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Criminalisation des séropositifs

Morat condamné à six ans de prison pour avoir transmis le sida

4 janvier 2005 (Reuters-APM)

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COLMAR - Christophe Morat, un conducteur de car de 31 ans qui avait transmis le virus du sida à deux jeunes femmes avec lesquelles il avait eu des relations sexuelles sans leur révéler sa contamination, a été condamné mardi à six ans de prison par la cour d’appel de Colmar.

Il devra en outre verser 230.000 euros à chacune des victimes dont l’une, Aurore B., s’est suicidée au volant de sa voiture le 1er novembre dernier.

La Cour d’appel a confirmé les deux jugements de première instance prononcés par le tribunal correctionnel de Strasbourg, l’un en l’absence du prévenu le 17 mai 2004, l’autre, en sa présence, le 28 juin, après qu’il eut été interpellé dans la Drôme dans le cadre du mandat d’arrêt prononcé à son encontre.

Le jeune homme, qui comparaissait détenu, a été reconnu coupable "d’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui, ayant entraîné une infirmité permanente".

Il avait entretenu des relations amoureuses et sexuelles simultanées pendant plusieurs mois en 1999 et 2000 à Strasbourg avec quatre jeunes femmes, dont Aurore et Isabelle, les deux victimes, âgées à l’époque de 18 et 22 ans, alors qu’il se savait séropositif depuis 1997.

Père divorcé d’un enfant de dix ans, il a commencé à développer la maladie à partir de fin 2000.

L’une des ses anciennes amies avait informé les deux jeunes femmes qui ont porté plainte après qu’un test leur eut révélé leur séropositivité.

La dernière compagne en date de Christophe Morat n’a elle-même appris qu’il était atteint du VIH que lors de son interpellation.

PENALISATION DE LA VIE ?

Avocat d’Isabelle et de la famille d’Aurore, Me Yannick Pheulpin a fustigé "un criminel de sang froid" dans lequel les jeunes femmes "ne voyaient que le prince charmant".

Il s’est défendu par avance de vouloir "stigmatiser" tous les séropositifs. "Notre démarche ne vise que ceux qui se sont servis de leur maladie comme d’une arme au moyens d’artifices parfaitement condamnables", a-t-il dit.

L’avocat faisait notamment allusion à l’allergie au latex alléguée par le prévenu pour ne pas utiliser de préservatifs. Un élément également relevé par l’avocat général, Jacques Nicole. "Nous ne pouvons pas écarter la notion d’intentionnalité", a estimé ce dernier.

A la barre, Christophe Morat a présenté ses excuses aux victimes, mais a expliqué qu’il n’avait "pas pu faire autrement". "J’avais peur de me faire rejeter par les gens autour de moi", a-t-il dit en rappelant qu’il était "un enfant de la Ddass".

Son avocat, Me Christophe Bass, a joué de cet argument pour exclure toute volonté de nuire de la part de son client. "Ce n’est pas facile à révéler (la séropositivité), nom de nom", a-t-il lancé.

Il s’est surtout élevé contre une pénalisation des relations sexuelles.

"Vous ne pouvez pas négliger le fait que les relations sexuelles non protégées étaient des prises de risque partagées entre des jeunes gens mal informés", a-t-il plaidé.

Il a par ailleurs contesté le chef même de la mise en examen de Christophe Morat, estimant qu’il faudrait pour le soutenir "qu’à chaque relation sexuelle qu’on lui impute, il administre le virus". "Ce n’est pas le cas", a-t-il ajouté en rappelant que d’autres partenaires sexuelles n’avaient pas été contaminées.

Il a enfin mis en garde les juges contre la tentation d’une "pénalisation" de la politique de santé publique.

Présent à l’audience, le président d’Aides, Christian Saout a repris le même argument. "Pour réparer un dommage fait à une personne, il y a un juge, c’est le juge civil et on n’est pas obligé de faire mettre en prison son ancien amant ou son ancienne amante", a-t-il déclaré aux journalistes.

"On ouvre la voie à la pénalisation de la vie et de l’amour", a-t-il ajouté en craignant que de tels jugements rendent plus difficile les actions de prévention en incitant les séropositifs à cacher leur état.

A l’opposé, Femmes positives, une association basée à Marseille qui défend les droits des femmes contaminées par leur partenaire, s’est félicitée de l’arrêt de la cour d’appel.

"Nous considérons que nous avons été les sacrifiées de la mauvaise politique des associations de prévention qui n’incitaient pas les séropositifs à révéler leur sérologie", a déclaré sa présidente, Barbara Wagner.

Une vingtaine de plaintes seraient, selon elle, actuellement déposées chaque année en France par des personnes contaminées à leur insu par le virus du sida.

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