Skip to main content.

Ali dit « Samy » | Bruno Spire | Dépistage du VIH | Homosexualité | Reda Sadki | Sexe et sexualité | Tina | Yann

Bruno Spire, président de AIDES : les homosexuels sont « prioritaires » parce qu’ils sont « différents des autres groupes »

6 juin 2012 (papamamanbebe.net)

| Votez pour cet article

Sandra : Je vous propose d’écouter un micro trottoir sur la sexualité de monsieur et madame tout le monde.

Début du son.

Claudia : Parisiennne d’adoption, 43 ans à Paris et j’ai 63 ans.

Selma : Célibataire ou mariée ?

Claudia : Célibataire.

Selma : La dernière fois que vous avez fait l’amour, c’était quand ?

Claudia : 2010.

Selma : À part le préservatif, est-ce que vous connaissez un autre moyen pour se protéger d’une contamination VIH ?

Claudia : L’abstinence (rires). Ce que j’ai pratiqué pas mal depuis 10 ans. Mais bon, j’ai eu des rapports il y a 2 ans sans protection.

Selma : À quand remonte votre dernier test pour dépister le virus du sida ?

Claudia : En 2004.

Selma : Combien de temps aviez-vous attendu le résultat du test ?

Claudia : Maximum 15 jours. Même pas, 10 jours. C’est rapide.

Selma : Si à l’époque on vous avait proposé de savoir sur le champ, c’est-à-dire en 30 minutes, le résultat, est-ce que vous auriez été d’accord ?

Claudia : Bah j’ai hésité. J’ai même fait prendre les résultats par une collègue au centre de santé de mon travail. Je reconnais c’est angoissant. L’attente. Parfois ça fait peur oui. Mais la peur n’évite pas le danger.

Selma : Si vous pouviez choisir entre mettre un préservatif et un médicament pour vous protéger du virus du sida ?

Claudia : Je ne préfère pas les médicaments. Sauf si c’est vraiment quelque chose qui a fait ses preuves. Mais sinon ça fait peur un peu aussi. Les médicaments qui ne sont pas sûrs, la preuve, il y a eu des problèmes dernièrement avec les laboratoires.

Carole : 37 ans et je suis en formation pour être monitrice d’auto-école.

Delphine : 33 ans, assistante commerciale.

Selma : Vous êtes célibataires ou mariées ?

Carole : Célibataire.

Delphine : Célibataire.

Selma : La dernière fois que vous avez fait l’amour c’était quand ?

Carole : Il y a on va dire 15 jours.

Delphine : 1 mois.

Selma : Avec ou sans préservatif ?

Carole : On va dire la vérité, nous on est lesbiennes on va dire. Donc...

Delphine : Il n’y a pas de préservatif.

Carole : Donc il n’y a pas de préservatif.

Selma : À part le préservatif, est-ce que vous connaissez un autre moyen pour se protéger d’une contamination VIH ?

Carole : Il y a le préservatif féminin, il n’y a pas 15 000 trucs quoi.

Delphine : Faire des tests, une fois qu’on est vraiment dans la relation avec quelqu’un.

Selma : À quand remonte votre dernier test pour dépister le virus du sida ?

Carole : C’était il y a à peu près je pense 6 mois ou 7 mois.

Delphine : Moi bien 1 an.

Selma : Combien de temps avez-vous attendu pour le résultat du test ?

Carole : Oh c’était rapide. Au bout de, je ne sais pas, 15 jours.

Delphine : En fait c’est le lendemain maintenant. Moi j’ai eu le résultat le lendemain. On peut même avoir dans la même journée maintenant. Depuis déjà un petit moment.

Selma : Si on vous avez proposé de savoir sur le champ, donc en une demi-heure le résultat, vous auriez été d’accord ?

Carole : Oui, oui, complètement.

Selma : Si vous pouviez choisir entre mettre un préservatif et prendre un médicament pour vous protéger du VIH, que choisiriez vous ? Capote ou médicament ?

Carole : Médicament je pense.

Delphine : Je ne sais pas parce que les médicament il y a tellement d’effets secondaires en même temps. Est-ce qu’on est sûr que ça agisse tout de suite ? Par exemple, dans un autre registre, la pilule il y a beaucoup de femmes qui tombent enceinte même quand elles prennent régulièrement la pilule. Donc est-ce qu’on est sûr vraiment à 100%, est-ce qu’il n’y a pas un délai d’attente ? Je ne sais pas.

Selma : Vous, ce médicament existe mais les médecins vous le prescriront uniquement si vous êtes homosexuels. Ça vous intéresse ?

