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Couples concernés par le VIH | Malades étrangers | Toutouille

Africains vivant avec le virus du sida en France : réponse à ceux qui croient que nous subissons en silence

15 octobre 2011 (papamamanbebe.net)

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Bonjour Sandra , Karine Adam ainsi que le Dr Thierry Prazuck.

Je m’appelle Toutouille.

Je viens de lire votre entretien à tous les trois, sur le site de papamamanbebe.net.

Effectivement, tout ce que vous avez dit est vrai par rapport au VIH qui, majoritairement, dans le milieu subsaharien, la socialisation est difficile.

Déjà que ce sont des personnes qui sont stigmatisées dans la société, sur tous les plans, pour trouver un petit travail pour te dépanner et, t’aider à garder le moral, malgré cette lourde pathologie.

Ce n’est pas chose gagnée.

Je ne dirais pas facile dans ta propre famille.

Ici, en France, tu es montré du doigt, exclu, mis à l’écart, culpabilisé de tous les maux de la Terre, comme si tu étais la cause de leur souci et, la cause de leur malheur.

Or, toi aussi, tu luttes dans un monde différent d’eux.

Ce vécu est monnaie courante dans une famille africaine vivant en France.

Je dirai, d’autres personnes n’ont pas vécu ce que je raconte.

Mais la plupart, malheureusement, se reconnaissent dans ce que je dis.

C’est pourquoi, dans les groupes de paroles, des collègues disent : « moi, ma fille, n’a jamais été au courant, pour cette raison de discrimination ».

Le tam-tam arabe.

Les personnes sont obligées de cacher leur histoire.

Donc, vous voyez, tout ça joue.

Venu de loin, il faut se reconstruire, s’adapter à son environnement car, le fonctionnement est différent des pays du tiers monde et, le seul soutien et refuge, ce sont les associations et les médecins.

Enfin, si vous avez de la complicité, à qui je pense, l’on devrait se confier car, c’est le seul avocat qui peut intervenir dans toutes les démarches administratives.

Tout cela, ce sont des épreuves très éprouvantes qui peuvent prendre des mois et des années, y compris cette épée de Damoclès au dessus de la tête, compagnon de nuit et jour.

Ce n’est pas facile et, à cela, se rajoute le fait que tu as peut être un ou deux enfants que tu as laissé.

Après, toi tu te dis que j’ai les papiers, je travaille, reconnu travailleur handicapé, qui t’ouvre le droit de travailler à temps partiel, et que la AAH te donne un coup de pouce pour avancer dans la vie, et pour te permettre de faire le regroupement familial.

Là encore, c’est un gros obstacle.

Bien que tu aies un logement, on te demande un CDI.

Le parcours du combattant.

Il y en a qui ont la chance, qui d’un seul coup, décrochent un CDI à la clé.

Enfin, c’est un ensemble de tout.

Tu te dis, je me décide à rencontrer et à vivre avec une personne comme moi.

Chose compliquée.

Déjà que l’on est comme ça.

Mais vivons notre vie et, laissons les petites querelles, les suspicions.

Tout ce qui est négatif.

Mettons de côté et croquons la vie à pleine dent.

Mais ce n’est pas le cas.

Aucun esprit d’humain, si ce n’est que du sexe.

C’est vraiment triste.

On se replie sur soi-même et, l’isolement refait surface.

Pleins d’idées négatives en tête, que tu sois illettré ou intellectuel.

Quand on est dans cette situation, la vision de la vie est différente.

Diplôme ou pas.

Le mode de vie change ainsi que la vision du lendemain.

On est en perpétuel doute et de remise en question.

L’angoisse, le stress.

Enfin, c’est un ensemble de tout.

On voit la vie différemment.

Heureusement qu’il y a des sites comme chez vous et des associations où, quand on arrive, on se lâche et on se sent chez lui, où l’on peut discuter sur la toile, comme la vôtre.

L’intégration.

En règle général, c’est la pire des choses car on ne sait pas de quoi est fait le lendemain.

Le contraire des autochtones et des personnes qui ne renouvellent pas tous les ans leurs papiers.

Pas facile d’ailleurs.

De jour en jour, on est culpabilisé.

Comment peux-tu avoir le courage d’être toi-même ? Mais, malgré tout, on fait semblant de vivre, comme si de rien n’était.

Mais l’intérieur est rempli de douleurs profondes qui sont la solitude, la tristesse perpétuelle et la vie fragilisée.

Mais quand on a des, ou un enfant, et qu’on est dans cette situation, on se dit il faut se battre pour survivre par rapport à ses enfants qui, peut-être sont orphelins, ou pas.

Sa petite famille si loin.

Enfin, c’est tout un paramètre.

On survit si je puis dire.

Cela dit, rien est forcé.

Mais la médecine, c’est ce qui nous maintient.

Merci à tous les 3 de votre attention, et de me lire.

Signée : Toutouille