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La journée mondiale de lutte contre le sida à Clichy : « Si on veut vraiment toucher les gens, faut mettre le maximum »
7 décembre 2012 (lemegalodon.net)
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Écouter: La journée mondiale de lutte contre le sida à Clichy : « Si on veut vraiment toucher les gens, faut mettre le maximum » (MP3, 3.1 Mo)
Sandra : Direction Clichy. Je vous propose d’écouter un micro trottoir et puis ensuite Yann et Patrick Atlas vont nous raconter ce qui s’est passé à Clichy pour la journée mondiale de lutte contre le sida.
Début de l’enregistrement.
Pierre : Je suis informaticien, 44 ans.
Mohamed : 45 ans, je suis chef de projet.
Mehdi : 16 ans, collégien.
Saladine : 16 ans, lycéen.
Sandra : Connaissez-vous les modes de transmission du VIH ?
Pierre : Bah ce qu’on connait c’est-à-dire transmission par le sang et essentiellement par le sang.
Mohamed : Oui. Je ne vais pas rentrer dans les détails parce que je n’aurai pas beaucoup de temps. Mais les transmissions VIH c’est des transmissions… les rapports sexuels, c’est ça ?
Mehdi : A part le sexe, rapport sexuel, non je ne vois pas.
Saladine : Pareil, non je ne connais pas trop.
Sandra : Si un membre de votre famille vous annonçait sa séropositivité, quels seraient vos premiers mots ?
Pierre : Bah je crois que je n’en aurais pas. Je crois que je serais triste.
Mohamed : C’est d’aller voir le médecin ou consulter ou aller dans des associations, je ne sais pas. C’est un peu… j’espère que ça n’arrivera pas.
Mehdi : Ah je ne sais pas du tout, je t’assure je ne sais pas du tout. Franchement je ne sais pas, je lui aurai donné des conseils mais, comme ça ne m’est jamais arrivé donc je ne vois pas vraiment comment faire.
Saladine : Bah j’aurais pleuré déjà. Bah je serais triste parce que je sais qu’il va souffrir avec ça. Il ne va pas peut-être pas survivre.
Fin de l’enregistrement.
Sandra : Un micro trottoir qui évidemment n’est pas représentatif de la population de Clichy mais c’est ce genre de réponses qu’on peut entendre. Alors que pensez-vous des réponses de ces 4 personnes ?
Patrick Atlas : Je pense qu’on reconnait un petit peu la difficulté de parler de sexualité tout simplement. On sent que la personne va dire oui, les relations sexuelles ou le sperme. Mais ils ne parlent que du sang. Ce serait très étonnant qu’ils ne sachent pas qu’effectivement d’autres liquides corporels, comme on les appelle, mais pas tous heureusement. Tout le monde pense à la salive mais enfin, j’espère que c’est bien entrer en tête que la salive n’est pas porteur de virus. En revanche d’autres sécrétions, les sécrétions vaginales aussi, ça c’est peut-être moins connu. On a l’impression que la transmission homme/femme est évidente et que l’autre transmission n’existe pas. Mais ce n’est pas le cas. Une femme peut aussi transmettre par ses sécrétions. Donc il y a toujours cette ignorance ou cette réticence effectivement à penser, imaginer ce type de transmission.
Yann : Ce qui est frappant aussi c’est qu’on n’a pas le réflexe immédiat, on n’entend pas dans les personnes interviewées, le réflexe immédiat de l’élan disant je vais le prendre dans mes bras, je vais lui dire qu’il peut effectivement vivre comme tout le monde en prenant un traitement qui maintenant n’a plus les mêmes effets indésirables. Mais bon je parle comme quelqu’un aussi qui connait bien l’histoire. La première chose à faire ce serait de prendre la personne dans les bras et puis de la réconforter d’une manière tactile. Faut savoir aussi que quand on apprend cette dramatique annonce, on se sent un petit peu sali quoi. On se dit les autres ne vont plus vouloir vraiment me toucher ou voilà, je représente quelque chose de contagieux. C’est très difficile à gérer.
Sandra : A Clichy, qu’est-ce qui s’est passé pour le 1er décembre ? Qu’est-ce qui était organisé ? Yann, tu nous en avais parlé du coup je vais donner la parole à Patrick Atlas. Donc vous, vous faisiez partie des organisateurs de l’événement ?