Carole : Personnellement je pense que ça peut être intéressant parce que les gens qui mettent des préservatifs à un moment donné ils ont envie de passer un petit peu à autre chose. Donc le fait de prendre une pilule, un médicament ou autre... après je pense que ça a un coût aussi. Mais pour moi, je pense que c’est intéressant.

Jean-Louis : Je suis retraité, j’ai 65 ans.

Selma : Célibataire ou marié ?

Jean-Louis : Marié.

Selma : La dernière fois que vous avez fait l’amour c’était quand ?

Jean-Louis : Il y a une semaine avec ma femme.

Selma : Avec ou sans préservatif ?

Jean-Louis : Sans.

Selma : À quand remonte votre dernier test pour dépister le virus du sida ?

Jean-Louis : Je n’ai jamais fait de test parce que j’en n’avais pas l’utilité étant donné que je suis marié et que je suis fidèle, je n’ai pas besoin de me protéger.

Selma : Si jamais on vous proposait de faire un test et que vous pouviez avoir le résultat sur le champ, c’est-à-dire en 30 minutes, vous seriez d’accord ?

Jean-Louis : Non parce que ça ne m’intéresse pas.

Selma : Si vous pouviez choisir entre prendre un médicament et utiliser le préservatif pour vous protéger contre le virus, vous choisiriez quoi ?

Jean-Louis : Si j’avais besoin de me protéger, je prendrais le préservatif parce que de manière générale les médicaments ont des effets indirects, nocifs en général et que j’essaye d’éviter les médicaments quand je n’ai pas besoin d’en prendre.

Jean-Pierre : 23 ans, jardinier.

Selma : Vous êtes célibataire ou marié ?

Jean-Pierre : Marié.

Selma : La dernière fois que vous avez fait l’amour c’était quand ?

Jean-Pierre : Ce matin.

Selma : Avec ou sans préservatif ?

Jean-Pierre : Sans.

Selma : À quand remonte votre dernier test pour dépister le virus du sida ?

Jean-Pierre : Oh une bonne quinzaine d’années.

Selma : Combien de temps aviez-vous attendu à l’époque le résultat du test ?

Jean-Pierre : Pas longtemps, une semaine.

Selma : Si on vous avait proposé de savoir sur le champ, c’est-à-dire en 30 minutes, vous auriez été d’accord ?

Jean-Pierre : Bien sûr. Si je fais un test justement c’est pour connaître le résultat donc autant l’avoir tout de suite.

Selma : Si vous pouviez choisir entre mettre un préservatif et prendre un médicament pour vous protéger du virus, vous choisiriez la capote ou le médicament ?

Jean-Pierre : Peut-être le médicament. C’est moins dérangeant.

Selma : Ce médicament existe actuellement mais les médecins français vous le prescriront uniquement si vous êtes homosexuel.

Jean-Pierre : Ah bon ? Drôle d’idée. Pourquoi ? Il y a une raison ? Pour pas que ça crève c’est ça ? Parce que ça crève plus souvent chez les homosexuels, la capote ? Je trouve ça assez débile, on va dire, de ne le prescrire qu’aux homosexuels. Je trouve ça très bête mais bon. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ne le mettent pas parce que ça les dérange, et du coup s’exposent à un certain danger. Peut-être que s’ils avaient le médicament, du coup, ils ne le mettraient pas quand même mais au moins ils auraient un peu de prévention. Je trouve ça très curieux. Je ne savais même pas qu’il y avait un médicament d’ailleurs.

Amine : J’ai 25 ans et je suis chauffeur livreur.

Selma : Vous êtes célibataire ou marié ?

Amine : Célibataire.

Selma : La dernière fois que vous avez fait l’amour c’était quand ?

Amine : Samedi.

Selma : Avec ou sans préservatif ?

Amine : Sans.

Selma : A part le préservatif, est-ce que vous connaissez un autre moyen pour se protéger du VIH ?

Amine : Non.

Selma : À quand remonte votre dernier test pour dépister le virus du sida ?

Amine : Je n’en ai pas encore fait. Jamais. Je ne sais pas. La peur peut-être de la bad news (ndlr mauvaise nouvelle) (rires).

Selma : Si jamais vous faisiez un test et qu’on vous proposait de savoir le résultat sur le champ en une demi-heure, vous en penseriez quoi ?

Amine : Si c’est négatif tant mieux tout de suite. Si c’est positif pourquoi tout de suite ? Plus tard tu vois, le temps que le cerveau se prépare psychologiquement. Non après c’est mieux d’être prévenu de ce genre de maladies si on les a parce qu’après, on peut les refiler à quelqu’un d’autre. Et là, ce n’est pas intéressant du tout. C’est même dangereux et on joue avec la vie des autres.

