Chronologie et bilan de la campagne pour dénoncer les pratiques du Centre du Moulin-Joly de la Croix-Rouge Française (1998-2004)
26 octobre 2004 (lemegalodon.net)
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Écouter: Peut-on contester l’action de la Croix-Rouge ? Chronologie de la campagne pour dénoncer les pratiques du Centre du Moulin-Joly de la Croix-Rouge Française (MP3, 4.4 Mo)
Mardi 2 novembre 2004 à 13h30, 11ème Chambre de la Cour d’Appel de Paris : procès en appel de Reda Sadki face aux médecins du Centre du Moulin-Joly de la Croix-Rouge Française
Entre avril 1999 et janvier 2001, l’émission de radio Migrants contre le sida a mené une campagne [1] pour dénoncer les pratiques des médecins du Centre du Moulin-Joly de la Croix-Rouge Française. Pour mémoire, voici quelques textes issus de la campagne, pour rappeler le contexte et les objectifs de la campagne, ainsi que ses résultats.
Le 2 décembre 1999, la DASS de Paris ouvrira une enquête administrative et bloquera les subventions du centre. C’est seulement après l’ouverture de cette enquête que la Croix-Rouge Française déposera une série de plainte contre Reda Sadki, animateur de l’émission Migrants contre le sida, pour violence en réunion avec arme, violation de domicile, vol et dégradations.
L’instruction rendra un non-lieu concernant ces chefs d’inculpation fabriqués de toutes pièces, mais Reda Sadki sera néanmoins condamné le 23 juin 2004 pour violation de domicile, c’est-à-dire pour l’occupation du centre du 1er avril 1999.
Occupation du 1er avril 1999 : les cache-misère coûtent cher
Le texte du tract de l’occupation [2] le 1er avril 1999 du Centre du Moulin-Joly de la Croix-Rouge Française, suite au recours par les médecins du centre à la police pour gérer un conflit avec un usager du centre, clarifie les premiers objectifs de la campagne.
Au bas d’immeubles de béton d’arrondissements de l’est parisien, on a pu remarquer des espaces bâtards, mi-ouverts, mi-fermés, gérés par des spécialistes et d’heureux bénéficiaires d’emplois précaires. Ce sont nos nouveaux dispensaires : chargés de fournir aux plus démunis les médicaments nécessaires à leur survie, ils ont des heures ouvrables, offrent thé ou café, avant de vous renvoyer à la rue.
Le centre du Moulin-Joly accueille des personnes séropositives en majorité immigrées ou issues de l’immigration. Il appartient à la Croix-Rouge et est géré par Marc Gentilini, catholique intégriste notoire, prônant une gestion discriminatoire du lieu en pratiquant le racisme et la préférence sociale.
Nous assistons à la prolifération de ces « centres d’urgence pour soins minimums et précaires » aux inadaptés administratifs que sont les Sans-Papiers et les « hors normes français et européens »
C’est donc une nouvelle sous caste qui va être définie pour continuer à nous opposer les uns les autres.
Nous exigeons que le centre du Moulin-Joly arrête de virer les gens et d’appeler la police pour régler le dialogue avec ses patients.
Le désengagement de l’état notamment dans les hôpitaux et la prise en charge de la précarité par les ONG et les associations caritatives laisse les malades du SIDA sur le pavé. Par contre il intervient de plus en plus dans la répression des inadaptés administratifs que nous sommes ou serons.
Pas de discrimination contre les malades du SIDA
Non à la médecine comme contrôle social
Droits sociaux égaux pour tous et toutes
Liberté de circulation et d’installation des gens
Tract de l’action symbolique du 24 juin 1999
Face au refus du Centre du Moulin-Joly de dialoguer pour trouver une solution permettant au malade visé par l’exclusion arbitraire du centre de se soigner, se loger, et manger, nous avons trouvé des solutions par nous-mêmes et pour nous-mêmes, et nous avons trouvé des relais.
Sorti de l’enfer du Centre du Moulin-Joly, notre camarade a donc réussi à remettre en place un vrai suivi médical et social, et début juin devait reprendre son traitement (interrompu pendant qu’il était suivi par le centre).
