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Christian Saout | Contamination et prévention | Homosexualité

Christian Saout : casser la dynamique du sida

23 juin 2006 (Le Monde)

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Chez les homosexuels masculins en France, l’épidémie de sida est toujours très active. Dans ce groupe de population, les contaminations sont souvent récentes. Pourtant, comme les autres personnes séropositives, les gays contaminés par le virus du sida pensent d’abord à rompre la chaîne de l’épidémie. Pour la plupart, ils n’ont pas renoncé à la protection de leurs relations sexuelles.

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Comment arrive-t-on malgré cela au développement si dramatique de l’épidémie chez les gays ? Il y a des raisons clairement identifiées et certaines plus obscures.

Tout d’abord l’épidémie trouve sa dynamique dans une prévalence plus forte chez les gays que dans la population générale. Plus d’un gay sur dix vit avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). C’est considérable et le moindre défaut d’utilisation du préservatif est vite sanctionné. Le "baromètre gay", initié par l’Institut national de veille sanitaire, Aides et le Syndicat national des entreprises gaies, identifie clairement cette baisse du recours au préservatif, passagère ou durable. Sur un socle de prévalence aussi élevé, les contaminations sont plus rapidement visibles.

Ensuite, si l’on se réfère aux études conduites dans d’autres pays européens (on peut regretter qu’elles ne soient pas menées en France), les gays présentent des caractéristiques de santé aux indicateurs plus marqués que la population générale : plus de tentatives de suicide, plus d’addictions, plus de ruptures. Autant de raisons qui expliquent l’oubli ou la mise à l’écart du préservatif.

La durée de l’épidémie, qui entre dans sa 25e année, est décourageante. Comment continuer à se protéger dans le long terme ? Le désir d’une relation dénuée du recours immédiat au préservatif est parfois plus fort que les perspectives à long terme d’une vie protégée de l’infection à VIH. Il n’y a pas une once de magie dans la prévention. Elle réside dans une veille sans faille sur la voie d’une sexualité protégée des risques. Pas simple.

Enfin, si le pacs a constitué un pas dans la reconnaissance de leurs droits, la France n’a pas offert aux homosexuels des perspectives de vie aussi favorables que dans les pays européens comparables. Les agressions et les propos homophobes font partie, pour un bon nombre, de leur vie quotidienne. Toutes ces raisons devraient nous conduire à une (r)évolution de la politique publique en direction des homosexuels. C’est à dessein qu’il faut parler de politique publique et non plus seulement de politique de santé publique.

On ne cassera pas la dynamique de l’épidémie chez les gays sans un effort significatif vers eux dans la communication publique de prévention. La mise à disposition des outils de prévention dans les lieux de rencontre de la communauté gaie doit maintenant être la norme. Des règles régissent l’ouverture des établissements accueillant du public. Si les issues de secours doivent être obligatoirement signalées, la mise à disposition des outils de prévention doit l’être aussi !

TOUT TENTER

Les gays eux-mêmes doivent s’engager dans la prévention, car il faut continuer à rechercher de nouvelles méthodes de prévention en phase avec la vie de ces communautés. Pas de compromis dans l’information ou dans la promotion de la prévention par le préservatif, cela ne veut pas dire que toute autre action de prévention doit être écartée. Nous avons le devoir de tout tenter. Notre faute serait de renoncer à inventer de nouvelles stratégies. Quelles qu’elles soient, elles n’ont qu’un seul but : faire baisser le nombre des contaminations chez les gays ! Nous sommes tous concernés, les associations de lutte contre le sida n’ayant aucunement l’exclusive de l’action. La communauté, si souvent invoquée par les gays eux-mêmes, n’a d’existence que si elle est capable de mobilisation forte sur un sujet si difficile et prégnant. C’est aussi sa responsabilité. Elle serait coupable historiquement d’un second déni de l’épidémie. Il y a d’autres gloires !

La prévention, menée par les associations de lutte contre le sida, avec de plus en plus d’homosexuels masculins, espérons-le, ne suffira pas. Il lui faut un contexte. Justement, à la veille de l’échéance présidentielle, qui propose un nouvel horizon de reconnaissance sociale pour les gays ? Qui parle de lutter efficacement contre l’homophobie latente, y compris dans les services publics, et spécialement à l’éducation nationale ? Qui parle du honteux refus de toute perspective transgénérationnelle en leur refusant le droit à l’adoption ou au mariage ? Disposer de la perspective d’une descendance peut aider à construire une exigence de sécurité pour l’avenir et à forger un sentiment de même exigence vis-à-vis de la prévention.

Contre ceux qui accusent les homosexuels de renoncer à la prévention, il faut tailler la route. Et pas une ornière. En faisant feu de toute stratégie dès lors qu’elle conduit à la réduction des contaminations. C’est ainsi que les gays vivront (et survivront) !

Christian Saout est président de l’association Aides.