Nouvelles restrictions des suspensions de peine en fin de vie
14 octobre 2005 (Libération)
Par Jacqueline COIGNARD
Déjà appliquée avec parcimonie, la loi de 2002 sur les droits des malades, dite Kouchner , qui permet de suspendre la peine des détenus en fin de vie, vient de subir un nouvel assaut : les députés ont voté deux amendements de dernière minute dans la nuit de mercredi. Le rapporteur Gérard Léonard (UMP) propose ainsi de permettre au juge d’invoquer la notion de « trouble exceptionnel à l’ordre public » ou bien « un risque particulièrement élevé de récidive » pour refuser de faire sortir un malade. Jusqu’à présent, la loi explicitée par un arrêt de la Cour de cassation (février 2003) ne fixe aucune condition de cette nature, ni de référence à la nature de l’infraction commise. Seul compte l’état de santé : deux experts médicaux doivent le trouver incompatible avec le maintien en détention ou estimer que le pronostic vital est engagé.
« On peut très bien être atteint d’une maladie à l’issue proche et commettre des actes de grand banditisme, des agressions sexuelles ou se livrer à un trafic de stupéfiants », assure Gérard Léonard. Même si aucun cas n’est recensé parmi les 191 détenus qui ont bénéficié de la mesure (sur 461 demandes). Le garde des Sceaux a ajouté son amendement : le juge devra ordonner tous les six mois « une expertise médicale destinée à vérifier que les conditions de la suspension sont toujours remplies ». Et de se gausser de ces malades « qui vont franchement mieux après leur libération ». Hervé Morin (UDF) s’étonne : « La juridiction peut déjà soumettre le condamné à des obligations : mesures de contrôle, examens médicaux, traitements. Le juge a donc en permanence la possibilité de vérifier l’état de santé de la personne. » Noël Mamère (Verts) remarque que cette mesure « jette la suspicion sur le travail des juges et médecins ». Et il interpelle Pascal Clément sur les vieillards et malades « qui restent en prison à mourir dans l’indignité » : « Le garde des Sceaux pourrait-il me dire combien de détenus de très grand âge et très malades se trouvent toujours en prison ? » Il n’a pas eu de réponse.