Skip to main content.

Criminalisation des séropositifs

Table ronde : les séropositifs sont-ils des criminels en puissance ?

20 octobre 2004 (lemegalodon.net)

93 Messages de forum | | Votez pour cet article

Discussion table ronde avec Maya, Kamel, Samia et Reda

Pour la première fois en France depuis le début de l’épidémie du sida, un homme vient d’être condamné par un tribunal à Strasbourg pour « administration volontaire d’une substance nuisible ayant entraîné une infirmité permanente ». Nous savons que d’autres plaintes similaires ont été déposées un peu partout en France.

Début novembre, Christophe Morat, qui est enfermé depuis sa mise en examen pour avoir transmis le virus du sida à deux femmes, comparaîtra en appel [1].

Cette condamnation concerne évidemment tous les séropositifs, mais aussi les hommes et les femmes qui partagent leurs vies.

Chaque année en France, plusieurs milliers de personnes contaminées par le virus du sida. Qui est responsable de ces contaminations ? Dans la vie d’un séropositif, la contamination est toujours une injustice. Personne ne mérite cette maladie, et personne ne l’a cherché. Au moins peut-on se mettre d’accord là-dessus.

Comment réagissez vous à la condamnation de Christophe M. ?

Nous déplorons le fait que des personnes séropositives fassent le choix d’engager des poursuites pénales contre une autre personne vivant, elle aussi, avec le VIH. Le sida est une maladie profondément injuste, parce qu’il prend pour cible d’abord les déshérités et les opprimés. C’est en s’organisant et se mobilisant collectivement que les malades et les familles confrontées à l’épidémie ont, jusqu’à présent, réussi à faire reconnaître notre droit non seulement aux soins mais à la dignité. Quelle que soit la « punition » infligée, elle ne guérira personne de l’infection à VIH. Par contre, en criminalisant la transmission du virus, elle précarisera l’ensemble des séropositifs.

Oui, mais un séropositif doit être tenu responsable de ce qu’il fait, être séropositif, ça ne donne pas tous les droits ?

Oui, les séropositifs sont pleinement responsables de leur santé et de leurs actes. Mais les séronégatifs le sont aussi. Dans une relation sexuelle consentante, il y a toujours deux personnes responsables. En tant que séropositifs ou partenaires (maris, femmes) de séropositifs, nous avons appris qu’on ne peut pas protéger les autres, on ne peut que se protéger soi-même. Les femmes séropositives ont le plus souvent été contaminées par leur mari ou conjoint, mais dans ce cas le problème posé est non pas celui de la séropositivité mais celui du pouvoir des hommes sur les femmes.

S’il y a deux personnes responsables, qu’en est-il des séronégatifs, est-ce qu’ils savent ce que ça veut dire de prendre un risque ?

Chaque semaine à l’émission Survivre au sida, auditeurs et auditrices racontent leurs difficultés au quotidien pour se protéger, voire même pour justifier de cette volonté, très souvent face à des personnes qui ne connaissent pas leur statut sérologique ou qui se présument séronégatives. Mais quels moyens, quel pouvoir social ont les séropositifs pour s’exprimer, pour faire entendre leurs préoccupations, leurs contradictions, et leurs exigences pour vivre pleinement et sainement leur sexualité ? Pour avoir envie de se protéger soi-même, encore faut-il avoir de quoi accorder de la valeur à sa propre vie. Agir de façon « responsable » présuppose qu’on a les moyens de cette responsabilité, c’est-à-dire pour un séropositif, les moyens de vivre et de se soigner dans la dignité. Veut-on faire payer aux séropositifs le prix de l’inconscience de séronégatifs « irresponsables » ?

Qu’est-ce que ce jugement change pour les séropositifs ?

Si le jugement de Strasbourg est confirmé, ou si d’autres plaintes aboutissent devant les tribunaux, cela aura pour effet de terroriser les séropositifs, dans une logique absurde qui voudrait qu’on soit moins « responsable » de sa maladie si on en est ignorant ! Ainsi, celui qui ne sera ni dépisté, ni pris en charge ne pourra pas être condamné, alors que celui qui connaît son statut, qui tente de s’occuper de sa santé, de suivre un traitement, mais qui prendrait un risque sexuel serait jugé, lui, coupable. Enfin, nous savons que ce n’est pas par la menace de l’emprisonnement qu’on mettra fin aux prises de risques sexuels, encore moins à l’injustice de l’épidémie du sida.

Merci d’écouter le débat avant de réagir dans les forums. N’oubliez pas de préciser si vous êtes concerné-e, c’est-à-dire quelle est votre proximité avec la maladie (êtes-vous séropo, proche, soignant, ou autre ?)

Notes

[1] Lire notre analyse, Pourquoi nous refusons l’enfermement de nos contaminateurs et le dossier de Survivre au sida sur la criminalisation du VIH, Criminalisation des séropositifs.

Forum de discussion: 93 Messages de forum