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Quand Act Up pense à la place des malades étrangers... Sarkozy rigole !

7 juin 2008 (lemegalodon.net)

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Les image sont frappantes : six individus au look d’étudiant s’agitant devant l’imposant édifice de l’Ambassade de la Grande-Bretagne, brandissant leurs pancartes actupiennes comme si on était en 1987 à Wall Street [1], mais mille fois moins nombreux et pour dénoncer que "pour la CEDH [2], la vie d’un séropositif ne vaut rien".

L’objectif est honorable : défendre les malades étrangers, suite à un jugement honteux de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) rendu en faveur du gouvernement britannique, qui veut à tout prix expulser une personne séropositive vers son pays d’origine.

L’examen des faits, et une connaissance approfondie des aspects juridiques et historiques, permet d’aboutir à une conclusion effrayante quand aux conséquences possibles de cette action médiatique.

Contrairement à ce que prétend Act Up, la Cour européenne des droits de l’Homme n’a jamais reconnu le droit au séjour des malades étrangers.

Par contre, le Cour a reconnu que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme offre une protection pour les personnes gravement malades.

En l’occurrence, dans une décision qui remonte à 1997, la Cour avait placé le curseur bien haut : pour résumer, il faut être mourant pour bénéficier de cette protection.

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La dernière décision en date ne fait que confirmer cette jurisprudence.

Act Up fait donc erreur en affirmant que la Cour aurait subitement revu à la baisse la protection qu’elle reconnaissait aux malades étrangers. Du coup, de par leur méconaissance de la jurisprudence et de l’histoire des luttes que nous avons mené contre les expulsions, leur action publique braque les projecteurs médiatiques sur une lecture réductrice et répressive de cette jurisprudence. Ceci pourrait bien avoir comme résultat d’encourager ceux qui souhaiteraient niveler par le bas la législation française, et renforcer la stigmatisation de ceux qui subissent de plein fouet les lois et les pratiques des préfectures à l’égard des plus malades et des plus pauvres.

Alors, pourquoi y a-t-il en France une loi qui protège les personnes atteintes de pathologies graves de l’expulsion et qui, de surcroît, garantit leur régularisation de plein droit ?

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Ce n’est ni la Cour européenne des droits de l’Homme, ni Act Up Paris qui peuvent prétendre avoir obtenu ce droit.

Au début des années quatre-vingt-dix, le Comité national contre la Double Peine mobilise la génération des rescapés de l’épidémie, de la prison, de la galère réservées aux enfants de l’immigration.

Parmi eux, il y avait un nombre important d’hommes et quelques femmes qui connaissaient leur séropositivité.

C’est dans le creuset de ce mouvement que naitra la revendication contre l’expulsion des personnes malades.

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Certes, les associations humanitaires récupèreront ce mouvement avec la création de l’ADMEF, et ensuite de l’URMED, et reverront à la baisse les revendications en oubliant qu’à l’origine c’était la carte de 10 ans qui était le minimum vital pour les malades.

Act Up, qui n’avait pas rejoint l’ADMEF à ses débuts, rejoindra plus tard l’URMED par opportunisme. À l’époque — c’était en 1998 au moment des débats sur la CMU — c’était Germinal Pinalie qui venait aux réunions de l’URMED pour Act Up, alors qu’il ne connaissait rien au dossier !

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C’est donc la déflagration politique provoquée par la mobilisation des malades qui débouchera, en 1998, sur l’article 12 bis 11 de la loi Chevènement qui garantit des papiers aux personnes malades qui ne peuvent pas se soigner dans leur pays d’origine.

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Quand on prétend parler « à la première personne » pour tous les malades, alors qu’on ne connait leurs vies que dans le cadre d’une relation d’aide, il y a des limites à ce qu’on peut comprendre. De ces limites on devrait tirer une certaine humilité, et écouter d’autant plus attentivement ceux qui subissent les injustices que l’on souhaite dénoncer.

En méprisant les premiers acteurs de ces luttes et en prétendant parler au nom de tous les malades, Act Up fait une erreur politique qui risque de coûter cher aux séropositifs.

Reda Sadki

Notes

[1] La première action d’Act Up New York dénonce les boursicoteurs du sida, la société qui fabrique l’AZT, premier médicament antirétroviral que les médecins prescrivent contre le virus...

[2] Le Cour européenne des droits de l’Homme.