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Financement de la lutte contre le sida | Politiques de santé | Tribune libre

La Palme d’or de l’appel à manifester le plus flacide de toute l’histoire du sida

23 novembre 2005 (lemegalodon.net)

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Addendum : Suite à la publication de cette tribune libre, l’association citée a revue sa copie et ré-écrit son appel à manifester pour le 1er décembre. — NDLR

Reda décortique l’appel envoyé à survivreausida.net par une association qui appelle à manifester pour le 1er décembre [1]. Mais s’agit-il de manifester pour défendre les malades ou pour préserver la santé de quelques associations classiques qui vivent de la lutte contre le sida ?

Le 1er décembre, nous organisons une manifestation.

Très bien, mais qui est appelé à manifester ? Qui sont les acteurs de la lutte pour survivre au sida ?

Le sida a été déclaré grande cause nationale pour 2005.

L’association qui est à l’origine de l’appel est partenaire du Collectif Sida, grande cause nationale. Paradoxalement, elle a dénoncé publiquement une initiative dont elle a bénéficiée des retombées et dont elle est partie prenante [2].

Tout au long de l’année, les associations ont accompli un travail d’information, de sensibilisation et de revendications à la hauteur du désastre sanitaire.

C’est là où les choses se gâtent. Que signifie cette prétention que « les associations » auraient été « à la hauteur » de l’épidémie ? Est-ce l’arrogance ou la stupidité qui permettent une telle déclaration, alors qu’il y a 5000 nouvelles contaminations en France et que 8000 personnes meurent du sida tous les jours ?

« Être à la hauteur », cela signifierait avoir trouvé le vaccin thérapeutique contre le sida.

« Être à la hauteur », cela signifierait qu’aucun séropositif se retrouverait à la rue, à l’hôpital, en prison, ou au cimetière en 2005.

Mais au bout d’un an, nous n’avons rien obtenu du gouvernement. Pire, la majorité actuelle démantèle des droits indispensables.

On a vu Jérôme Martin, président d’Act Up Paris, claironner le remboursement du Newfill [3], produit pour combler les joues creusées par les traitements [4], alors que le gouvernement démantèle la protection sociale et supprime l’Aide médicale d’État (AME).

On a vu Christian Saout, président de AIDES, se pavaner à l’Elysée ou à Matignon [5].

Dans l’histoire du sida, les malades ont obtenus la reconnaissance de leurs droits quand ils ont réussi à se regrouper, se mobiliser pour lutter ensemble. Aujourd’hui, cet appel en témoigne, les séropositifs et leurs préoccupations sont secondaires par rapport à l’enjeu qui semble prioritaire dans cet appel pour ces responsables associatifs : préserver la santé financière et l’image de marque de leurs associations.

Tout concourt au désespoir et à la solitude des personnes séropositives et de celles et ceux qui se battent avec elles. Face à une telle situation, la réaction ne peut pas être l’indifférence, le fatalisme ou le cynisme blasé.

Parmi les premiers bénéficiaires de ce désespoir, on trouve les associations qui vivent sur le dos des malades, en dispensant avec parcimonie tickets resto, colis alimentaire, aide financière, conseils juridiques, ou passe-droit pour des places en appartements de coordination thérapeutique [6]...

Contrairement à ce qu’affirme cet appel, la vie quotidienne des séropositifs n’est pas que désespoir et solitude. Parler en ces termes fatalistes est une forme de paternalisme associatif à l’égard des récipients de l’aide dispensée.

Moins de 5% des personnes séropositives s’adressent aux associations classiques de lutte contre le sida.

Les séropositifs qui, par nécessité, frappent encore aux portes de ces associations connaissent bien leur « indifférence », leur « fatalisme » et leur « cynisme » dans la gestion de la vie des malades.

Toutes les associations ont besoin de vous. Le 1er décembre, leurs militantEs manifesteront à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida. Rejoignez-nous, pour nous soutenir, connaître notre travail et rendre visible la situation des séropositifs.

C’est donc une manifestation de militants d’associations, sans oublier les salariés qui vivent des subventions publiques ou de celles des laboratoires pharmaceutiques. En les rejoignant, on comprend qu’il s’agit de les soutenir eux, de connaître leurs associations, et, accessoirement, des séropositifs.

Ainsi, la lutte contre le sida se réduirait à la mobilisation des « associations », et l’objectif serait non plus de mettre fin à l’épidémie mais de « rendre visible » son existence !

C’est pourquoi je remet à ses auteurs la palme d’or de l’appel à manifester le plus flacide de l’histoire de la lutte contre le sida [7].

Notes

[1] Lire l’appel complet, Sida : la régression.

[2] Lire et écouter Tribune libre : pourquoi il faut dénoncer la mascarade du « Sida, grande cause nationale » et ses complices.

[3] Lire et écouter Un deal NewFill contre AME entre Mattéi et Act Up ?! Jérôme Martin s’explique, Forum des auditeurs : « mon médecin ne m’a rien dit sur les lipodystrophies... », Quand les médicaments défigurent le visage : que proposent les médecins et Un traitement et des tests remboursés.

[4] Lire aussi le compte rendu d’une pseudo-manifestation organisée par cette association, Sida grande cause nationale ? Rassemblement devant le Ministère de la Santé.

[5] Lire L’association AIDES contre les malades les plus pauvres, au mépris de sa propre histoire ?.

[6] Lire Appartements thérapeutiques : l’hébergement comme contrôle social.

[7] Depuis, l’association a mis en ligne un deuxième texte, plus détaillé mais tout aussi confus sur les priorités : s’agit-il de défendre les malades ou les associations ?.