre, on se heurte à chaque fois à de grandes associations classiques de lutte contre le sida qui freinent cette publication. Alors pourquoi c’est de l’homophobie ?, c’est ça que je ne comprends pas, puisque ceux sont les représentants eux-même qui ne veulent pas que ce soit publié.

Réda : Georges une réaction, et ça sera le mot de la fin. Est-ce que vous vous retrouvez quelque part entre deux feux avec cette histoire ?, est-ce que vraiment on peut parler d’instrumentalisation, c’est-à-dire chacun se renvoie l’accusation d’homophobie, c’est bien pratique mais est-ce que ça va faire avancer le débat ?

Georges Sidéris : Je me suis mal exprimé lorsque j’ai parlé d’homophobie. Je n’ai pas dit que les réaction à l’Avis suisse étaient de l’homophobie, je ne parlais pas des représentants mais des représentations que l’on se fait des homosexuels, des représentations véhiculées par derrière qui étaient homophobes. La différence elle est très importante.

Tina : Mais ça veut dire que les représentants des associations de lutte contre le sida homosexuelles auraient des représentations homophobes ? C’est la conclusion de ce que vous dîtes puisque ce sont eux qui stoppent le débat, donc ce sont eux même qui auraient des représentations homophobes ?

Georges Sidéris : Alors "les associations" je ne sais pas ce que ça veut dire, mais en revanche je pense que oui il y a un certain nombre de représentations qui sont des représentations homophobes et je pense que oui, absolument elles peuvent être portées par des homosexuels, du fait de l’histoire de l’épidémie, et du fait qu’elles n’ont pas évolué par rapport à l’évolution de la maladie et de l’arrivée des traitements, et que ces non-remises-en-question apparaissent, assez paradoxalement, à des conceptions assez homophobes, même si elles sont portées par des homosexuels.

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