Skip to main content.

Irak | Sang contaminé

La guerre en Irak fait resurgir l’affaire française du sang contaminé

8 mai 2003 (AFP)

1 Message | | Votez pour cet article

Par Sonia BAKARIC et Roméo GACAD

BAGDAD, 8 mai 2003 (AFP) - La guerre en Irak a fait resurgir l’affaire du sang contaminé, un des plus grands scandales dans l’histoire de la médecine en France au milieu des années 1980, dont des livraisons en Irak auraient été fatales à de nombreux hémophiles, selon des médecins irakiens à Bagdad.

Le gouvernement de Bagdad avait accusé en 2000 le laboratoire français Mérieux, aujourd’hui Aventis-Pasteur, d’avoir exporté du sang contaminé en Irak, et avait réclamé plus de 30 millions de dollars de dédommagements.

Dans des milieux médicaux de Bagdad, récemment libérés du régime répressif de Saddam Hussein, cette affaire est encore dans les mémoires.

Dans les locaux de l’unique centre de prévention contre le sida, Sabhan Mohamed, un hématologue, affirme que "500 flacons de facteur F8 ont été importés de France en 1986". Le facteur 8 est un médicament dérivé du sang, destiné au traitement de la forme la plus répandue d’hémophilie, qu’il soit chauffé ou non.

"Nous avons découvert durant la guerre (contre l’Iran, 1980-1988) que ces produits étaient contaminés, et nous avons cessé de les utiliser, mais de nombreux enfants hémophiles ont en reçu des doses", affirme l’hématologue.

"Nous avons recensé officiellement 180 cas de contamination par ces produits, mais il s’agit de chiffres officiels, et leur nombre pourrait être bien plus important", ajoute-t-il.

Le médecin montre une liste tamponnée par l’ancien ministère irakien de la Santé comportant les noms de 180 personnes "contaminées", et répertoriant des livraisons qui se sont étalées sur cinq ans. Le document mentionne le "laboratoire Mérieux".

"La première victime du sang contaminé français s’appelait Hassan Jassim Mohammad", selon Sabhan Mohamed. "Il avait 35 ans".

Le père d’un hémophile irakien, toujours en vie, se souvent qu’un de ses fils souffrant de cette maladie a "reçu sa première dose de facteur F8" alors qu’il n’avait que onze mois. Ce produit "venait du laboratoire français Mérieux", dit-il.

Le groupe français a indiqué à plusieurs reprises qu’il "n’avait eu connaissance à ce jour d’aucun élément permettant d’affirmer une éventuelle contamination du facteur 8 antihémophilique qu’il a mis sur le marché".

Le dernier lot, livré en février 1986, comportait 403 flacons de facteur 8. L’institut n’étant pas autorisé à prélever du sang en France, ce traitement destiné aux hémophiles avait été fabriqué à partir de plasma américain, prélevé sur des donneurs sains dans des centres agréés par les autorités sanitaires américaines, rappelle Aventis-Pasteur.

Le ministère irakien de la Santé a intenté un procès contre les laboratoires Mérieux, après la publication d’un article dans l’hebdomadaire irakien Takrit qui avait affirmé en août 2000 que 123 hémophiles irakiens avaient été contaminés à la suite de cette livraison de 1986.

Dr Karim Nada, directeur de l’unique service hospitalier en Irak traitant les malades du sida et les porteurs du HIV, à Bagdad, estime que le nombre de personnes mortes des suites de l’injection de produits anti-hémophiliques contaminés varie entre "500 et 700".

"Le virus du sida avait été découvert, mais le laboratoire français a continué à exporter du sang contaminé (...) Une commission médicale officielle (irakienne) possédait un document indiquant que le gouvernement français l’avait autorisé à exporter ce produit (le facteur F8) en Irak", affirme-t-il.

Ce que confirment trois autres médecins, dont le Dr Ali Hussain, qui ont travaillé dans ce service déserté par ses derniers patients après l’entrée des Marines à Bagdad, le 9 avril.

"Le gouvernement français était au courant, mais personne ne se souciait de l’Irak, et il se moquait des pays en voie de développement", accuse le Dr Nada.

Son établissement —Ibn Zuhur— comporte une aile spéciale où étaient traités, dans des "conditions totalitaires", selon lui, des malades du sida et des hémophiles contaminés au virus HIV.

Vivant quasiment cloîtré dans une maison à Bagdad, Bassam, un hémophile irakien de 22 ans, affirme lui aussi avoir été contaminé "par les produits Mérieux", et réclame l’aide de la France. "Ils savaient que le sang contaminé avait déjà fait des victimes en France, et ils ont exporté leur sang empoisonné chez nous", dit-il.

Forum de discussion: 1 Message