Selma : Si vous pouviez choisir entre mettre un préservatif et prendre un médicament pour vous protéger, vous choisiriez la capote ou le médicament ?

Amine : Le médicament parce que c’est mieux sans.

Selma : Actuellement ce médicament existe mais les médecins français vous le prescriront uniquement si vous êtes homosexuel, ça vous intéresse toujours ?

Amine : Non, c’est bon, la capote c’est mieux (rires).

Fin du son.

Sandra : Micro trottoir réalisé dans le 19ème arrondissement de Paris.

Début du son.

« Aujourd’hui on a tous une arme pour en finir avec le sida : une goutte de sang au bout du doigt et 30 minutes suffisent pour un dépistage. Si on le fait tous, c’est le sida qui disparaît. »

Fin du son.

Sandra : Ça, c’est la voix de l’acteur français Omar Sy qui a participé à la nouvelle campagne de Aides pour promouvoir le dépistage rapide. Une question pour l’équipe radio : Présentez-vous aux auditeurs de l’émission Survivre au sida, et dites-nous que pensez-vous de ce slogan ?

Yann : Bonjour à tous, 47 ans, séropositif depuis 1990. Je trouve que c’est une très belle avancée effectivement. Je ne suis pas très au courant mais si ça peut être ouvert à tout le monde, hétérosexuels, bisexuels, transexuels, homosexuels, les gens pourront faire leur choix.

Tina : Bonjour, j’ai 35 ans, séropositive depuis 10 ans et en couple sérodifférent. Je pense que c’est bien d’informer le grand public sur cette possibilité de faire un test rapide en 30 minutes. Je ne sais pas comment ça se passe pour l’accessibilité à ce test. Où est-ce qu’on peut le faire en 30 minutes ? Est-ce que c’est dans les hôpitaux ou dans les CDAG ? Moi je connais des personnes dans mon entourage qui l’ont fait et ce n’était pas un test rapide. Donc je ne sais vraiment pas où est-ce que c’est possible de le faire en 30 minutes. Je pense que c’est dans les antennes de Aides. Mais peut-être que Bruno Spire pourra nous en dire plus. Sinon je pense sur le slogan que c’est bien mais que ce n’est qu’une moitié du message. Ce n’est pas avec ça qu’on donnera envie aux gens de se faire dépister parce que le dépistage fait peur. Je pense qu’à côté faut donner des messages sur ce que c’est la vie avec le VIH aujourd’hui sans vouloir faire peur, donner les vrais messages sur comment on vit avec le VIH aujourd’hui, pour que ce soit complémentaire et que ça encourage les gens à se faire dépister.

Ali : 50 ans, co-infecté VIH/VHC depuis 1983. Tout ce qui va dans le sens, par rapport à Aides, une des premières associations qui s’est préoccupée des personnes vivant avec le VIH, je considère que oui, les nouveaux médicaments ça apporte. À la base moi j’ai trouvé ça intéressant dans le sens où des couples sérodifférents pouvaient avoir des enfants, voire des couples séropositifs. Maintenant je viens d’apprendre que les médecins prescrivent essentiellement aux homosexuels mais j’avais déjà entendu certains témoignages à la télévision de jeunes qui disaient, qui avaient une quinzaine, une vingtaine de partenaires dans le week-end donc ils faisaient fréquemment des tests et justement, vu que ce médicament est sorti il y a peu de temps, beaucoup de gens se sont dits, probablement, que peut-être certains vont arrêter leur traitement et utiliser ce fameux médicament, cette fameuse molécule uniquement pour avoir des satisfactions dans leur sexualité et être moins pénalisés. Ça peut aller dans tous les sens. En revanche, par rapport à Aides, sans aucune homophobie, je considère que depuis que cette association existe, pour avoir travaillé avec eux quand je travaillais dans une autre association, là je suis simple militant, je n’ai pas le sentiment que, depuis que le VIH existe, qu’ils se sont préoccupés de la situation de toutes les personnes vivant avec le VIH.

