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Deux séropositifs pour décortiquer l’avis français sur la PrEP (3/4) : À quand l’arrêt de l’essai Ipergay ?
13 juin 2012 (papamamanbebe.net)
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Écouter: Deux séropositifs pour décortiquer l’avis français sur la PrEP (3/4) : À quand l’arrêt de l’essai Ipergay ? (MP3, 4.4 Mo)
Sandra : Ipergay est un essai pour les homosexuels séronégatifs. Il s’agit pour eux, de prendre un comprimé de Truvada avant le rapport sexuel et après le rapport sexuel. Jeudi 7 juin, Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS (Agence nationale de recherche scientifique contre le sida et les hépatites), a lancé une consultation ayant pour objet de décider l’arrêt de l’essai clinique Ipergay. L’émission Survivre au sida rappelle que les consultations précédentes ont démontré la non représentativité du comité associatif indépendant qui sera sollicité. Les difficultés de recrutement des participants et les vives polémiques suscitées en témoignent. L’émission Survivre au sida demande à l’ANRS d’inclure toutes les populations dans cette consultation, et pas uniquement celle à qui l’essai Ipergay était réservé. Enfin, Survivre au sida appelle l’ANRS à assurer que les essais concernant la PreP répondent aux besoins de toutes les populations, sans discriminations. L’essai Ipergay suscite beaucoup d’interrogations, des critiques, que Jean-Michel Molina semble ne plus supporter ou accepter. Je vous propose de l’écouter, il était présent lundi 11 juin lors de cette conférence.
Début du son.
Jean-Michel Molina : J’entends dire que l’essai va être arrêté. Je me porte en faux contre tout ça. Encore une fois, faire de la recherche clinique, c’est contraignant pour les participants. Aujourd’hui, nous avons 90 personnes qui participent à l’essai qui démarré il y a seulement trois mois. Donc je crois que les objectifs que nous avions fixé en terme d’inclusion dans cette étude sont largement remplis aujourd’hui. Moi j’en ai un peu assez que tous les mois, je doive expliquer les données, le nombre de patients inclus dans l’essai, comme si on suivait ça au jour le jour. D’ailleurs, c’est la dernière fois que je donne des chiffres sur cette étude parce que tous les 15 jours, on nous demande où vous en êtes. Laissons-nous travailler. Je crois que, pour les participants qui sont dans l’étude aujourd’hui, pour la très grande majorité d’entre eux, ils sont très satisfaits de participer à cette recherche. Pourquoi ? Parce que, ce n’est pas seulement l’évaluation de la PrEP que nous faisons, mais c’est une prise en charge de leur santé sexuelle, ce qui pourrait peut-être un jour idéalement être proposé de façon générale hors étude, parce que les gens sont dépistés vis à vis de leurs IST (Infection sexuellement transmissible) même s’ils n’ont pas de symptômes. C’est important en terme de réduction de risques de contamination du VIH. On leur donne des préservatifs gratuitement. Ils ont des conseils sur leur conduite à risque. Donc il y a tout un accompagnement avec des gens qui sont spécialisés pour maintenir un lien. Vous parliez tout à l’heure de la fréquence des visites, il y a malheureusement un certain nombre de personnes dans l’étude qui s’avéraient être contaminés sans le savoir, parce qu’ils ont voulu participer à l’étude, ce qui est normal. On s’aperçoit que les tests de dépistage qu’on utilise, malheureusement, ne détectent pas les primo infections. On le savait déjà, donc il faut tester les gens régulièrement de façon rapprochée pour ne pas prescrire le traitement à des personnes en phase de primo-infection. Moi, je suis plutôt satisfait de la vitesse de recrutement actuellement. Malgré les polémiques qu’il y a autour de cet essai, qui à mon avis sont contre productives, surtout que ce que nous cherchons à faire, c’est de favoriser effectivement la réduction des risques, pas seulement du VIH mais des IST dans cette étude. Donc je crois que, au contraire il faut encourager les personnes à participer parce que ces points pourraient être une garantie de protection, en tout cas de réduction d’un risque. Encore une fois, jusqu’à présent, c’est un point également important dans les essais, c’est de regarder combien de personnes abandonnent l’essai en cours de route, et pour l’instant, on n’a pas eu d’abandon. Et ça c’était pour moi un point très important c’est que, les gens qui ont commencé à participer, restent dans l’étude parce qu’elles y trouvent, j’allais dire leur intérêt, et une fois qu’elles ont fait la démarche, qu’elles participent à l’étude, elles se rendent compte que finalement, les prises en charge pour leur santé sexuelle c’est sécurisant. On pourra voir comment vont évoluer les choses dans les mois qui viennent bien évidemment. Il y a beaucoup d’intérêt en tout cas, en dehors de la France, sur cette étude. On verra si on arrive