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L’impasse de la prévention au nom de la morale : Quand Act Up Paris déforme et désinforme, Willy Rozenbaum siffle la fin de la récréation

14 mai 2009 (lemegalodon.net)

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Les traitements contre le virus du sida permettent non seulement de sauver des vies mais également d’empêcher la transmission du virus. Cette nouvelle, longtemps restée confidentielle, a été portée sur la place publique par des médecins de la Commission fédérale suisse sur le sida en janvier 2008. Quinze mois plus tard, le Conseil national du sida a présenté son propre avis sur l’intérêt préventif du traitement devant les médias et les associations, à l’occasion d’une conférence de presse tenue à l’Assemblée nationale le 30 avril 2009.

Act Up Paris (s’adressant à Willy Rozenbaum) : Je trouve que vous avez fait une bonne réponse tout à l’heure à Reda Sadki et que vos réponses ensuite ont été moins bonnes, notamment parce que vous avez oublié en cour de route la question posée par Reda Sadki qui était en gros de vous demander Président Rozenbaum de nous autoriser à baiser sous garantie.

Reda Sadki, président du Comité des familles : Mais n’importe quoi ce n’était pas du tout la question ! C’était dans la quantification du risque donc je veux bien assumer mes propos mais pas n’importe quoi et pas déformés par vous

Act Up Paris : Il y a une partie de la population qui cherche cette réponse, et il me semble que les recommandations devraient être plus claires là-dessus. Vous savez que nous avons eu une polémique avec Eric Favreau qui n’a pas attendu l’avis du CNS pour dire des bêtises, et je crains que les recommandations ne soient pas assez claires là-dessus. Et que cela peut donner l’occasion de redire des bêtises.

Willy Rozenbaum, président du Conseil national du sida : Si vous avez trouvé le moyen de contrôler le discours des journalistes, vous nous le donnerez ! Loin de moi l’idée de dire aux gens ce qu’il faut qu’ils fassent. Franchement. D’abord parce que j’ai longtemps perdu l’illusion d’imaginer que parce que je l’ai dit ils vont le faire. Ce que l’on a vraiment souhaité, c’était de donner au plus près l’info afin que les gens puissent exercer leurs libertés. On a fait des paris, puisque tout à l’heure on parlait de paris, que même si l’info était un peu complexe, ils puissent exercer leurs libertés et leurs responsabilités. On a pas dégagé cet aspect. C’est un débat. Mais pour qu’ils l’exercent, il faut qu’ils aient l’info la plus juste possible et pas obligatoirement en terme de comparaisons. Et comme vous le savez la gestion du risque, c’est en fonction de la situation. Ce n’est pas une chose absolue pour personne. Parfois vous n’accepterez pas le risque, parfois vous accepterez le risque ne serait-ce que pour des raisons intimes. Je crois que c’est ça la réalité. Alors traduire cela en slogan, je vous le concède, peut être délicat. Mais ce n’est pas parce que c’est délicat qu’il ne faut pas le faire.

Reda Sadki : Effectivement, je ne suis, pas venu pour polémiquer avec mes amis d’Act Up. Moi je trouve au contraire que ce qui est intéressant dans l’avis du CNS ,- et ce sur quoi l’avis suisse l’avait dit mais pas avec autant de réflexion et de clarté - c’est sur la responsabilité et le droit à l’information, aussi bien pour les personnes séropositives que pour les partenaires séronégatif.

Et nous ce qui nous avait marqué, c’était un communiqué de la DGS dans lequel une injonction disait aux couples sérodifférents de mettre le préservatif. Et là on est plus dans le libre-arbitre. Qu’on aide les couples à prendre décisions pour mesurer les risques qu’ils sont prêts à prendre. Car quand on vit avec une personne séropositive, le risque n’est pas diffus et flou comme il l’est dans une relation occasionnelle. Il est constant lors de chaque acte sexuel donc on a besoin d’outils de soutien, d’accompagnement, et ça implique la révision en profondeur du rôle de l’infectiologue.

Il y a un vrai problème en France. D’une part, les partenaires séronégatifs ne sont pas inscrits au programme de la consultation ce qui est une bonne chose : ne pas se retrouver médicaliser alors qu’on en a pas besoin. Par contre il y a des gens en couple qui vont voir le médecin, mais après, comment ça se passe ? Ca devrait vraiment faire parti du boulot de l’infectiologue de dispenser des informations fiables pour que les couples puissent exercer leur libre arbitre sur la base d’une bonne info.

Hors on constate que des personnes séropositives au sein du Comité des familles, y compris des personnes ayant vécues dans la crainte de contaminer l’autre et donc se sont abstenues de toutes relations sexuelles pendant des années. Hors certains infectiologues ne leur ont jamais parlé de l’intérêt préventif de la chare virale, et là ce n’est plus possible d’exercer leur libre-arbitre. L’autre volet c’est que très concrètement, nous nous sommes sur le point de publier une brochure qui parle de comment faire un bébé. Ce n’est pas un avis d’expert, ce sont des couples qui l’ont fait, qui expliquent comment, quand on est confronté au VIH, on fait un enfant.

On s’est retrouvé face à l’INPES et la DGS, et on craignait l’avis de l’agence de biomédecine. Elle nous a fait quelques remarques utiles et pertinentes et ça s’est arrêté là. Par contre la DGS et l’INPESS ont souhaité que l’on supprime toutes références, non seulement à l’intérêt préventif des médicaments mais aussi ils voulaient nous demander de rayer toutes mentions y compris sous forme de témoignages des personnes qui disent : « voilà, mon médecin m’a dit que la charge virale indétectable, c’est quelque chose de pas mal s’agissant des risques de transmission ». Mais aussi carrément de supprimer toute référence sur les rapports programmés, qui pourtant, sont inscrites dans le rapport Yéni (rapport programmé à but de procréation, un rapport par mois en période de fertilité).

Reda Sadki : Je sais qu’on va avoir besoin de soutien et d’appui pour que cet avis, qui dit des choses très intéressantes, même si on sent qu’il y a des débats internes qui ont du être très mouvementés, pour qu’il soit traduit dans la pratique. On va avoir besoin de mobilisation.

Dernier point, j’ai été au studio de la radio Afrique numéro 1 avec Eugénie Dieké qui est une journaliste engagée depuis des années pour informer les populations africaines sur tous les aspects de la vie avec le VIH. Pour elle, l’idée que le CNS allait publier cet avis, ça lui faisait peur, et elle voyait mal comment traduire cet avis en terme de message à donner aux auditeurs. Pour autant, je ne pense pas qu’il faille avoir peur de ça, je pense qu’il faut engager le débat.

Transcription par Marjorie Bidault, Camille Dubruelh et Hélène Ducatez.