Tout le monde sait aujourd’hui que beaucoup d’hémophiles, mais aussi des transfusés, ont été contaminés par le VIH dans les produits sanguins gérés par les centres de transfusion sanguine sous l’égide du ministère de la santé, dès le début des années quatre-vingt.

Mais ce fait politique et tout ce qui en découle a longtemps été étouffé par une chape de plomb, nié par l’État mais aussi par certaines associations complices du moins par leur silence, et dans certains cas par les concernés eux-mêmes.

C’est à la fin des années 80 que Jean Peron-Garvanoff, président de l’Association des polytransfusés, dépose la première plainte pénale visant les responsables de la transfusion qui ont laissé le sang contaminé sur le marché même après la mise au point du test de dépistage du sida. Dans la foulée, le sang contaminé éclate sur la place publique, et il devient une affaire politique et un scandale.

Samuel Claude [1] est chirurgien dentiste et militant. Il a été de tous les combats menés par l’Association des polytransfusés et deviendra président de l’Association de défense des victimes de l’affaire du sang contaminé.

Chirurgien dentiste, il a toujours dénoncé les dangers de la contamination dentaire [2] alors que les messages de prévention se voulaient rassurants, au mépris parfois des faits ou de l’absence d’information sur la transmission du virus du sida.

Cela ne s’est pas fait sans contradiction. Alors qu’il avait soigné des lépreux (où un risque de contagion existe réellement), il prônera publiquement à la fin des années 80 — dans un climat très hostile aux malades du sida — la ségrégation des séropositifs pour les soins dentaires, au nom des mesures d’hygiène pour éviter toute contagion. De ses contradictions et de nos divergences avec lui, on en reparlera.

Militant, le docteur Claude Samuel a rejoint le combat de Jean Peron-Garvanoff et d’autres pour rendre justice aux responsables de la contamination des transfusés. C’est pour parler de ce combat que je lui ai proposé de revisiter l’histoire de cette lutte qui concerne non seulement les séropositifs d’ici, mais aussi tous ceux et celles qui ont été contaminés par le sang exporté par la France vers les pays du Maghreb, du Moyen Orient et du reste de l’Afrique [3].

Premier chapitre aujourd’hui : le virus du sida existe, mais son existence est encore inconnue pour les médecins. Par contre, alors que ceux-ci connaissent déjà le danger des hépatites, les risques de la transfusion sanguine sont ignorées [4] . Rappel, pour mémoire, avec le docteur Samuel Claude.

La semaine prochaine, on parlera avec le docteur Claude Samuel de l’arrivée du sida dans la vie des hémophiles, alors qu’il n’existe pas encore de test dépistage du sida mais par contre le risque de contamination virale est déjà bien connu mais ignoré par les responsables de la transfusion sanguine.

C’est seulement à partir du troisième chapitre, après avoir compris l’histoire du sang contaminé en France que nous aborderons l’exportation de ses produits sanguins contaminés vers les pays du Maghreb, du Moyen Orient et du reste du continent africain.