Six mois de tergiversations interassociatives — pendant lesquels au moins 3500 personnes de toutes origines et parcours ont été contaminées par le virus du sida en France — avant de reconnaître une évidence : il est urgent de fédérer et développer les actions de prévention pour répondre aux besoins de toutes les personnes qui n’ont pas les moyens matériels ou sociaux pour se protéger.

Toutes les populations seraient ainsi prioritaires, mais, avec six mois de recul, n’est-il pas légitime de s’interroger si certaines ne demeurent pas… plus prioritaires que d’autres ?

En effet, les animateurs de la plate-forme sont exclusivement issus de la prévention gay, et aucune association qui ne soit pas étroitement liée au mouvement homosexuel n’a été invitée à participer à sa création.

Avant de réévaluer l’affichage public de leurs priorités, ces messieurs ont d’abord tenté d’ignorer les interpellations de l’émission Maghreb Afrique Survivre au sida, nous renvoyant à « plus tard » et nous affirmant que « le moment » n’était pas encore venu pour « concrétiser l’élargissement de la plate-forme » aux femmes, aux immigrés, aux usagers de drogue, aux pauvres…

Aujourd’hui, c’est-à-dire six mois après avoir bouclé et officialisé le contenu de la plate-forme, ils annoncent « l’intégration » prochaine d’une « association de migrants et une association de femmes ».

Si cette plate-forme concerne toutes les populations, pourquoi ne pas avoir tout de suite invité des personnes concernées issues de tous les milieux ?

Si cette plate-forme etait réservée aux gays, pourquoi ne pas le dire clairement et l’assumer ?

Pourquoi Hervé Baudoin, coordinateur de la plate-forme et chargé des actions gays à Sida Info Service, refuse de rencontrer les familles du Comité pour survivre au sida ?

Pourquoi Hervé Baudoin refuse de faire parvenir au Comité le texte complet de cette fameuse plate-forme ?

Ainsi, ces messieurs se retrouvent aujourd’hui assis inconfortablement entre deux chaises. Avaient-ils prévu de déguster tranquillement le beurre et l’argent du beurre, en s’arrogeant le monopole de la représentation et des moyens de la prévention, sans aucun partage avec les autres populations sur le front du sida ?

Déjà, la Mairie de Paris a clairement pris ses distances avec leur initiative, après avoir hébergé leur dernière rencontre officielle.

Chers Messieurs, après avoir ouvert vos oreilles, le moment est venu d’ouvrir vos yeux pour regarder en face les familles vivant avec le sida qui réclament une prévention qui n’est pas réservée aux seuls nantis [4] mais qui s’adresse équitablement à toutes les populations sur le front du sida, en fonction des besoins et non pas de la place dans la hiérarchie sociale.

Il vaut mieux tard que jamais, surtout quand on a la prétention de vouloir « donner un nouveau souffle à la prévention en France »...

Messieurs, il est bien difficile de donner du souffle quand on a si mauvaise haleine. La discrimination, ça pue.

Reda Sadki