Patrick Atlas : Oui alors je dirai comme tous les ans, donc moi ça fait 3 ans que je suis à Clichy. Ca fait le 4ème 1er décembre auquel je participe. Et tous les ans le maire insiste pour qu’il y ait une action qui soit organisée. Je pense que le maire était sensibilisé puisqu’il a connu beaucoup de personnes dans leur entourage qui avaient été atteintes et qui en sont décédées à l’époque. Puisque dans les années 90 malheureusement c’était le décès à coup sûr dans les mois, rarement dans les années qui suivaient l’annonce de la séropositivité. D’ailleurs à l’époque comme il n’y avait pas de test c’était plus les maladies opportunistes qui déclaraient la maladie. Les infections opportunistes c’est ça qui tuaient les malades. Donc je pense qu’étant sensibilisé, il veut marquer le coup comme tous les 1er décembre. Cette association, il y a une association qui s’appelle Clichy sport culture et discrimination qui nous a proposé un programme je dirai, pas clé en main mais disons avec un certain nombre d’action, des stands. J’ai dit ok donc la ville va s’occuper de la logistique puisque nous on a tout ce qu’il faut pour installer des stands. Il y a un camion dans la ville qui est chauffé qui peut servir pour des actions de ce type-là. On y a organisé d’ailleurs le premier test rapide en dehors de l’hôpital Beaujon parce qu’il le font à l’hôpital Beaujon, on a permis qu’il soit proposé, organisé, sur le parvis de la mairie.
Sandra : Est-ce que tout ça, ça a attiré du monde ?
Patrick Atlas : Je dirai malheureusement, j’ai l’impression que c’est tellement banalisé que quoiqu’on puisse faire, ce n’est pas la première année, les autres années aussi, quoiqu’on puisse faire, les autres années c’était plutôt du spectacle avec des artistes amateurs ou des comédiens, des interventions de médecins...
Yann : Des témoignages.
Patrick Atlas : Des témoignages. Le Comité des familles c’est la troisième année qu’ils viennent nous voir. Donc je dois les remercier parce qu’effectivement ce sont des témoignages précieux. Malheureusement on remarque que la fréquentation de ces manifestations n’est pas à la hauteur de ce qu’on aimerait vu le temps passé pour organiser tout ça. Il faut quand même s’y prendre plusieurs mois à l’avance. Est-ce que c’est le désintérêt ? Est-ce que le message a du mal à passer ? C’est vrai que Clichy est une ville qui organise beaucoup de manifestations sur différentes thématiques…
Sandra : Alors, Yann, es-tu d’accord avec Patrick Atlas, est-ce que tu penses que c’est parce que les gens ne s’intéressent pas au VIH que pas grand monde n’est venu vous voir au stand ?
Yann : On peut dire pleins de choses. On peut dire qu’il faisait froid, on peut dire que… mais moi ce que je retiens surtout c’est que la politique de l’emplacement des stands était très mal réfléchie. Nous étions dans une petite allée qui accédait directement à la mairie. Donc dans un jardin un petit peu intérieur. Comme si on n’était un petit peu montré mais il n’y avait pas une vraie envie d’être vu. Quand on fait du dépistage rapide, je crois qu’il faut vraiment aller vers les gens parce que ce n’est pas évident. Leur rappeler qu’ils peuvent avoir un accompagnement après et tout ça. Faut qu’il y ait une vraie dynamique. J’avais le cul un peu entre deux chaises parce que je sais l’investissement qu’à le docteur Atlas sur toutes les questions par rapport au VIH tout ça. Alors on a vécu des choses incroyables. Par exemple un mariage hindou qui est passé devant nous alors qu’il y avait des préservatifs masculins, féminins enfin… et qu’on a tous applaudis en disant vive les mariés ! Mais on n’a pas eu une fréquentation qui méritait le fait qu’il y ait autant de déplacements, qu’il y ait autant de bénévoles. Je ne perds pas espoir mais c’est vrai que, ce qu’il faut dire c’est que quand on met en place un dépistage comme ça il faut mettre aussi les gens qui ont envie d’aller choper les personnes dans la rue. Ce n’est pas un viol mais c’est leur rappeler que c’est maintenant ou jamais vu que ça peut se faire dans l’après-midi, ils peuvent avoir le résultat immédiatement. Une vraie énergie quoi.
Patrick Atlas : Bien, j’entends. Ce n’est pas facile d’organiser des choses dehors. Ca nécessite une…
Yann : Faut nous appeler quand il y a une petite enveloppe, faut nous appeler on va donner du temps, des humains.
