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À propos du Comité des familles pour survivre au sida (2003–2013) | Barbara Wagner | Criminalisation des séropositifs | Willy Rozenbaum

Santé publique et transmission du VIH : des couples et des familles vivant avec le VIH répondent au Conseil national du sida

16 mai 2006 (papamamanbebe.net)

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Avant de publier son avis sur la pénalisation de la transmission du VIH [1], le Conseil national du sida a souhaité recueillir les positions des acteurs de la lutte contre le VIH. Voici les réponses d’une association qui milite pour la criminalisation de la transmission du virus du sida, avec le contre-argumentaire issu de l’expérience de couples et de familles vivant avec le sida [2].

Votre association a-t-elle déjà débattu de ce sujet ? Dans l’affirmative, quelle position a-t-elle adoptée ?

Ce que disent les partisans de la criminalisation : Evidemment. Notre association est la seule qui soutienne les victimes d’actes de contamination volontaire, plaignantes ou non. La question pose débat, les avis sont partagés sur la pertinence de l’incarcération en cas de maladie déclarée. Il nous semble indispensable de reconnaître par voie juridique la réalité du statut de victime pour les personnes contaminées à leur insu et une reconnaissance de la responsabilité de la personne qui contamine en toute connaissance de cause. La question de la peine à appliquer est du ressort de la justice.

Ce que répondent des familles vivant avec le sida : Oui, le Comité des familles a remis à M. Willy Rozenbaum, président du Conseil national du sida, un exemplaire de son argumentaire contre l’enfermement de nos contaminateurs et contaminatrices, lors de notre audition devant le Conseil national du sida le 16 mars 2005 [3].

Au sein du Comité, ce sont des femmes contaminées par leurs maris qui ont, les premières, exprimées leur refus de la criminalisation et/ou de l’enfermement pour ceux-ci [4].

Cette prise de position ne s’est pas faite sur la base du pardon, mais à partir d’un constat que l’enfermement ne règlera pas le problème de la prévention, encore moins celui de la vie avec le VIH.

Si c’est le statut de victime des personnes contaminées qui doit être reconnu, il doit l’être pour l’ensemble des personnes séropositives. La responsabilité politique pour ces contaminations dépend de l’État, qui est chargé de la santé publique de la population.

Demander à la justice d’appliquer une peine à une personne séropositive parce qu’elle aurait transmis un virus est une dérive mortifère pour les droits de l’ensemble des séropositifs. Les peines applicables par la justice sont d’abord et avant tout celles de l’emprisonnement, et réclamer l’enfermement pour des séropositifs au nom de la morale (ce n’est pas bien de contaminer), de la santé publique (pour les empêcher de contaminer) ou de la vengeance (pour se reconstruire) brise 25 ans de solidarité entre personnes touchées par le virus.

Le Comité tient à souligner qu’en plus d’avoir été la première association française à réagir publiquement à la condamnation de Christophe Morat, nous avons été la seule association à permettre à plusieurs dizaines de séropositifs anonymes de s’exprimer en leurs propres noms sur les conséquences de cette décision de justice.

En effet, alors que le débat public était confisqué d’une part par des responsables associatifs issus des associations homosexuels et d’autre part par Madame Barbara Wagner, notre site survivreausida.net, l’émission de radio Maghreb Afrique Survivre au sida et les réunions du Comité ont servis de lieu de débat contradictoire pour des couples et des familles directement confrontés au sida dans la vie quotidienne.

Vu la crise de légitimité du champ associatif VIH, nous appelons le Conseil national du sida à entendre les prises de parole directes, sans filtres associatifs, des personnes concernées et de nos préoccupations concernant les conséquences des condamnations successives et de la timidité du dit mouvement associatif pour répondre aux partisans minoritaires et extrémistes de la criminalisation.

D’après vous, quels peuvent être les effets de ces procédures judiciaires en cours et à venir sur la prévention du VIH/sida en France, le dépistage, l’information aux partenaires, la stigmatisation, etc.

Ce que disent les partisans de la criminalisation : Ces procédures judiciaires concourent à une responsabilisation des personnes porteuses d’un virus mortel qui mettent la vie d’autrui en danger . Elles permettent tout autant aux victimes de se reconstruire. Elles interpellent aussi les séronégatifs à tenir compte de leurs comportements et ainsi de mettre en œuvre de nouvelles stratégies de prévention pour préserver leur état de santé. Nous pensons que la sanction a une valeur éducative. Ce n’est pas la séropositivité d’un être qui est mise en accusation mais bien la transmission volontaire. Le respect des Droits de l’Homme est ainsi une mesure de prévention. C’est en créant des groupes « à risques »que TOUTE la population ne se sent pas concernée par l’épidémie V.I.H,les campagnes de sensibilisation peu fréquentes ne « ciblent »pas les hétérosexuels,la recrudescence des contaminations en résulte fatalement.

Ce que répondent des familles vivant avec le sida : Au sein du Comité, nous menons un travail de prévention et d’auto-support entre couples concernés par le VIH [5]. Avant la condamnation de Christophe Morat et de son humiliation publique, des auditeurs se confiaient à l’émission de radio pour raconter leurs difficultés pour se protéger [6]. Depuis, ces personnes refusent de parler, et s’il n’est plus possible d’en parler, comment envisager un soutien ou une action qui pourraient inciter ces personnes à mieux se protéger ?