Sandra : Le dépistage rapide a commencé chez les homosexuels. Un projet que Aides a mis en place. En janvier 2009, Bruno Spire annonçait que ces tests seraient rapidement mis à disposition des autres populations. Trois ans et demi plus tard sont-ils toujours réservés aux homosexuels ? « Bienvenue sur le site de la prévention et du dépistage communautaire du VIH/Sida », annonce le site de l’association AIDES aujourd’hui. On a le sentiment que le dépistage communautaire est devenu un dépistage communautariste. Bruno Spire, vous aviez déclaré le 13 janvier 2009 sur cette antenne : « On est en train de travailler, c’est notre priorité pour 2009 sur un projet de dépistage rapide auprès des migrants ». Que s’est-il passé ?

Bruno Spire : Alors aujourd’hui on a du dépistage rapide à Aides quelles que soient les populations, qui ne sont pas simplement pour les hommes homosexuels, même si ça reste une priorité parce que c’est dans ce groupe qu’il y a le plus aujourd’hui de nouvelles contaminations. Donc les besoins de dépistage et de prévention sont particulièrement importants. Je vous rappelle que...

Reda : C’est faux. Il y a plus d’hétérosexuels qui ont été dépistés séropositifs que d’homosexuels, quelque soit sur les 10 dernières années, c’est une constante.

Bruno Spire : Oui, mais dépister c’est une chose, en terme de nouvelles contaminations, c’est autre chose. Moi je parle des nouvelles contaminations et on est, dans le groupe homosexuel, 200 fois plus élevé que la population générale en terme de risque d’attraper le VIH.

Reda : Vu que la population homosexuelle est la plus dépistée, ce que vous dites n’a pas de sens et en fait en mélangeant... entre prévalence et le nombre de personnes réellement touchées...

Bruno Spire : C’est un article dans le New England Journal of Medicine.

Reda : Vous minorez les besoins des personnes hétérosexuelles qui vivent avec le VIH ou qui ont appris leur diagnostic.

Bruno Spire : Alors, si je ne peux pas terminer ce que je suis en train de dire et que je suis interrompu toutes les deux minutes, ça ne va pas être possible. Donc déjà, première chose. La deuxième chose c’est qu’il n’est bien sûr pas question de se limiter qu’aux homosexuelles. Je dis simplement, parce que je sens bien que c’est toujours ici une espèce d’obsession, que pourquoi on s’occupe particulièrement en terme de prévention au niveau des hommes homosexuels, parce qu’il y a, en terme de besoin de prévention et de dépistage, ils sont différents des autres groupes. Ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas dans les autres groupes, et qu’aujourd’hui, Aides dans ses différentes actions, a intégré les tests de dépistage rapide au sein des différentes actions qui sont proposées par les militants. D’ailleurs, on est en train d’évaluer les actions qu’on mène par groupe de population, on en a chez les hétérosexuels migrants ou non, on en a chez des consommateurs de produits psycho-actifs, pour la plupart hétérosexuels. Donc, il y a un certain nombre de groupes dans lesquels on fait des actions. Mais bien entendu, quand on va aller faire du dépistage dans le marais, là on va cibler les hommes homosexuels, quand on va aller dans nos Caarud pour proposer du dépistage rapide, ça va être plutôt auprès des usagers de drogues. La recherche a commencé avec les hommes homosexuels, et le développement des actions aujourd’hui se fait sur l’ensemble des groupes les plus séroconcernés, que sont également les migrants et les usagers de drogues. On est d’ailleurs en train de travailler aussi avec des médecins, c’est un rapprochement qu’on a eu avec Willy Rozenbaum pour essayer de voir si dans certains lieux, pas mal fréquentés par les migrants, notamment les centres de vaccinations, on est en train de mettre en place des actions de dépistage rapide pour voir s’il y a une bonne acceptabilité, si quelque chose est possible dans ces centres de vaccination, de proposer des tests de dépistage rapide aux migrants qui viennent se faire vacciner. Donc on n’est pas focalisé sur la partie dépistage rapide. Aujourd’hui on n’est plus focalisé que sur les homosexuels comme ça la été en 2009, parce que là, on était dans un cadre extrêmement restreint, qui était la recherche bio-médicale où on avait une population bien définie. Donc maintenant, on a vraiment étendu le dépistage rapide à toutes les populations. En même temps, nous on n’est pas un centre de dépistage. Les gens ne viennent pas comme ça, on est une association. Association communautaire. Donc c’est dans nos actions qu’on mène vers les gens qu’on peut être amené à proposer du dépistage.