Patrick Atlas : Oui, ça je n’en doute pas. Quand il s’agit de mobiliser, je n’ai jamais eu de soucis. Je dois dire qu’effectivement les personnes concernées sont disponibles. En plus vous êtes dans le 19ème, Clichy, font traverser un petit peu Paris pour venir nous voir. Faut savoir qu’au niveau logistique, ce n’est pas forcément toujours évident d’organiser des choses sur la place publique. Là, le parvis, on a l’avantage qu’il suffit de demander, c’est plus facile et c’est pour ça que ce lieu est privilégié. D’ailleurs on fait d’autres actions etc. C’est vrai que ce n’est pas complètement sur la voie publique. Mais en même temps, je ne suis pas sûr quelque soit l’endroit, je ne suis pas sûr que la foule viendrait. Je pense qu’il faut envisager le test d’une façon un peu différente, plutôt cibler d’emblée les populations qui elles ne déplaceraient pas pour faire un test comme par exemple, on a un foyer de travailleurs migrants. On y organise régulièrement du dépistage hypertension etc. Je pense qu’effectivement les gens viendraient même s’ils sont à 200 m du centre de santé, je ne les vois pas passer pour venir faire un test de dépistage.
Yann : Il y a eu une distribution dans la ville ? Des articles comme quoi ce jour-là, cette journée particulière où on pouvait se faire dépister ? Parce qu’il n’y avait pas vraiment d’affiche à la sortie du métro, vous voyez ce que je veux dire.
Patrick Atlas : Effectivement ça c’est une petite problématique de communication…
Sandra : Même à la mairie. Quand je suis arrivée, j’ai vu une affiche de l’AFM pour le Téléthon. Alors on n’est pas contre le Téléthon. D’ailleurs l’émission Survivre au sida soutient le Téléthon. C’est le 7 et 8 décembre. Mais, il n’y avait pas d’affiche journée mondiale de lutte contre le sida. On ne savait pas ce qui se passait en fait. Donc si on ne rentrait pas vraiment dans le parc de la mairie, on ne savait pas ce qui se passait.
Patrick Atlas : Là malheureusement, je ne maîtrise pas cette partie de la communication, c’est un autre service. Nous on transmet effectivement les messages. Ensuite le service communication choisit les moyens de faire passer l’information et à ce niveau-là, il n’y a pas d’action supplémentaire pour imposer que l’information passe ou pas. Le service communication de la ville est un service qui est extrêmement sollicité. Comme je vous le disais tout à l’heure, il y a beaucoup de manifestations. Ensuite, est-ce qu’il y a des problèmes de validations ? Je ne sais pas…
Sandra : Donc peut-être pour le prochain 1er décembre, alors voir, Yann a donné quelques conseils. Peut-être que pour le prochain, si les membres du Comité des familles veulent toujours participer à Clichy, on pourra faire autre chose…
Yann : La fidélité, c’est important de continuer de travailler avec le docteur Atlas, avec Clichy. Nous on a toujours d’abord été intéressé par les banlieues avant Paris capitale même. Donc c’est sûr mais après avec une vraie dynamique. Autrement on continue à inviter des gens dans une thématique qui est spectacle à l’intérieur, et là c’est encore différent. Mais si on veut vraiment toucher les gens à l’extérieur faut mettre le maximum, faut mettre le paquet.
Patrick Atlas : Juste une précision. Le 1er décembre chez nous c’est tout le temps. Nous avons un CDAG dont la fréquentation augmente d’années en années. Je crois que c’est un petit peu général et les CDAG d’Ile-de-France, ce que nous dit l’ARS (Agence régionale de santé), constate que la fréquentation augmente. Donc du coup ça oblige aussi à demander à l’ARS un effort supplémentaire pour financer nos centres. Il y a des actions qui sont faites par les professionnels qui participent au fonctionnement du CDAG dans les collèges et les lycées toute l’année. Bien entendu j’ai bien envie de m’y prendre longtemps à l’avance. Faut savoir longtemps c’est quoi, 6 mois, 1 an ? Il faut qu’on s’y mette déjà demain pour dire qu’est-ce qu’on fait ? Mais l’idée est lancée. Je crois qu’effectivement à force de rencontrer un certain nombre de partenaires je dirai, de personnes impliquées, on va bien finir par trouver un moyen.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE