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Mère et fils témoignent de l’affaire du sang contaminé (3/4) : L’annonce de la séropositivité
18 juillet 2012 (papamamanbebe.net)
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Sandra : La première fois que vous avez entendu parler du VIH, c’était quand et où ?
Cédric : Moi c’est quand on me l’a annoncé. J’avais 11 ans. 11 ou 12 ans. C’est vrai que sur le coup je n’ai pas réalisé, j’étais trop petit encore.
Josiane : Moi je l’ai su en 1985. Justement j’étais en train de faire un régime pour avoir ma fille. Ma fille aînée. Parce qu’en entre temps, j’ai eu une grossesse d’un autre garçon hémophile qu’on ne voulait pas garder. Qu’on n’a pas gardé disons. On estimait que c’était trop... on ne voulait pas deux enfants hémophiles. Après j’ai entamé un régime pour avoir ma fille et ça faisait 14 mois de régime et je me rappelle, c’était au mois d’août 1985, j’ai reçu la lettre de Montpellier qui nous apprenait que Cédric était séropositif. Donc ma première réaction a été de dire, j’arrête mon régime, je ne veux plus être enceinte. Donc j’ai dit j’attends la fin du mois et puis je reprendrai ma pilule. Et en fait j’étais enceinte ce mois-là. Donc bah j’ai quand même eu ma fille aînée. J’ai dit tu as fait assez de sacrifice question régime quoi. J’ai dit non, tu es enceinte, tu le gardes. J’avais déjà eu une grossesse d’un garçon hémophile interrompu, j’ai dit tu la gardes. Donc quand j’ai su que c’était une fille, j’étais encore doublement contente. Parce que bien sûr malgré tout le régime ne fait pas tout. Ca peut très bien être un garçon. Ce n’est pas du 100% sûr quoi. Ma première réaction c’était de dire, bon j’arrête le régime, je ne veux plus de bébé.
Sandra : L’annonce du VIH c’était par courrier alors ? On ne vous a pas appelé ?
Josiane : Non. Il me semble que c’était par courrier oui. Je sais qu’on rentrait de vacances et on a trouvé ça.
Sandra : C’est vous qui l’avez annoncé à votre fils ?
Josiane : Oui mais finalement je crois que j’ai trop tardé à lui dire parce qu’après j’avais du mal à lui en parler. Je lui ai transmis une angoisse il me semble dans mes paroles parce que, l’hémophilie je lui ai annoncé en grandissant, petit à petit, j’ai dit : « bon il y a des choses que tu ne dois pas faire parce que tu es hémophile ». Mais du fait d’attendre, je crois qu’il ne faut pas attendre quand on apprend des choses comme ça. En fait il faut les dire de suite carrément avec nos propres mots, ils comprennent mieux. Là le fait d’attendre ça m’a angoissée pour lui annoncer. Et je l’ai angoissé aussi.
Cédric : A l’époque...
Josiane : Tu n’as pas réalisé.
Cédric : Bah non voilà. Je n’avais pas encore assez de vécu pour comprendre la chose.
Sandra : A l’annonce de la séropositivité de votre fils, comment ça s’est passé ? Je suppose que vous avez dû voir un médecin tout de suite ? Les relations avec les médecins, comment c’étaient ?
Josiane : On a écouté les médecins. De toute façon, on ne s’est pas mis en colère. On a dit c’est comme ça. C’est vrai que j’étais du genre un peu, je me dis il nous arrive ça, c’est un problème mais il faut le surmonter. Il faut vivre avec et faudra vivre avec et puis bon, avec cette peur au ventre, faudra vivre avec et essayer de continuer à tenir le coup. Du moins pour l’enfant et puis pour, à l’époque il y avait ma fille à venir aussi et puis bon pour les autres quoi. On a vu les médecins, ça allait à peu près bien à l’époque. Donc il a commencé en fait un traitement, il avait 15 ou 16 ans. C’était tard, parce que déjà tu le refusais, tu l’as refusé pendant 2 ou 3 ans le traitement. Mais là c’était lui. Lui ne voulait pas être traité. Finalement il a accepté.
Cédric : Quand j’ai vu mes défenses qui commençaient à descendre, je n’étais pas en forme aussi, je me suis dit bon maintenant tu es quand même assez grand, faudrait que tu commences à te traiter parce que sinon ton avenir, tu n’en auras pas du tout. C’est là que j’ai commencé à le prendre.
Sandra : Le premier traitement que vous avez pris c’était quoi ?
Cédric : Il me semble que c’était AZT et Rétrovir (L’AZT est vendu sous le nom de marque Rétrovir ndlr)
Josiane : Oui.
Sandra : Et comment ça s’est passé pour vous cette première prise de traitement ?
Josiane : Bien quand même. Ca n’a pas été trop...
Cédric : Oui c’était quand même contraignant. Comme c’est vrai que je n’avais pas envie de me soigner, je prenais ça plus comme une contrainte que comme un truc pour me sauver parce qu’à l’époque moi je me sentais bien, je ne me sentais pas malade donc c’est pour ça aussi quelque part que j’ai refusé le traitement parce que je me suis dit prendre des cachets pour rien.
Sandra : Il y avait beaucoup de cachets à prendre ?
Cédric : L’AZT c’était un et demi, un comprimé et demi et le Rétrovir c’était une gélule. Je crois que c’était deux fois par jour.
Josiane : Oui. Ils voulaient lui mettre la trithérapie mais il a refusé, comme il ne voulait pas prendre trop de cachets, on lui avait mis une bithérapie et bon le traitement quand même marchait, plus ou moins. En revanche il avait eu un problème avec ses plaquettes. En fait c’était le sida qui mangeait les plaquettes, le HIV. On l’a opéré de la rate et c’est à la suite de ça qu’il a eu son traitement, après les plaquettes continuaient à baisser quand même.
Sandra : J’ai un peu de mal à comprendre en fait, comment le VIH/Sida mange les plaquettes ?
Josiane : Ca a baissé les plaquettes, ça les a vraiment diminué. Il était tombé à 20 000 plaquettes alors qu’il en faut 150 000.
Cédric : La rate ne fonctionnait plus très bien.
Josiane : Voilà.
Cédric : Et en fait la rate mangeait les plaquettes donc il a fallu l’enlever et avec le complément de l’AZT et du Rétrovir, ça a fait remonter les plaquettes. Il n’y avait pas que le sida qui était responsable de la perte des plaquettes.
Sandra : Le premier traitement VIH c’était en quelle année ?
Cédric : C’était en 1995 je crois.
Josiane : Peut-être un peu avant non ? 1994 peut-être.
Cédric : Oui, 1994.
Sandra : Comment vous avez vécu l’arrivée des trithérapies ?
Josiane : J’ai dit s’ils mettent ça en place c’est qu’il y a quand même des chances. Donc moi mon fils n’allait pas plus mal. Donc je me disais autant qu’il le prenne quoi. Bon vu qu’il ne voulait pas prendre ce traitement... On a essayé de le persuader mais il n’y avait pas moyen quoi. J’étais bien contente quoi, j’ai dit c’est une bonne chose. Enfin un traitement qui apparemment peut sauver des vies. Et puis j’avais la chance d’avoir toujours mon fils. J’ai toujours pensé aux enfants qui étaient décédés avant.
Cédric : La trithérapie ça doit faire maintenant 5 ou 6 ans que je la prends parce que je suis sous Norvir, Reyataz et Truvada. Et depuis que j’ai ce traitement, mon virus il est totalement au repos, il n’y a plus aucun risque qui se développe pour l’instant. Tant que le traitement fait bien effet, je n’ai plus aucun risque que la maladie se déclare.
Sandra : Votre charge virale est indétectable c’est ça ?
Cédric : Voilà c’est ça. Ca fait que ça m’a enlevé une grosse angoisse.
Josiane : Disons qu’il y a l’hépatite C. C’est vrai qu’on ne l’a pas signalé, on ne l’a pas mis, ma fille m’a dit je ne pense pas que ça vienne de là, mais il y a l’hépatite C en plus quoi aussi.
Sandra : Il a l’hépatite C aussi ?
Josiane : Ah oui. Ma fille m’a dit je ne pense pas que ça vienne du sang contaminé mais il a l’hépatite C aussi. Mais il n’est pas traité pour non plus.
Cédric : Pas pour l’instant.
Josiane : Pas pour l’instant.
Cédric : Mais avec mon docteur on a parlé d’avoir un traitement contre l’hépatite C, qui guérit complètement l’hépatite C. Mais ce serait un traitement assez lourd moralement et physiquement à supporter.
Josiane : Cédric est quand même quelqu’un de moralement fragile. Déjà il a peur de vivre seul.
Sandra : Qu’est-ce que le VIH a changé dans votre vie ?
Josiane : Il y a eu plus de visites à l’hôpital disons. On a été moins sévère avec Cédric, on lui a passé beaucoup plus de choses. C’est vrai qu’on a été indemnisé. Il y avait un juge des tutelles mais bon. Il voulait ça, on demandait au juge des tutelles si c’était accordé, parce qu’on ne savait pas combien de temps il allait vivre. C’est vrai que ça a changé beaucoup de choses. On était plus souple. On n’avait pas envie de trop le freiner, parce qu’on disait si on le perd un jour, on regrettera tout ce qu’on a fait.
