Criminalisation des séropositifs
Condamnation d’un séropositif à Strasbourg : un jugement inédit ne doit pas remettre en cause les stratégies de prévention
27 juin 2004 (AIDES)
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Le Tribunal correctionnel de Strasbourg vient de condamner à six ans d’emprisonnement un homme poursuivi pour avoir contaminé délibérément deux de ses partenaires à l’occasion de rapports sexuels.
Il ne saurait être question de nier les détresses individuelles des victimes authentiques d’une contamination volontaire par le partenaire sexuel autrefois désiré et/ou aimé. Elles doivent être entendues. C’est notamment pour cela que les victimes saisissent les juridictions pénales. Elles peuvent alors obtenir des condamnations dans les cas exceptionnels où la volonté de nuire est avérée ainsi que la trahison patente d’une confiance partagée et éclairée au sein du couple [1].
Au delà de ces cas, la condamnation pénale de ce que l’on appelle la " transmission sexuelle volontaire " ne peut entrer dans une stratégie de prévention globale. Cela aurait des effets contre-productifs graves puisque punir la contamination sexuelle reviendrait implicitement à :
faire reposer la prévention sur les seules personnes séropositives,
stigmatiser les personnes séropositives comme seuls acteurs de contamination,
renoncer à responsabiliser les individus sur la connaissance de leur statut sérologique,
renoncer à faire comprendre que le rapprochement sexuel non protégé, sur fond de reprise épidémique du sida, demeure une responsabilité partagée.
Cependant le jugement de Strasbourg a été acquis dans des conditions très particulières qui ne lui donne qu’une portée limitée au cas d’espèce :
Le jugement n’a pas grande signification car il est rendu par défaut sans que la personne condamnée n’ait pu présenter sa défense.
La personne condamnée peut faire opposition ou appel de ce jugement et un second procès en sa présence s’imposera alors.
Ce jugement, intervenant sur un cas très particulier, est acquis devant une chambre particulièrement sévère du Tribunal correctionnel de Strasbourg.
Dans un tel contexte, il faut continuer à penser avec sagesse qu’une telle condamnation ne renverse pas le fondement sur lequel est construit toute la prévention : la responsabilité des deux personnes engagées dans la relation sexuelle. Veillons à sauvegarder cette conception.
Contact presse : Olivier Arnou Laujeac, 01 41 83 46 53.
Notes
[1] Pour la première fois, l’association AIDES juge légitime et acceptable la pénalisation de la contamination par le VIH. Lire notre commentaire, Pourquoi nous refusons l’enfermement de nos contaminateurs.