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Malades étrangers

Un jeune Sud-Africain séropositif soigné depuis cinq ans en France invité à quitter le territoire

17 janvier 2004 (Le Monde)

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Act Up dénonce les décisions préfectorales concernant les malades étrangers

LA FRANCE « lui a sauvé la vie » et veut maintenant « l’envoyer vers la mort ». Garth M., jeune Sud-Africain séropositif soigné depuis cinq ans en France, vient de recevoir une invitation à quitter le territoire. Son cas est l’une des premières illustrations de la nouvelle loi Sarkozy sur l’immigration.

Ce jeune homme, beau gosse élancé de 34 ans, raconte son bout d’histoire de vie à l’ombre du sida. Il est arrivé une première fois en France en touriste, à l’été 1996, « pour voir la France ». C’est à ce moment-là qu’il rencontre son compagnon, Ludovic. Rentré au Cap où il travaille comme serveur dans un club de jazz, Garth attend les visites de son amoureux, alors salarié d’Air Liberté. Deux ans plus tard, il attrape une mauvaise tuberculose qui ne guérit pas. Les tests révéleront alors une séropositivité qui dégénère vite en maladie. « A cette époque, le seul médicament qu’on délivrait dans les hôpitaux sud-africains, c’était de l’aspirine ! », se souvient le jeune homme. Il tente de trouver des médicaments antiviraux dans les associations. En vain. « J’ai perdu 12 kg et mes CD4 [cellules immunitaires dont la norme se situe entre 400 et 500] étaient tombées à 60. » Les deux hommes décident alors de tenter le voyage vers la France pour trouver des soins adéquats.

Suivi à l’hôpital Rothschild, à Paris, Garth reste treize mois sévèrement malade et affaibli. Il est alors bénéficiaire d’un titre de séjour « vie privée et familiale » que la loi Chevènement prévoyait pour les personnes « dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité ».

Durant cinq années, son titre est renouvelé tous les six mois. Muni d’une autorisation de travail, le jeune Sud-Africain trouve sans problème des emplois saisonniers comme chef de rang au Fouquet’s, plagiste à Saint-Tropez, serveur dans plusieurs restaurants de la Côte d’Azur... Il se prend alors à espérer une installation définitive, parce que sa vie, dit-il, « est ici ».

En mai, il demande le renouvellement de son titre de séjour et en profite pour réclamer une carte de dix ans, comme la loi l’autorise. En réponse, la préfecture lui procure un récépissé valable trois mois. La visite suivante lui apprendra qu’il n’a plus droit au titre de séjour réclamé, le médecin inspecteur attaché à la préfecture de police de Paris ayant jugé son état de santé conforme à un retour en Afrique du Sud, malgré un dossier médical complet contenant notamment ses tests de séropositivité. « Le responsable du bureau des étrangers m’a expliqué que j’étais « suffisamment guéri » ! J’avais beau lui dire qu’on ne « guérit » pas du sida et que, dans mon pays, je n’aurai pas accès aux trithérapies, il m’a laissé un mois de sursis », relate Garth M. A la mi-décembre, le jeune homme a reçu une invitation à quitter le territoire.

La pratique de la préfecture semble assez systématique, selon l’association Act Up qui suit le dossier du jeune Sud-Africain. Le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, avait déjà envoyé aux préfets une circulaire en janvier 2003, décrivant des « dérives graves » et des « fraudes » dans les dossiers de demande des titres de séjour des étrangers malades et les enjoignant à être plus stricts. La loi sur l’immigration adoptée le 28 octobre est allée plus loin pour restreindre ce droit : elle prévoit que le préfet peut demander une nouvelle expertise du médecin inspecteur de santé et la réunion d’une commission médicale ad hoc. Un dispositif destiné à jeter la suspicion sur les malades étrangers, selon les associations.

Act Up entend aujourd’hui faire du cas de Garth un exemple. L’association a adressé le 24 novembre un courrier au ministre de l’intérieur « s’inquiétant des pratiques préfectorales » et demandant à être consultée pour la rédaction du décret d’application de la nouvelle loi. Un rendez-vous avec le ministre de la santé a été pris pour le 7 janvier. Garth M., « sans-papiers à 100 % », lui, se dit prêt à « foutre le bordel » pour ne plus avoir l’impression d’être en sursis.

Sylvia Zappi