Cédric : Vu que j’ai été vachement surprotégé du coup j’étais un peu naïf et tout. Quand j’ai eu mes 18 ans, j’ai eu l’âge de profiter de mes sous. Donc c’est vrai que j’en ai pas mal dépensé. Bon après il y a des gens qui ont profité de moi vu que j’étais naïf. A l’heure actuelle c’est vrai que je regrette certaines choses mais on ne pourra pas revenir en arrière. C’est vrai que je ne voulais pas écouter non plus. J’étais têtu et puis voilà, ça a changé que je ne vais pas pouvoir faire mes enfants correctement, va falloir que j’aille dans un laboratoire pour qu’on surveille les éjaculations. Ma femme va être inséminée. Tout ça c’est assez compliqué. Après j’ai eu la chance de trouver une copine compréhensive, elle est prête à vivre tout ça avec moi. Mais sinon après, sur ce niveau-là, ça a provoqué quand même pas mal de rejet par rapport aux filles.
Sandra : Quand on est séropositif, il est possible de faire des enfants de manière naturelle (cela nécessite la prise d’un traitement efficace ndlr), c’est-à-dire sans passer par des laboratoires. Est-ce que l’hémophilie ça joue là-dessus ou pas ?
Cédric : L’hémophilie je sais que si j’ai des garçons, ils ne seront pas hémophiles. Mais en revanche, si j’ai des filles, elles pourront transmettre la maladie de l’hémophilie.
Josiane : Elles seront conductrices.
Cédric : Voilà, elles seront conductrices de l’hémophilie.
Josiane : C’est un x malade de l’hémophile.
Cédric : En fait c’est une dégénérescence chromosomique.
Josiane : La femme elle transmet à deux x et l’homme xy. Si la femme transmet au garçon son x malade, l’enfant est hémophile. Et si le garçon a transmis son...
Cédric : x malade à la fille...
Josiane : La fille sera conductrice.
Cédric : Mais comme mon y est sain, mon garçon n’aura rien.
Sandra : Donc que vous passiez par un laboratoire ou pas, ça ne changera rien pour l’hémophilie.
Cédric : Non pour l’hémophilie ça ne changera rien du tout.
Sandra : Donc vous me disiez que vous avez choisi avec votre compagne de, si vous avez un enfant, vous passerez par l’AMP (Assistance médicale à la procréation) c’est ça ?
Cédric : Je ne sais pas comment ça se déroule parce que je ne me suis pas encore renseigné comme il faut. Mais je pense que c’est le mieux vu que nous sans examen du sperme, on ne sait pas quelle éjaculation va être non contaminée.
Sandra : Je vous invite à consulter le site papamamanbebe.net où on parle de ça, comment faire un bébé quand on est séropositif. Il n’y a pas que l’AMP. Parlez-en avec votre médecin, c’est le mieux.
Josiane : Je ne savais même pas qu’on pouvait... Si, c’est vrai qu’on peut les faire par voie naturelle normalement mais le problème c’est que je crois que l’enfant il faut qu’il soit traité parce que j’ai une amie, la maman de ma filleule qui est séropositive, quand elle a attendu sa fille, bon elle a été soumise a des examens un peu particulier. Et puis la petite a été traitée pendant quelques temps. Jusqu’à ces 3 ans, on n’a pas pu dire si elle serait séropositive ou pas quand même.
Sandra : Si je comprends bien, avec votre copine vous avez choisi des rapports protégés par le préservatif ?
Cédric : Ah oui oui tout à fait. Je me sentirais trop malade de lui donner quelque chose. D’ailleurs avec une de mes ex-copine, il y a eu des accidents de préservatif, les deux fois où c’est arrivé j’ai pleuré toute la nuit tellement que c’était dur à supporter, la peur de lui avoir donné quelque chose.
Sandra : Et ça vous en parlez avec votre médecin ?
Cédric : Oui oui. Quand les accidents sont arrivés avec mon ex-copine, de suite je l’ai amenée à l’hôpital. Enfin d’abord j’ai appelé pour savoir ce qu’il fallait faire la première fois. On m’a dit faut que vous l’amenez de suite à l’hôpital qu’on lui fasse les tests, qu’on lui donne des cachets pour prévenir. Et ça c’était pendant 3 mois. Tous les mois il fallait qu’elle fasse une prise de sang et qu’elle prenne des cachets. Après on en a reparlé avec des médecins mais ils nous ont dit si c’est pris au bon moment, il n’y a pas de problème. D’ailleurs elle n’a jamais rien eu. Peut-être parce qu’on s’y est pris à temps ou parce qu’à chaque fois on est tombé sur des éjaculations saines. Quand c’est arrivé les accidents avec mon ex-copine, je ne prenais pas encore la trithérapie. C’était encore un peu le moment où je refusais de me soigner vraiment.
Sandra : Depuis que vous prenez votre traitement, est-ce que votre médecin vous a expliqué un peu comment ça se passe au niveau des relations sexuelles ?
Cédric : Non pas vraiment, on parle de surtout comment vont évoluer les traitements. C’est vrai qu’après on ne parle pas trop de ma copine. Parce que moi comme je sais pas mal de choses, j’ai pratiquement tout expliqué à ma copine et si elle a des questions à me poser, si moi je ne peux pas y répondre, quand je revois mon médecin, moi je la pose à mon médecin et j’explique à ma copine.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE
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