à l’implanter dans d’autres pays européens. On est bloqué par des problèmes de budgets. La question qui se pose en France c’est évidemment une question qui se pose largement au niveau européen et au niveau international, je crois qu’on a besoin des réponses de l’essai Ipergay sur l’efficacité de la PrEP. Est-ce que, véritablement, on peut reproduire en Europe des résultats d’études qui ont été obtenus essentiellement en Amérique du Sud, où l’accès au traitement post-exposition n’existe pas, où l’accompagnement n’est pas le même, où il n’y a pas de dépistage des IST systématique. Donc est-ce que dans ce contexte, la PrEP apporte un bénéfice additionnel, c’est la question à laquelle on cherche à répondre dans l’essai Ipergay et j’espère qu’on pourra y répondre. Mais pour ça, il faut que, lorsque l’on parle de l’étude, on en parle plutôt positivement, plutôt qu’à chaque fois négativement, parce que d’abord faire de la recherche c’est difficile. Des recherches en prévention c’est encore plus difficile parce qu’il y a des problèmes de comportement évidemment qui jouent un rôle majeur. Et c’est pour ça qu’on a besoin de ce type de recherches, quand on analyse d’ailleurs les comportements dans les études, il y a une vraie incertitude là-dessus. Qu’est-ce que donnera la PrEP si elle est disponible, je veux dire en dehors des essais ? Jusqu’à présent, toutes les données viennent d’essais. Quel sera le comportement des gens ? Est-ce qu’il peut y avoir un risque de multiplier les rapports, y compris sans préservatifs, lorsque la PrEP sera disponible ? Dans les enquêtes, les messages sont assez, je ne sais pas si on peut employer le terme d’inquiétants, mais en tout cas, méritent d’être entendus. Un certain nombre de personnes disant que, si la PrEP est disponible, ils vont avoir peut-être la pression de leur partenaire de ne plus utiliser le préservatif. Ce n’est pas une surprise. Ça mérite d’être dit parce qu’il faut l’entendre aussi. Donc je crois que tous ces éléments-là, il faut les prendre en compte pour qu’on évalue ça le mieux possible. C’est notre rôle et notre mission dans cet essai, c’est d’apporter des éléments scientifiques en sachant qu’il y a des difficultés qui restent.
Fin du son.
Sandra : Jean-Michel Molina qui est infectiologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris et qui est aussi investigateur principal de l’essai Ipergay. Pour les auditeurs qui souhaitent avoir plus d’informations sur l’essai Ipergay, ils peuvent aller sur le site survivreausida.net où il y a un dossier très complet.
Sandra : N’y a-t-il pas un paradoxe entre l’essai Ipergay et les recommandations du Conseil national du sida ? Puisque, le groupe d’expert recommande la prise du truvada en prévention pour les homosexuels en continu et l’essai Ipergay est un essai qui teste la PrEP à la demande, donc c’est-à-dire prendre un comprimé de Truvada à chaque rapport sexuel, avant le rapport et après. Ecoutons Willy Rozenbaum sur ce point :
Début du son.
Willy Rozenbaum : Je crois qu’il faut donner le goût aux gens de s’intéresser à leur santé sexuelle. C’est ça l’enjeu. Sinon, on se dit la prévention ça ne sert à rien, on ne fait plus rien. Quand on fait la promotion du préservatif, on ne demande pas aux gens, est-ce que vous avez envie d’utiliser un préservatif ? On fait la promotion du préservatif. Moi je dis, c’est un produit d’appel parmi d’autres pour donner une alternative. On est dans une philosophie me semble-t-il où on considère que les gens aiment choisir, que pour l’instant on ne leur a pas donné le choix. Très peu donné le choix. C’est une question je dirai vraiment philosophique, est-ce que de donner du choix aux gens va permettre de faire bouger les lignes qui finalement, ne bougent pas beaucoup.
Fin du son.
Ali : Ça va finir par être accepté par la commission et la population homosexuelle qui pourra accéder à la PrEP y accédera par les moyens qui leur seront proposés. Soit parce qu’ils auront de l’argent, soit parce que ce sera remboursable en parti. Peu importe. Le plus malheureux c’est que, ça sera généralisé dans une partie de la population homosexuelle et en revanche chez les hétérosexuels alors que c’est pour d’autres raisons, ce n’est pas pour améliorer la sexualité, c’est pour diminuer justement le risque de contamination comme ils prétendent que logiquement c’est fait. Et là, concernant les hétérosexuels, ça sera au cas par cas, comme ils l’ont dit eux-même. Donc il y a une contradiction, un paradoxe. Pourquoi ce serait systématique pour les homosexuels, ça finira par l’être, et pourquoi pour les hétérosexuels, ça sera provisoire, parce que ce sera à prendre pendant la période où le couple aura décidé d’avoir un enfant mais ça sera au cas par cas. Ça ne s’explique pas, c’est simplement, ils prêchent pour leur paroisse.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE Correction : Selma MIHOUBI