Ali : En quoi c’est une obsession que d’avoir constaté, en ce qui me concerne, depuis l’existence des associations, en l’occurrence au tout début Aides et Act-up, qui étaient les premiers concernés. J’ai bien précisé que, en tant qu’usager de droguer par voie intra-veineuse, j’avais lu article venant des Etats-Unis disant que, ce qu’ils appelaient à l’époque le cancer gay, bon ils n’avaient pas de nom au début mais au tout début ils ont appelé ça cancer gay, il y avait 85% d’homosexuels et 15% de toxicomanes. Quand j’ai appris qu’un copain à moi toxicomane était séropositif et qu’on était un groupe à se partager les seringues, j’ai tout de suite compris que j’étais concerné. Et en quoi c’est une obsession que de dire depuis que, au-delà de l’histoire du sang contaminé, du sang qui était prélevé aux détenus en prison et qui n’était pas comme dans les pays anglosaxons débarrassé du virus, les rhésus mélangés, enfin bref, ce qui a engendré l’histoire du sang contaminé, mais en quoi c’est un obsession que de dire que depuis que des fonds sont récoltés, que des ateliers, les chercheurs, tout le monde se penche sur le problème, en quoi c’est une obsession que de dire qu’il y a eu une différence énorme de traitement tant au niveau des budgets, que des locaux, essentiellement... je ne dirai pas la population homosexuelle dans son ensemble mais Aides ou Act-up et tout ça, les gens que j’ai croisé, j’ai toujours eu le sentiment, et quasiment le constat, que ces gens-là ne prêchaient que pour leur paroisse. Et ce n’est pas une obsession. C’est un constat que j’ai fait depuis des années.

Reda : J’ai juste une question pour Bruno Spire en fait. Combien de personnes hétérosexuelles ont fait le dépistage rapide chez Aides depuis janvier 2009 et combien de personnes homosexuelles ? Juste un chiffre...

Bruno Spire : Je n’ai pas les chiffres.

Reda : Pour voir si réellement, enfin un nombre à peu près équivalent de personnes qui ont été accueillies et ont eu la possibilité de faire ce dépistage rapide. Une deuxième question, quels sont les moyens alloués à ces deux populations, c’est-à-dire combien d’actions spécifiques ? Où sont les brochures, les affiches, le site internet qui s’adresse aux hétérosexuels pour les informer du dépistage rapide. Moi je n’ai pas vu. Mais peut-être qu’ils existent et ils m’ont échappé.

Bruno Spire : Je ne peux pas répondre à toutes les questions en même temps. Pour ça je n’ai pas les chiffres. Je pourrai te les transmettre. On est en train d’analyser les premiers chiffres par groupe de population. Encore une fois pour les supports de communication, ils sont généralistes, c’est dans nos actions. L’idée ce n’est pas de se transformer en service de dépistage, c’est d’utiliser le dépistage comme un outil au sein des différentes actions. Donc quand on va faire une action auprès des migrants, on va dans certains cas pouvoir proposer du dépistage, comme on en fait vers les gays, comme on peut en faire. On a peu d’actions en population générale, parce que ce n’est pas là notre orientation, il y a d’autres associations qui font ça. Ce n’est pas la priorité pour Aides de faire de la prévention en population générale, parce que l’épidémie est très faible en population générale et qu’on préfère cibler les usagers de drogues, les migrants et les hommes homosexuels. Ce sont les groupes qui sont prioritaires.

Pour revenir aux usagers de drogues, je voudrais quand même rappeler, parce que ce sont des choses qu’on ne dit quand même pas suffisamment. En ce moment, il y a un projet pilote, enfin expérimental que mène Aides sur l’éducation à l’injection safe pour éviter les transmissions du VIH et du VHC, d’accompagnement par les pairs, par les usagers de drogues, pour apprendre à shooter propre. On ne peut pas dire que c’est un projet pour les gays.

Ali : Ça ne date pas d’hier.

