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Drogues et réduction des risques (RDR)

Repoussons les limites de la Réduction des Risques...

30 janvier 2001 (Migrants contre le sida)

PARIS, 30 janvier 2001 (Migrants contre le sida)

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Lire notre dossier : Drogues : usagers de drogue citoyens face à la surenchère sécuritaire

par Safia Soltani et Greg Serikoff

La réduction des risques, ne vous y trompez pas, est bien loin d’avoir été mise en place. Conçue au départ pour limiter les dommages d’une loi, elle en est restée prisonnière.

La première mesure d’une véritable politique de réduction des risques est d’abolir la Loi de 70. Dans le nouvel environnement ainsi crée, la RDR prend tout son sens. Elle concerne tous les usagers de produits psychoactifs. En raison de la nature même de ces produits, en raison des pratiques (modes d’administration), en raison des vulnérabilités physiques et psychologiques de chacun d’entre nous, la consommation de drogues doit être rendue possible à moindre risque.

Recherches pharmacologiques et cliniques ; information objective du grand public sur les effets utiles et agréables, les désagréments, les risques et précautions d’usage ; contrôle de la production ; analyses de produits ; substitution cohérente ; accès au matériel d’injection (mais de sniff aussi...) gratuit ; prises en charge sociales, éducatives et médico-psychologiques intégrées au système de droit commun ; voire même une pénalisation de la désinformation ; voilà quelques-unes des mesures suivantes qu’une logique de réduction des risques imposerait.

La RDR est limitée par son statut juridique, plusieurs exemples récents le montrent. Un médecin peut être poursuivi pour prescription de produits de substitution. Un juge d’instruction peut légalement ordonner des perquisitions dans un centre Méthadone et faire saisir tous les dossiers médicaux. L’anonymat de l’usager ne peut donc pas être garanti. C’est pourtant l’une des bases fondamentales de la confiance, indispensable dans une prise en charge (qu’elle soit " bas seuil " ou thérapeutique). Ce n’est qu’une illustration de plus de la contradiction permanente entre santé et répression.

La RDR est née au départ pour limiter un seul risque : la contamination par le VIH. Les résultats sont incontestablement positifs. La démarche a donc évolué, s’étendant à tous les risques liés à l’usage de drogues. Risques médicaux (hépatites, abcès, surdoses, dépendance, toxicité aiguë, neurotoxicité...), psychologiques (dépendance, troubles psychopathologiques...), sociaux (exclusion, délinquance, stigmatisation...).

C’est ce qui justifie par exemple l’arrivée de la substitution. Mais encore une fois le gouvernement s’empêtre dans des contradictions criminelles. Aujourd’hui la substitution ne soigne pas la dépendance, elle l’aggrave. Elle est l’objet de telles restrictions qu’elle maintient l’usager dans la précarité et la marginalité. Avec la mise sur le marche du Subutex(r), non injectable, les complications sanitaires se multiplient (l’injection de Subutex(r) provoque des abcès pouvant aller jusqu’à l’amputation d’un membre). Le seul risque que la substitution limite est la délinquance. La société se protège d’elle-même dans la déresponsabilisation du citoyen et une réponse sécuritaire et chimique impitoyable.

Ce qui nous motive dans l’usage de drogues est une recherche de plaisir, d’apaisement, d’identité... La substitution ne répond à aucun de ces besoins. Elle pousse l’usager vers de nouvelles pratiques et consommations. Sous substitution, soumis à de fréquents tests urinaires, l’usager consommera de l’alcool (particulièrement dangereux en cas d’hépatite), des médicaments détournés, et des drogues de synthèses aux risques mal connus, pour échapper aux sanctions. La substitution doit être revue pour permettre à l’usager une véritable démarche, volontaire et responsable, de soins ou de réinsertion.

Dans le même temps, les outils de RDR (seringues 2cc, eau de javel, acide citrique...) sont brutalement interdits de distribution, les boutiques sont fermées, les budgets associatifs sabrés, la prévention bâclée, comme si la substitution les rendait tous inutiles. Mais quel aveuglement désastreux... !

La prohibition est une peine de mort. La substitution actuelle est une arnaque.. L’analyse des produits actuelle est une escroquerie (nombre limité d’échantillons, délais consternants, pas de dosage, communication des résultats restreinte...). La classification des stupéfiants ne tient aucun compte de la réalité de l’usage, et pousse les trafiquants à la recherche de nouvelles molécules. La prison reste un lieu de non-droit médical. L’hypocrisie prévaut toujours, à coup de circulaires et de plans interministériels bidons. Les libertés constitutionnelles fondamentales sont bafouées. La loi, la police et la justice contrecarrent toujours les politiques de santé, avec pour résultat les morts, les malades, les proscrits...