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En Bretagne, à l’hôpital, on ne mélange pas les bébés nés de mères séropositives avec les autres
9 novembre 2011 (lemegalodon.net)
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Écouter: En Bretagne, à l’hôpital, on ne mélange pas les bébés nés de mères séropositives. Loane, raconte son expérience (MP3, 4.7 Mo)
Sandra : On va discuter avec Loane, qui est la nouvelle correspondante du Comité des familles, association créée et gérée pour et par des familles concernées par le VIH. Alors Loane, peux-tu nous dire comment tu as connu le Comité des familles et puis l’émission aussi. C’est par l’émission d’abord ou c’est par le Comité des familles ?
Loane : En fait, j’étais en train de tapoter sur l’ordinateur, vivre avec le HIV, des choses comme ça. Je suis tombée en fait sur le site. Et puis, il y avait des liens de radios. Donc j’ai écouté. De là, un jour, j’ai dit, je prends mon téléphone et il faut que je pose une question parce qu’ils ont l’air bien plus au courant que moi ces gens-là, ou il y a des questions que je pose et on ne me répond pas chez moi. Donc j’ai pris mon téléphone, et puis j’ai appelé et puis voilà, c’est parti comme ça.
Sandra : Avec quelles questions ? La première question que tu as posé quand tu as appelé, c’était quoi ?
Loane : C’était par rapport à un protocole qui existait à l’hôpital où j’ai accouché de deux premiers, de toute façon les trois, je vais accoucher dans le même. Il y a des protocoles qui sont faits par rapport aux nouveaux nés, par rapport aux maladies infectieuses, de ne pas les mettre avec les autres enfants. Par exemple le soir, à la nurserie, quand on a une césarienne, des choses comme ça. C’est des protocoles dûs aux maladies infectieuses, et, je voulais savoir, si à Paris, ça se faisait aussi ce genre de choses.
Sandra : Parce que toi, tu viens de la Bretagne.
Loane : Oui, voilà.
Sandra : Et donc, est-ce que tu peux nous raconter, comment ça s’est passé pour toi pour ton premier enfant ?
Loane : Alors, pour ma première fille, j’avais 18 ans. Elle est née en 2000. Donc j’ai eu une césarienne, parce que, par doute, on a fait une césarienne. Le premier soir, ma fille, comme après la césarienne, j’étais bloquée, perfusée, sonde urinaire, tout ce qui va. Et le soir, ma fille pleurait. Et en fait logiquement, le premier soir d’une césarienne, on prend l’enfant, pour pouvoir soulager la mère. On l’a prend en nurserie. Donc moi, ils sont venus me dire directement : ce n’est pas la peine de nous demander, parce que, votre enfant, est considéré comme avec une maladie infectieuse. Donc, on ne peut pas le mélanger avec les autres enfants. Donc, vous devez le garder dans votre chambre. Donc, je ne pouvais absolument pas m’occuper de ma fille. Juste l’entendre pleurer quoi. Parce qu’il y avait un protocole à l’époque qui faisait qu’on ne mélange pas les enfants, dont la mère a une maladie infectieuse, il peut être aussi infectieux. Au même titre que l’hépatite.
Sandra : Ca, c’était en quelle année ?
Loane : 2000.
Sandra : En 2000, et donc pour ton deuxième enfant ?
Loane : Alors, pour mon deuxième enfant, ils m’ont reconnu parce qu’il n’y en pas beaucoup des femmes comme moi non plus. Ils m’ont dit : bon, cette fois, bon écoutez, on va être gentil, on va vous la prendre, mais on ne va pas quand même la mettre avec les autres enfants, on va la mettre dans une pièce à côté pour vous soulager la première nuit mais on ne pourra pas non plus la garder trop souvent. Mais je n’ai toujours pas le droit d’aller à la nurserie faire le bain avec les autres enfants. Il faut que je reste dans ma chambre quand même.
Sandra : Et là, pour ton troisième enfant que tu vas bientôt avoir. Donc dans 15 jours normalement.
Loane : Ah bah là on va rigoler. Ca va une fois, deux fois, mais pas trois ! Je vais me battre. Il y a des choses que j’adhérai avant que je n’adhère plus maintenant. Mais bon après, qu’il ne soit pas forcément avec les autres enfants, ce n’est pas forcément obligatoire. Mais c’est vrai que, le premier soir, quand on a une césarienne, ce n’est pas évident quoi.
Sandra : Et puis, tu as entendu parler du Comité des familles. Tu as le souhait de devenir correspondante. Pourquoi ? Qu’est-ce que tu aimerais faire en Bretagne ?
Loane : Parce que justement il y a rien. Il y a absolument rien. Je veux dire, dans les Côtes d’Armor, il y a une association. Une seule qui fait partie du système Carude. Donc pour les toxicomanes mais aussi pour les gens qui ont que le HIV. Et, une seule pour un département, c’est rien. Pour les femmes qui apprennent leur séropositivité pendant la grossesse, elles ont juste un suivi, elles voient un médecin et un psychologue mais, à part des amis que je connais d’avant, une ou deux filles, on n’est jamais venu me demander quoique ce soit. Comment ça se passe pour votre grossesse ? Enfin, c’est moi qui me suis faite toutes mes idées, toutes mes réponses, que j’entends, grâce à votre radio. C’est ce que j’ai expliqué. Il y a des réponses que j’entends grâce à votre radio. On ne m’a jamais répondu ouvertement à des questions auxquelles je me pose. Je me dis, si moi je peux aider des personnes, à aller mieux dans leur tête, et avoir une grossesse, à peu près, entre guillemet, sereine. Déjà d’apprendre la séropositivité, ce n’est pas évident mais en plus une grossesse avec un risque peut-être pour l’enfant, parce que, sachant que si c’est en cours de grossesse, elle a forcément pas eu de traitement, parce qu’elle vient de le découvrir. Psychologiquement, c’est mieux d’avoir quelqu’un, et en plus, quelqu’un qui a déjà eu des enfants. Déjà ce parcours, depuis 1999, il y a eu de l’évolution. Donc, je me dis, pourquoi pas avoir quelqu’un qui a la joie de vivre malgré tout, qui vit, entre guillemet, comme tout le monde et dire que voilà, c’est possible tout simplement. C’est possible de vivre normalement.
Sandra : Et le papa dans tout ça, qu’en pense-t-il ?
Loane : De ?
Sandra : Par rapport à ta séropositivité, comment lui, il vit ça, le fait qu’en Bretagne, il se passe rien, est-ce que lui, il s’y retrouve ?
Loane : C’est difficile par rapport à l’entourage. Parce que, les gens, à Saint-Brieux, ce n’est pas Paris. Moi, à Saint-Brieux, il y a des gens qui ne me connaissent pas, mais qui me connaissent. Ses amis lui ont parlé de moi, alors qu’ils ne me connaissent pas. Il parait que j’aurais quitté quelqu’un parce que je l’ai contaminé. Je ne suis pas au courant. C’est que ça là-bas. C’est-à-dire que je me bats tous les jours. Maintenant, je ne suis pas là pour les gens quoi. Je suis là pour ma famille. Maintenant lui, il adhère. Je suis là la preuve aujourd’hui. C’est qu’il me suit un peu dans ce que je fais. Maintenant, je pense qu’il y en a besoin. Tant que la personne comprend qu’il y a besoin de ces choses-là et même, pour que moi-même aussi je me sente bien. Je pense que, c’est bien d’aider. Mais ça nous aide aussi psychologiquement d’aider les autres et d’apprendre du vécu des autres. Parce que, on a tous notre parcours par rapport à notre maladie. Elles sont toutes différentes.
Sandra : Tina, quand tu entends cette prise de parole de Loane, ça fait beaucoup de choses là, mais est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a interpellé ? On en a parlé un peu avant, hors antenne, donc je sais qu’il y a certaines choses qui t’ont choquées, tu hallucinais. Pourquoi ?
Tina : Déjà, ce que je trouve très remarquable, c’est le courage de Loane. Etre une maman et être enceinte du troisième et vouloir à tout prix faire changer les choses. Ne pas simplement faire le constat d’une certaine situation, mais de vouloir changer les choses. Il y en a toujours parce que, on a d’autres correspondants, d’autres personnes dans toutes la France. Mais, voilà, il faut ce genre de personnes, courageuses, pour avoir envie de se battre. On sait que, par exemple, ici à Paris, on est nombreux, on peut se serrer les coudes. Si on veut faire une action, il y aura du monde. En Bretagne, pour l’instant, il y a moins de personnes. Il y a la peur d’être vu. Donc, ce sera plus difficile de mobiliser les personnes qui vivent avec le VIH, et notamment les familles. Mais voilà, le combat, il vaut la peine d’être mené et, je pense que si elle a le soutient des médecins et des partenaires dans sa région, j’espère que ça ira, qu’on pourra se soutenir, les familles qui vivent avec le VIH, dans sa région. Ce qui m’a beaucoup choqué c’est, on a pas mal discuté à l’arrivée de Loane, c’est effectivement toute cette façon d’être montré du doigt, en tant que personne vivant avec le VIH. Des personnes qui ne la connaissent pas. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’elle est séropositive. On voit que, c’est sûrement lourd, vraiment dans le quotidien quoi, qu’il faut faire face. Il faut avoir les épaules larges. Et puis, même au niveau du corps médical, il y a quand même cette discrimination, je pense que, c’est difficile pour une mère à supporter, que déjà, dès la naissance, comme disait Loane, dès le premier jour, son enfant est confronté à la discrimination. Comment ce sera dans les jours à venir quoi ? Les années à venir ? Il faut aussi que les médecins évoluent, se renseignent. L’enfant, il peut être mélangé à n’importe quel autre enfant. Il n’y a aucun risque. Il faut que les médecins fassent bien leur boulot quoi. Les médecins, les soignants, tout le corps médical.
Sandra : Ali, je vois que tu veux intervenir ?
Ali : Déjà, j’admire son courage et sa détermination. Je la rassure, quand bien même, elle habite une grande ville en province, sur Paris, les gens séropositifs sont également stigmatisés. En revanche, comment dire, tu parlais de la transmission de l’hépatite. D’un hôpital à un autre, c’est vrai qu’on a des sons de cloches différents et des réactions différentes vis-à-vis des médecins et du personnel hospitalier. Mais, je ne comprends pas toujours cette histoire qu’ils séparent l’enfant, sous prétexte qu’il serait susceptible de transmettre le VIH ou le VHC, parce que, le VIH se transmet par voie sexuelle et par voie sanguine. Les hépatites, c’est que par voie sanguine. Et donc, d’avoir surmonté tout ça, c’est un bon exemple et donc, ça peut aider beaucoup de gens, c’est en partageant avec des femmes qui n’ont pas ce vécu. C’est vraiment admirable de pouvoir faire face à tout ça et de pouvoir partager avec d’autres femmes qui pourraient être rassurées.
Sandra : Loane, on t’entendra souvent alors sur les ondes de l’émission Survivre au sida ?
Loane : Si vous m’appelez, oui, parce que, pour venir, ça va être difficile (rires). Autrement, pas de problème.
Sandra : Rendez-vous prochainement, pour écouter Loane, nouvelle correspondante du Comité des familles. Une maman courageuse.
Loane : Vous m’appellerez mardi, dans 15 jours, je vous raconterai directement de la maternité, comment ça se passe (rires).
Sandra : En direct de l’hôpital !
Tina : J’allais le dire, on voudra savoir est-ce que ça a évolué ou non, en direct.
Loane : Le 22, vous m’appellerez.
Sandra : Le rendez-vous est pris.
Transcription : Sandra JEAN-PIERRE