Pour rappeler aux médecins de la Croix-Rouge qu’il n’y a pas d’impunité pour les médecins qui pratiquent les discriminations, nous avons tenté de revenir au centre. Voici le tract [3] de cette action symbolique, racontée par Reda pour l’émission de radio.
Le centre médical du Moulin-Joly est un dispensaire géré par la Croix-Rouge pour les pauvres atteints du sida. Il est une excellente illustration du contrôle social renforcé et du chantage médical réservés aux plus exploités. Les médecins de ce centre ont, avec le soutien de la hiérarchie de la Croix-Rouge Française et avec la complicité des autres salariés du centre, appelé les flics et ont expulsé un malade du sida sans papiers.
Ce sont les médecins de ce centre, qui évaluent si les malades ont l’« intelligence » et le mode de vie conformes à leurs normes pour prendre les traitements.
Qu’ils sachent qu’ils ne peuvent plus exercer cette violence médicale et policière en paix, avec la conscience tranquille de ceux qui appliquent les consignes et encaissent leur chèque en chaque fin de mois.
2 décembre 1999 : la DASS de Paris gèle les subventions du Centre du Moulin-Joly et ouvre une enquête administrative
Voici un extrait de l’article [4] paru dans Impact Médecin Hebdo suite au blocage des subventions du Centre du Moulin-Joly par la DASS de Paris :
La Dass de Paris a ouvert le 6 décembre un enquête sur le centre médical du Moulin-Joly de la Croix-Rouge, à Paris (XIe), qui prend en charge des toxicomanes. En attendant les résultats, les financements du centre ont été gelé. A l’origine de cette enquête, les accusations répétées de l’association Migrants contre le sida qui reproche au centre des "pratiques discriminatoires". Coordinateur de l’association, Reda Sadki dénonce "le maintien des malades hors des droits sociaux pour les garder au centre" ainsi que "le harcèlement systématique des médecins à l’encontre des patients qui ne font rien pour mettre en place une aide médicale". (...) Du côté du centre, le Dr Marc Bary, le directeur, précise simplement "qu’il y a une manipulation quelque part". A la Croix-Rouge, on dément en bloc. "Tout ce que dit l’association est faux", déclare Philippe Lefèbvre, délégué général de la Croix-Rouge (...). Quant à l’enquête de la Dass, il dit "ne rien avoir à cacher et attendre sereinement les conclusions", qui interviendront au plus tard en février prochain. F.G.
Janvier 2001 : Migrants contre le sida relance l’enquête et obtient enfin une réponse des institutions de tutelle
C’est en janvier 2001, alors que l’enquête de la DASS n’a toujours pas été rendue publique, que Migrants contre le sida interpelle les autorités de tutelle.
Finalement, ce sera un courrier [5] de la Direction régionale de l’action sanitaire et sociale (DRASS Ile-de-France) qui reconnaîtra, dans un language administratif forcément très pudique, l’existence de carences dans la prise en charge et le suivi social au Centre du Moulin-Joly de la Croix-Rouge Française.
Pour faire suite à notre entretien téléphonique du 12 janvier dernier, je vous confirme avoir noté les éléments que vous évoquez quant au fonctionnement du centre médical du Moulin Joly.
Ainsi que je vous l’ai indiqué, j’ai repris contact avec la direction des affaires sanitaires et sociales de Paris sur ce sujet. Le suivi qu’elle assure et la présence d’une assistante sociale au sein de la structure devraient être de nature à améliorer la situation.
Je vous confirme, en tout état de cause, que la Dass de Paris reste votre interlocuteur premier compte tenu des champs de compétence réglementaire (...).
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.
La directrice régionale par intérim
Dans la foulée de la mobilisation pour dénoncer les pratiques du Centre, et sous pression de la DASS (dont le rapport d’enquête n’a pas été rendu public), le Centre a bien tenté d’améliorer les conditions d’accueil, d’assouplir certaines de ses pratiques, et de s’occuper du suivi social des quelques patients qui n’avaient pas déserté le centre. Notre campagne y était pour quelque chose, et nous sommes donc loin de l’ "action manifestement subversive destinee à déstabiliser les institutions socials" citee par le jugement.