Bruno Spire : Ça ne date pas d’hier ? Si ça date... qu’on ait un projet de recherche qui permette d’évaluer, pour voir si effectivement ça marche, et qu’il faut développer l’éducation dans un contexte extrêmement hostile aux usagers de drogues, un projet qui permettrait de montrer que, quand ce sont les usagers de drogues qui apprennent à leurs pairs de shooter le plus propre possible, notamment pour le VHC parce qu’il ne suffit pas d’une seringue, faut que ce soit vraiment un shoot hyper propre, oui, on a monté un projet qu’on fait avec des chercheurs à l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites) pour essayer de montrer qu’on pourrait réduire le risque de transmission du VHC par l’éducation par les pairs. Donc ça, c’est quand même important. Je voudrais aussi rappeller qu’on a été, y compris avec Act-up et notamment Pierre Chappard qui était président à l’époque, sur le plaidoyer pour les salles de consommation supervisées et qu’on ne lâchera pas, et qu’on va profiter du changement de gouvernement pour dire maintenant ça suffit, la politique de la Mildt (la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) qui, jusqu’à présent, a été extrêmement le tout répression, il faut aller plus loin dans la réduction des risques, faut quand même un peu remettre les choses en place. Aides a été quand même leader sur les politiques de réduction des risques, qui, aujourd’hui, ont permis l’accès à la méthadone, au subutex et aux seringues. Mais on n’est pas assez loin. Faut aller plus loin. Faut être comme en Suisse, les salles de consommation sont supervisées, les programmes d’héroïne médicalisés. Le problème d’échange de seringue en prison, c’est un scandale et que Aides dénonce depuis des années. Moi je ne peux pas entendre dire que sur la question des usagers de drogues, on ne dit rien, qu’on ne fait rien. On a suffisamment d’usagers de drogues qui sont aujourd’hui des militants de Aides, on a suffisamment de programmes dans le Caarud d’usagers de drogues qui sont militants de Aides de dire que, on ne s’intéresse qu’aux homosexuels et qu’on ne s’intéresse pas aux usagers de drogues, ça c’est totalement faux.

Ali : Moi, je vous dis simplement, c’est qu’il y a rien de novateur. Parce que depuis que les seringues ont été mises en vente libre, il y avait quand même des gens qui avaient pris des initiatives, dont des chefs de service de maladies infectieuses et autres. J’ai travaillé avec eux, d’abord bénévolement, et ensuite j’ai été employé. Et il y avait l’échange de seringue, accès aux soins et autres. Tout le monde sait que ça a chuté dès que les seringues ont été mises en vente libre. En ce qui me concerne, durant toutes ces années, je n’ai pas vu où, même les réunions auxquelles j’ai participé avec les équipes de Aides, que ce soit sur Paris ou dans le 93, ces sujets-là n’étaient pas abordés. Et pour l’heure en l’occurrence, ce ne sont pas les usagers de drogues la population la plus à risque, comme vous le disiez tout à l’heure. Il y a une augmentation éventuellement chez les homosexuels, mais il y a aussi malheureusement de plus en plus d’hétérosexuels qui le sont, et qui ne se font pas dépister. En tout cas, il y en a très peu qui osent se faire dépister.

Reda : Personne ne dit que Aides ne fait rien sur la question de l’usage de drogues par exemple. J’espère bien qu’avec 450 salariés vous faites quelque chose sur l’usage de drogues. Je pense que ce qu’on dit sur la question du dépistage rapide, c’est qu’il me semble qu’il y a une disproportion entre l’effort alloué à une population et les autres populations, dont les besoins existent bel et bien et les personnes existent bel et bien, contrairement à ce que vous avez dit le nombre d’hétérosexuels dépistés l’année dernière est supérieur au nombre d’homosexuels. Maintenant, ce n’est pas une querelle de chiffres. Ce serait ridicule. Mais je suis obligé d’avoir recours à cet argument-là, uniquement parce que vous mentez, parce que vous prétendez qu’il y a plus d’homosexuels dépistés en une année que d’hétérosexuels, et ce n’est pas vrai. C’est faux. Donc quand j’entends des affirmations fausses, je réagis vivement. Est-ce une obsession seulement dans la mesure où ce mensonge est récurrent ? Et je suis obligé, depuis plusieurs années, de faire le même rectificatif. Alors qu’on puisse continuer à utiliser un mensonge qui confond prévalence et nombre de personnes réellement touchées quand on est une association de patients, quand on se dit association de patients, ça me choque.

