Skip to main content.

Criminalisation des séropositifs

Après la mort de l’une de ses victimes, procès en appel reporté pour le séropositif condamné

5 novembre 2004 (Le Figaro)

1 Message | | Votez pour cet article

Voir en ligne : Après la mort de l’une de ses victimes, procès en appel reporté pour le séropositif condamné

par Yolande Baldeweck (Strasbourg)

Lire et écouter sur ce sujet : Émission spéciale : des couples et des familles, ensemble contre la criminalisation et l’enfermement des malades du sida.

En juin dernier – c’était une première en France –, un homme était condamné par le tribunal correctionnel de Strasbourg à six ans de prison pour avoir contaminé deux de ses partenaires alors qu’il se savait séropositif. Il devait en outre verser 220 000 € à chacune des jeunes femmes. Mais Christophe Morat, un chauffeur de car de 30 ans, père d’un garçon de 9 ans, a fait appel et l’affaire devait être rejugée mardi. Seulement, dans la nuit de dimanche à lundi, l’une des jeunes femmes, Aurore, 24 ans, s’est tuée dans un accident de voiture qu’elle pourrait bien avoir volontairement provoqué. Une enquête a été ouverte par la gendarmerie pour déterminer les conditions exactes de la mort.

La jeune femme a été retrouvée la clé de contact dans la main, selon Me Pascal Bernhard, qui parle de « suicide calculé ». Aucune trace de freinage n’a en tout cas été relevée sur la route départementale où circulait la Golf de la victime avant de venir percuter un arbre. « Aurore craignait, après quatre années d’instruction, que son ex-ami, déjà condamné pour « administration volontaire d’une substance nuisible ayant entraîné une infirmité permanente », soit relaxé par la cour d’appel de Colmar, souligne son avocat. Et elle redoutait que ce qu’elle avait obtenu ne lui soit enlevé. »

Christophe Morat avait caché à la jeune femme, et à son autre partenaire, alors âgée de 25 ans, qu’il était atteint du virus du sida. « Aurore a vécu avec lui entre août 1999 et février 2001. Elle en était follement amoureuse, voulait fonder une famille. A aucun moment elle n’a songé à lui demander de se préserver », explique Me Bernhard. C’est l’autre jeune femme, dont elle avait fini par découvrir l’existence, qui avait informé Aurore de la maladie de son compagnon. « Elles étaient devenues amies, car elles partageaient la même souffrance », ajoute l’avocat.

« Christophe Morat a toujours admis ne pas avoir eu de rapports protégés, assure de son côté son avocat, Me Alain Molla, du barreau d’Aix-en-Provence, qui devait le défendre en appel. Il était dans l’incapacité de dire sa maladie. Le fait de protéger l’aurait exposé à des questions, à la révélation de sa pathologie. » L’avocat voulait, avec son associé, Me Christophe Bass, plaider la relaxe. « Nous défendons le principe de la responsabilité partagée. Chacun est responsable de la protection de l’un et de l’autre », souligne Me Molla, qui est membre de l’association Aides, en ajoutant : « En termes de santé publique, la sanction pénale est une impasse. Celui qui contamine sans le savoir n’est pas condamné. Or, depuis vingt ans, nous nous battons pour que le dépistage soit généralisé. »

Aurore, semble-t-il, craignait l’irruption d’« un avocat de réputation nationale » dans le procès en appel. Elle l’avait préparé, vendredi, avec Me Bernhard. Il l’avait trouvée « très nerveuse, très affectée aussi par une rupture récente avec un garçon ». « C’est un drame, mais les raisons d’un suicide sont toujours complexes », plaide Me Molla. L’audience a été renvoyée au 4 janvier.

 

Forum de discussion: 1 Message