23 juin 2004 : les juges récusent le droit de contester l’action de la Croix-Rouge Française, qui est pour eux « incontestable »
Les plaintes déposées par la Croix-Rouge en réponse à l’ouverture de l’enquête de la DASS déboucheront sur un procès qui opposera Reda Sadki face aux médecins de la Croix Rouge [6].
A-t-on le droit de contester la Croix-Rouge Française, lorsqu’au nom de l’humanitaire elle pratique des discriminations ?
Pour avoir dénoncé les pratiques des médecins du Centre du Moulin-Joly de la Croix-Rouge Française, Reda Sadki, qui anime cette émission depuis 10 ans, a été condamné à 10000 euros d’amende et 4 mois de prison. Mardi 2 novembre à 13h30, rejoignez-nous pour le procès en appel à la 11e Chambre de la Cour d’Appel à Paris, métro Cité.
Cette condamnation signifie ni plus ni moins que la mort de Survivre au sida et, à l’évidence, telle fût la volonté des juges. Ce jugement est à rapprocher de toutes les sanctions qui frappent nombre d’associations qui luttent contre la pauvreté ou les discriminations.
La lutte pour survivre au sida continue : réponse au jugement du 23 juin 2004
Lors du procès en première instance, les juges avaient refusé d’entendre les témoins et le président avaient publiquement déploré la présence des journalistes présents dans la salle.
Extrait du jugement rendu par la 14ème Chambre le 23 juin 2004 :
"Attendu que ces faits sont particulièrement inadmissibles car commis à l’encontre de la CROIX-ROUGE, dont l’action caritative est notoirement incontestable, par un individu qui, profitant du fait qu’il anime une émission de radio intitulée "MIGRANTS CONTRE LE SIDA", se pare, sans légitimité démontrée, de mobiles prétendument humanitaires pour se livrer en réalité à une action manifestement subversive destinée à déstabiliser les institutions sociales, étant remarqué que cet humaniste auto-proclamé n’a pas hésité, y compris à l’audience, à avaliser la teneur d’un tag qui avait été inscrit sur la façade de ce centre, à savoir : "UN PSY UNE BALLE, UN DISPENSAIRE UNE RAFALE".
"Attendu qu’en conséquence, il y a lieu de condamner Reda SADKI à 4 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 euros."
L’essentiel de l’interrogatoire des juges portait surtout sur un tag « Un psy, une balle - un dispensaire, une rafale », alors que l’instruction n’avait pas cherché à m’imputer la responsabilité de celui-ci. Le jugement affirme que j’aurai « avalisé » le tag « Un psy, une balle - un dispensaire, une rafale ». C’est faux. Je n’en suis pas l’auteur, et Migrants contre le sida ne s’est jamais permis de formuler ce genre de slogan à l’égard de qui ou quoi que ce soit. D’ailleurs, l’instruction ne m’a pas renvoyé devant le tribunal pour les tags (et n’a pas retenu contre moi les dégradations). Lors de la confrontation générale du 14 mai 2003, seule moment où il a été réellement possible de contester les mensonges de Marc Bary, directeur du Centre du Moulin-Joly, les salariés du Centre ont reconnu devant le juge d’instruction qu’ils ne pouvaient m’imputer aucune violence ou dégradation.
Cela dit, je ne doute pas de la bonne foi des militants qui ont fait ce tag, ni de leur volonté d’apporter leur solidarité à notre campagne (avec des méthodes qui ne sont pas les nôtres) pour dénoncer l’internement psychiatrique abusif d’un usager du centre, organisé par les médecins du Centre du Moulin Joly, et dont l’hospitalisation d’office a été levée immédiatement par le préfet lorsque nous l’avons saisi.
Notes
[1] Voir les Archives de la campagne de Migrants contre le sida pour mettre fin aux pratiques discriminatoires du Centre du Moulin-Joly de la Croix-Rouge Française.
[2] Tract de l’occupation du centre du Moulin Joly.
[3] Tract : action du 24 juin 1999.
[4] Centre du Moulin Joly : une enquête de la DASS.
[5] Centre du Moulin-Joly : Réponse de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales.
[6] Ni Marc Bary, directeur du centre et responsable de l’exclusion d’avril 1999, ni aucun autre salarié du centre seront présents à l’audience.