Bruno Spire : Alors bon, je ne sais pas pourquoi il faut toujours m’insulter en me traitant de menteur ou prendre des propos de ce type-là. Moi je veux bien qu’il y ait un débat entre nous, un débat scientifique. Mais si c’est pour dire que nous mentons, se traiter de menteur voire pire, je ne vois pas du coup l’intérêt du débat. Ceci entre parenthèse, moi je ne traite personne ni de menteur, ni quoique ce soit. J’essaye d’établir des faits. Quand je dis que c’est 200 fois plus élevé chez les hommes homosexuels, il s’agit bien d’incidence. C’est-à-dire de nouvelles contaminations. Ce qui ne veut pas dire que, chez les hétérosexuels, il n’y a pas de gens séropositifs qui ignorent leur statut, il faut les dépister bien entendu. Simplement, chez les hommes homosexuels, et c’est pour ça qu’il y a un besoin de dépistage important, c’est qu’il y a une exposition au risque qui est beaucoup plus fréquente. Ce qui explique pourquoi l’incidence est plus élevée et qu’il y a un besoin de dépistage répété. Pour faire les choses de façon assez caricaturale, disons en population générale, là où on trouve des personnes séropositives, c’est souvent des gens qui ont attrapé le VIH, je ne dirai pas par accident mais sans avoir eu la moindre conscience du risque et du coup, découvrent leur séropositivité extrêmement tard après. Donc ce sont des besoins de dépistage de type rattrapage. Alors que, chez les hommes homosexuels, c’est un besoin de dépistage répété pour que le plus vite possible, si les gens se sont infectés, on dépiste bien sûr dans l’intérêt individuel, ça c’est le cas de tout le monde. Mais aussi dans l’intérêt de santé publique, puisque c’est une population qui risque de rencontrer plus facilement d’autres personnes et de les infecter en se comportant en séronégatif, alors que les personnes sont déjà infectées. Donc c’est pour cette raison-là que ce ne sont pas exactement les mêmes besoins. Chez les hommes homosexuels, faut répéter, répéter, répéter. Alors que chez les hétérosexuels, faut rattraper ceux qui auraient, dans leur vie il y a plus longtemps, été en contact, puis aucun risque après mais déjà infectés. Donc ce n’est pas exactement la même problématique. Ce qui explique pourquoi on met aussi beaucoup d’efforts chez les hommes homosexuels. Je ne sais pas les chiffres exactement, on est en train de les analyser. Mais on a bien conscience qu’il y a ces deux volets-là, et que d’ailleurs, la Haute autorité de santé qui avait rendu des avis sur le dépistage a tenu compte de ces deux volets-là, auxquels nous on a participé pour donner nos avis en disant, il y a le pilier dépistage populations qui sont très exposées dans lequel il faut diversifier. Et c’est l’intérêt du dépistage rapide pour que les personnes puissent faire le test le plus facilement possible et des situations pour la population générale où il faut pouvoir rattraper. Et c’est pour ça qu’on a demandé par exemple, enfin la Haute autorité de santé a demandé, à ce que les médecins généralistes puissent prescrire le test au moins une fois dans la vie à toute la population française. Au moins une fois par an pour des personnes qui sont multipartenaires. Solution qui n’a toujours pas été appliquée par les médecins généralistes parce que, paraît-il, ça pose trop de problèmes.

Ali : Vu comment le virus a évolué depuis le début des années 90, certes il y a les chiffres que je vous avais cité tout à l’heure d’un article américain, 85% d’homosexuels, 15% de toxicomanes. Les choses ont beaucoup évolué et en mal. Mais au jour d’aujourd’hui, comment se fait-il que malgré des actions menées par des tas d’autres associations, dans les budgets justement, si on prend un chiffre tout simple, on dit que les personnes infectées par le VIH, il y a 50% d’homosexuels, 50% d’hétérosexuels, en incluant femmes, enfants, hommes. Jusqu’à présent, on voit qu’il y a une, mais vraiment en ce qui concerne les budgets, il y a vraiment une distorsion, une différence phénoménale. Les moyens ne sont pas les mêmes pour les uns que pour les autres.

Reda : Sur 2010, il y a eu 3400 hétérosexuels qui ont appris leur séropositivité, et 2700 homosexuels. 2700 et 3400 c’est-à-dire 700 personnes de plus côté hétérosexuel que côté homosexuel, ce qui n’est pas ce que Bruno Spire a dit. Donc juste une précision factuelle qui peut facilement être vérifiée dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire.

Bruno Spire : Je ne parle pas des nouveaux cas de dépistage. Je parle de nouveaux cas de contamination, ce qui n’est pas la même chose. Quand on a un nouveau dépistage, ce n’est pas forcément une nouvelle contamination. C’est quelqu’un qui a pu se contaminer il y a très longtemps. Donc quand on dit qu’il y a 200 fois plus élevé chez les homosexuels, ce sont les nouvelles contaminations récentes, nouvelles infections.

Reda : Non. Ce n’est pas 200 fois plus de contamination chez les homosexuels, c’est le risque de contamination lors d’un rapport sexuel. Donc il faut arrêter de tout mélanger pour grossir la perception que les besoins, et quand bien même tout ce que vous dites serait vrai, ça ne justifierait pas de faire passer les besoin de santé d’une population avant les autres. Nous ce qu’on réclame, c’est un traitement égalitaire de toutes les populations quelles qu’elles soient et quand vous dites population généraliste et que Aides ne sert pas la population généraliste, ça révèle un biais qui renvoie au début de l’histoire de l’épidémie. Je ne souhaite pas polémiquer là-dessus puisqu’on a d’autres sujets à discuter. Mais il faut que la démagogie autour de l’épidémiologie où on se sert des chiffres, il faut que cela cesse.

