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Malades étrangers

A Lyon, une femme sans papiers atteinte du sida menacée d’expulsion

25 juillet 2005 (Libération)

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Par Olivier BERTRAND

Lyon de notre correspondant

Mauvais diagnostic préfectoral pour une Africaine malade

Il y a neuf mois, Justine (1), 37 ans, a découvert qu’elle avait le sida. Centrafricaine sans papiers en France, elle a demandé une carte temporaire de séjour afin de suivre en France la trithérapie débutée en février 2005 et inaccessible dans son pays. Ces titres de séjour d’un an renouvelable sont acquis de plein droit aux étrangers gravement malades s’ils résident « habituellement » en France et ne peuvent se soigner dans leur pays. Là, pourtant, la préfecture a refusé en indiquant que rien ne prouve la résidence habituelle de Justine. Celle-ci s’est retrouvée avec trente jours pour quitter le territoire, et elle demandait mardi au tribunal administratif de Lyon la suspension de cette décision. La salle d’audience était emplie de militants et salariés d’associations lyonnaises qui s’alarment de l’augmentation de ce type de cas.

Circulaire. Jusqu’à l’année dernière, l’administration se montrait assez souple avec les étrangers gravement malades. Elle accordait des cartes de séjour temporaire à ceux qui vivent en France depuis plus d’un an et délivrait aux autres des autorisations provisoires de séjour. En octobre 2004, une circulaire ministérielle, signée par Dominique de Villepin, a même conforté cette politique en recommandant aux préfets d’accorder « une attention toute particulière aux demandes émanant d’étrangers atteints de pathologies graves et de longue durée ».

Puis les premiers cas inquiétants sont apparus dans le Rhône début 2005, lorsque la préfecture a demandé à trois femmes atteintes du sida de quitter le territoire. Leurs demandes de séjour avaient pourtant été expédiées par les services sociaux de l’hôpital Edouard-Herriot et de l’Hôtel-Dieu, avec des certificats médicaux ne laissant aucun doute sur leurs pathologies. Depuis, le Collectif santé étrangers du Rhône, qui réunit une dizaine d’associations, a dénombré une demi-douzaine de cas similaires dans le département.

Pour Justine, les services prétendent qu’elle n’est arrivée en France qu’en janvier 2004. Avec moins d’un an de présence au moment de sa demande, elle ne serait pas une « résidente habituelle ». L’argument fait bondir les associations. « Quand le pronostic vital est en cause, on ne peut pas opposer ce type d’argument, s’indigne Jean Costil, responsable régional de la Cimade. Ce n’est pas possible de remettre quelqu’un dans un avion pour qu’il aille mourir dans son pays. » Concernant Justine, il se trouve en outre que le prétexte est faux. Mardi, son avocate, Marie-Noëlle Fréry, a fourni au tribunal les bulletins de notes des trois enfants de Justine, scolarisés dans la région lyonnaise depuis 1999. Un médecin a par ailleurs délivré une attestation détaillant chaque consultation de la mère depuis septembre 1999. L’administration a répondu à l’audience qu’elle n’avait pas ces éléments lorsqu’elle a pris sa décision. Il est vrai que l’instruction du dossier a été expédiée et comportait plusieurs erreurs.

« Confrontée à une augmentation absolument énorme des demandes pour raison de santé, la préfecture a décidé d’appliquer très précisément les règles », explique Dominique Schmitt, avocate de l’administration. Les demandes médicales ont décuplé en cinq ans. Plus de 700 ont été déposées l’an dernier, contre 72 en 2000. Certains déboutés du droit d’asile utilisent ce biais pour tenter une dernière chance. Mais pour prévenir les abus, la loi impose l’avis d’un médecin instructeur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. Seulement, depuis quelques mois, la préfecture du Rhône ne suit plus ces avis médicaux.

Séjour. Selon le Collectif santé étrangers du Rhône, un tiers des refus seraient désormais motivés dans le Rhône par l’absence de séjour habituel en France, malgré des avis médicaux positifs. Celui rédigé pour Justine indique pourtant qu’un défaut de prise en charge médicale « peut entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité » et que la jeune femme « ne peut avoir accès, dans son pays d’origine, à un traitement approprié ».

Embarrassée, l’avocate de l’administration, Dominique Schmitt, assurait mardi à l’audience : « Vous pensez bien que la préfecture ne va pas expulser cette femme. La position de l’administration, ce n’est pas de renvoyer quelqu’un à la mort. C’est de réguler l’immigration. » Le préfet a pourtant donné trente jours à Justine pour quitter le territoire. Le juge dira en fin de semaine s’il suspend cette décision. Puis une audience, à la rentrée, dira si elle était légale.

(1) Prénom changé à la demande de l’intéressée.

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