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Procès du sida en Libye : cinq Bulgares et un Palestinien condamnés à mort
6 mai 2004 (AFP)
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par Afaf El-Gueblaoui
TRIPOLI, 6 mai (AFP) - Cinq Bulgares et un Palestinien ont été condamnés à mort jeudi par un tribunal libyen qui les a reconnus coupables d’avoir propagé le sida dans un hôpital pédiatrique, alors qu’un sixième Bulgare et neuf Libyens jugés dans cette affaire ont été acquittés.
Un médecin palestinien et cinq infirmières bulgares ont été condamnés à mort et doivent être fusillés, selon le texte du verdict obtenu par l’AFP.
Les accusés, présents à l’audience, ont été condamnés par un tribunal de Benghazi (nord), au terme d’un procès qui aura duré quatre ans, "en vertu de la loi 305 qui stipule la peine capitale pour quiconque cause la mort de plus d’une personne", selon le texte.
Les accusés "ont causé la mort de 46 enfants, alors que 380 autres sont infectés", selon le verdict. Ils ont été reconnus coupables d’avoir infecté quelque 400 enfants avec le virus HIV, en 1997 et 1998.
Ils ont également été condamnés au versement de près d’un million de dollars pour indemniser les familles des victimes. Les accusés n’ont pas réagi à la lecture du verdict, a indiqué une source judiciaire.
Selon le verdict, trois Libyens et un médecin bulgare, jugés dans un volet de l’affaire qui est apparu au cours du procès, ont été condamnés à trois à quatre ans de prison pour "trafic de devises". Ils ont été acquittés dans l’affaire de la propagation du sida ainsi que cinq autres Libyens.
Le médecin bulgare, le docteur Zdravko Gueorguiev, va être libéré, a affirmé la vice-ministre bulgare des Affaires étrangères, Gueorgana Grantcharova.
Le Dr "Zdravko Gueorguiev sera libéré dans les minutes ou les heures qui viennent", a-t-elle déclaré à Sofia. "Il sera logé dans un hôtel de Benghazi" où le procès a eu lieu, a-t-elle précisé.
Le verdict constituait un test pour Tripoli au moment où la Libye semble désireuse de réintégrer la communauté internationale.
La Bulgarie, sous le choc, a fait appel à la communauté internationale en lui demandant d’intervenir pour convaincre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi de gracier les condamnés. "Cette affaire constitue un test pour les Libyens et je suis persuadé qu’ils en ont parfaitement conscience", a affirmé le ministre bulgare des Affaires étrangères, Solomon Passi.
L’UE a vivement condamné le verdict et le chancelier allemand Gerhard Schroeder a aussitôt proposé son aide.
Le ministre libyen de la Justice, Ali al-Hasnaoui, a indiqué à l’AFP "avoir entièrement confiance dans la justice libyenne", soulignant que les condamnés pouvaient faire appel de la sentence auprès de la Cour suprême.
Après la lecture du verdict, les familles des enfants atteints du HIV, qui ont assisté au procès, ont manifesté leur joie dans les rues de Benghazi.
Des observateurs internationaux étaient présents lors de la lecture du verdict.
Les condamnés ont l’intention de faire appel, selon la radio bulgare.
Deux des infirmières et le médecin palestinien, qui avaient reconnu les faits lors de leur interrogatoire, ont déclaré devant les juges que ces aveux leur avaient été extorqués sous la torture. Les deux Bulgares ont dit qu’elles avaient été forcées de signer des dépositions en arabe, langue qu’elles ne comprennent pas.
M. Kadhafi avait évoqué en 2001 dans cette affaire un possible complot des renseignements américains (CIA) ou israéliens (Mossad) pour faire des expériences sur les conséquences du virus HIV. Mais la défense soutient que les accusés étrangers servent de boucs émissaires pour les défauts de stérilisation dans l’hôpital pédiatrique.
Le co-découvreur du virus de sida, le professeur français Luc Montagnier, et le professeur italien Vittorio Colizzi avaient témoigné en faveur des accusés, soulignant que l’épidémie était due à de mauvaises conditions hygiéniques dans l’hôpital et s’était déclenchée avant l’arrivée des infirmières.