Tina : Il y a une chose qui m’a aussi étonnée je dois dire. Tout à l’heure dans ce que vous avez dit Bruno Spire c’est que, j’ai cru comprendre que quand on n’est pas homosexuel, usager de drogues ou migrant en fait, Aides n’est pas là pour vous ,qu’on soit séropositif ou disons séronégatif ou ne connaissant pas son statut. Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre, que Aides a comme priorité les homosexuels, comme deuxième priorité les migrants et les usagers de drogues. Mais si on n’est pas dans l’une de ces deux catégories, Aides n’est pas là pour vous, ni en prévention, ni en tant que personne séropositive. Alors que, je pense, que le grand public pense que Aides c’est l’association, soit pour les homosexuels et pour tout le monde. Donc j’ai été extrêmement étonnée en fait.

Bruno Spire : On priorise les actions dans ces groupes-là. Il y a des gens qui franchissent la porte de Aides et qui ne sont pas dans ces groupes-là, et on ne va pas les mettre dehors bien entendu. Il y en a qui sont d’ailleurs des militants. Et puis les messages de plaidoyer qu’on porte, ils concernent tout le monde. Mais en même temps, la priorité des actions qu’on choisit, qui nous demande un certain nombre de moyens, elle est en fonction des priorités de santé publique, là où l’épidémie est la plus importante dans ces groupes-là. Il y a d’autres association qui sont plus ciblées généralistes, qui vont faire de l’éducation dans les lycées, chez les jeunes etc. C’est leur objet associatif. Nous, on ne peut pas tout faire. On a fait ce choix-là. On n’est pas un service public. On est une association communautaire. Ce sont ces groupes-là qui sont mobilisés dans Aides et qui définissent la priorité des actions. Ce n’est pas moi qui ai décidé qu’on fasse ça ou ça comme ça. Ce sont les personnes qui viennent et qui décident des priorités politiques qu’on doit mener en terme de priorité d’action. Ca ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire chez les jeunes, il faut rien faire en population générale. Mais il y a d’autres associations pour ça. On ne se prétend pas faire l’exhaustivité de tout ce qu’il faut faire en terme de lutte contre le sida. On a fait, nous, le choix des populations qui sont les plus prioritaires, qui sont d’ailleurs celles qui sont dans le plan national, qui sont de l’analyse de spécialistes en terme de santé publique, qui disent que ça, il faut le faire en priorité parce qu’on va se retrouver, on est dans une épidémie concentrée. On n’est pas en Afrique du sud où le sida touche tout le monde de la même façon. Moi je le dis, je le réexplique et je le dirai tout le temps, je caricature un peu pour bien faire comprendre mais aujourd’hui, une dame de 85 ans qui vit dans un couvent dans la Creuse, elle n’a pas le même risque d’attraper le VIH qu’un jeune homosexuel du Marais. Et donc forcément, il y a des actions qui sont plus prioritaires que d’autres. Ça ne veut pas dire que si, par hasard, quelqu’un croise notre chemin nous demandera quelque chose, on va le jeter. Parce qu’on fait plus se rencontrer ces personnes-là que d’autres. Ça ne veut pas dire qu’on méprise ceux qui ne sont pas dans les groupes qu’on cible, bien entendu.

Reda : Ce que dit Bruno Spire est très important parce qu’on comprend un peu mieux par quelle logique en fait, on retrouve après dans le vécu des personnes qui s’adressent à son association, ce qui est ressenti comme une discrimination. Pour beaucoup de personnes, qui ne font pas parti des publics prioritaires, des actions se retrouvent en fait secondaires en terme de soutien, en terme de réponse aux besoins. Donc au moins là, on comprend par quel mécanisme. Donc ce n’est pas que Bruno Spire ou son association est méchante. Mais c’est qu’elle s’inscrit dans une logique qui fait qu’effectivement, comme l’a dit Tina, si on n’est pas population prioritaire, on se retrouve en deuxième ligne.

Tina : C’est aussi vraiment renvoyer vers des extrémités presque un peu cliché. Je veux dire il y a autre chose que la femme de 85 ans dans sa banlieue ou dans sa campagne retirée. Ça me choque un peu. Je veux dire, tout le monde peut avoir une sexualité épanouie. C’est dessiner le monde en blanc et noir. C’est un peu choquant comme image, c’est ce que je ressens personnellement.

Transcription : Sandra JEAN-PIERRE