Ces procédures judiciaires concourent à une déresponsabilisation des personnes qui ne connaissent pas leur statut sérologique ou qui se pensent séronégatives, se mettant elles-mêmes en danger. Elles stigmatisent l’ensemble des séropositifs aux yeux de la société, et rendent pratiquement impossible l’affirmation de la dignité des séropositifs et de la responsabilité de tous ceux qui ont les moyens de se protéger.

S’imaginer que la sanction a une valeur éducation n’est possible que par naïveté ou bien relève du double discours pour masquer des objectifs de vengeance suite à une contamination.

Dissocier la transmission du virus de la séropositivité n’est pas compatible avec le respect de la personne humaine.

Si certaines franges de la population ayant des pratiques à risques ne se sentent pas concernés par l’épidémie VIH, ce n’est pas parce qu’on a créé des groupes à risques, mais témoigne de la réelle difficulté à faire évoluer les comportements face à une épidémie qui ne s’arrêtera pas même si on décide d’enfermer un nombre croissant de séropositifs pour les motifs les plus divers.

Ces procédures judiciaires pourraient déboucher sur une mobilisation des personnes séropositives pour refuser l’enfermement et rappeler les principes de solidarité et de respect des droits qui ont permis la mise en place d’une lutte contre le sida en France dans les années 1985-1995.

Mais pour rendre possible une telle mobilisation, les associations et les médecins doivent cesser de confisquer la parole aux séropositifs pour mettre leurs moyens au service des séropositifs, et en particulier les plus précarisés dans notre société.

Répondre avec des arguments juridiques ou théoriques au témoignage choc de Barbara Wagner ou aux faits connus et distillé par les médias concernant les différents procès est vouée à l’échec.

Par contre, soutenir la prise de parole forte des femmes et des hommes contaminés qui refusent la criminalisation serait une première étape importante pour réaffirmer le refus des stratégies fondées sur la quarantaine ou l’enfermement des séropositifs.

Pensez-vous qu’il faille ajouter aux dispositions déjà prévues dans le code pénal une disposition spécifique sur la transmission du VIH/sida ?

Ce que disent les partisans de la criminalisation : Non, à partir du procès de Colmar, il semblerait que le chef d’accusation « administration de substances nuisible ayant entraîné un handicap permanent » soit adapté au cas de contamination volontaire. Celui d’empoisonnement reste très aléatoire. En revanche, le temps de prescription, actuellement de 3 ans, devrait être élargi pour permettre aux victimes de refaire surface après un tel traumatisme physique et psychologique. L’injonction de soins thérapeutiques et la prise en charge psychologique et sociale de l’accusé sont indispensables et permettraient d’éviter la récidive. Un accompagnement des victimes et de leurs familles l’est tout autant.

Ce que répondent des familles vivant avec le sida : Non. Au contraire, nous devons organiser la défense des personnes séropositives visées par ces procès, dans l’objectif à la fois d’empêcher d’autres mesures d’enfermement et pour démanteler les acquies terribles de la condamnation de Christophe Morat.

Les soins ne peuvent devenir une injonction, et la prise en charge psychologique et sociale d’une personne séropositive ne devrait pas dépendre de son parcours ou de son comportement de prévention.

L’accompagnement des séropositifs et de leurs familles doit être constant, et ne doit pas être réservé aux seules personnes qui auraient, d’une manière ou d’une autre, démontrées leur statut de « victime ».

Que pensez-vous de la notion de responsabilité partagée ? Peut-elle servir à la fois un discours collectif de prévention et la responsabilisation individuelle des personnes ?

Ce que disent les partisans de la criminalisation : Nous considérons que chacun est responsable à 100% de lui-même et de son partenaire. Il ne peut pas être question de responsabilité partagée lorsque les deux partenaires n’ont pas le même le niveau d’information, c’est-à-dire lorsqu’une personne se sait séropositive et qu’elle n’en a pas informé sont partenaire et/ou qu’elle n’a pas utilisé de moyen de protection. Il nous semblerait intéressant de réfléchir à une notion de consentement éclairé.

Ce que répondent des familles vivant avec le sida : Nous considérons que chacun est responsable à 100% de lui-même, mais pas de son partenaire. Dans la vie de tous les jours, les couples séro-différents du Comité des familles ont un autre nom pour la responsabilité partagée : l’amour. C’est l’estime de soi du séropositif qui est nourri par cet amour, et qui lui donne envie de se protéger. Le niveau d’information ne dépend pas de la connaissance de son statut sérologique, mais du fait de l’existence du sida et de sa possible transmission dans toute relation non-protégée.

Notes

[1] Lire Communiqué de presse sur la pénalisation de la transmission sexuelle du VIH.

[2] Avant la prise de position du Comité, l’émission Maghreb Afrique Survivre au sida dénonce depuis 11 ans la menace de la criminalisation et de ses partisans, lire Pourquoi nous refusons l’enfermement de nos contaminateurs.

[3] Lire Willy Rozenbaum, président du Conseil national du Sida, reçoit le Comité des familles pour survivre au sida.

[4] Lire et écouter Femmes Plus : une maman concernée par le VIH répond aux partisans de la criminalisation de la transmission du virus du sida.

[5] Lire et écouter Amour, sexe et prises de risque au sein des couples concernés par le VIH.

[6] Lire et écouter Forum des auditeurs : « Séropositive, j’ai craqué, j’ai fait l’amour sans le préservatif ».

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